Plutôt bien accueilli, le projet de loi visant à redonner confiance dans la vie démocratique, présenté jeudi par François Bayrou, est jugé encore perfectible dans la classe politique et par les associations anticorruption qui comptent bien intervenir dans la consultation promise par le garde des Sceaux.
Trois projets de loi ambitieux, dont une loi constitutionnelle, visant à moraliser la vie politique, notamment parlementaire, à prévenir les conflits d'intérêt et à refonder le financement public de la vie politique, ont été présentés jeudi par le ministre de la Justice.
"On a le sentiment d'avoir été en partie entendu", a réagi vendredi auprès de l'AFP le président de l'association Anticor Jean-Christophe Picard. Même satisfaction pour Transparency Internationale, qui s'est réjouie de voir nombre de ses propositions reprises dans le premier texte du quinquennat d'Emmanuel Macron.
Au plan politique, la copie du garde des Sceaux a été saluée par le patron du PS Jean-Christophe Cambadélis, qui s'est dit prêt à voter le texte s'il est réélu aux législatives, comme par Nathalie Kosciusko-Morizet, candidate Les Républicains à Paris, qui l'a trouvé "intéressant, utile" avec "beaucoup de bonnes choses". Même le Front national a reconnu "un certain nombre d'aspects positifs".
Mais tous ont également émis des réserves, souligné certains manques, disant attendre le texte rédigé pour mesurer son applicabilité.
"Est-ce qu'on a un texte idéal qui évitera tous les excès? Je ne crois pas que cela existe", avait reconnu jeudi François Bayrou en précisant que le débat n'était "pas fermé". "Il devra être précisé et enrichi par le débat parlementaire et par le débat public", a-t-il dit en annonçant "une consultation publique sur ce sujet".
Le ministre, qui a déjà reçu les associations anticorruption et les représentants des partis politiques représentés au parlement, a précisé qu'il poursuivrait ses consultations avec "d'autres acteurs de la vie civile et politique". "Le débat sera aussi alimenté par les partis politiques", a ajouté le garde des Sceaux précisant que La République en marche, le Modem et Europe Écologie les Verts ont déjà annoncé leur participation.
La discussion devra cependant s'organiser dans un calendrier serré, le texte, qui sera présenté le 14 juin en Conseil des ministres, devant être débattu au Parlement cet été et à la rentrée pour la partie constitutionnelle.
- "pour la fin du verrou de Bercy" -
Au titre des premières contributions au débat, Anticor a regretté vendredi la disparition de deux engagements d'Emmanuel Macron: "l'interdiction pour tous les détenteurs d'un casier judiciaire non vierge de se présenter à une élection" et "l'encadrement strict des pratiques de lobbying"
L'association souhaite la suppression "du verrou de Bercy" qui donne à l'exécutif le monopole des poursuites en matière de fraude fiscale" et de l'immunité dont bénéficient le président de la République et les parlementaires durant leur mandat. Elle veut aussi que l'on revienne, pour l'allonger, sur le délai de prescription des infractions dites occultes, comme l'abus de bien social.
Pour Transparency Internationale, l'urgence est d'élargir le texte à "la prévention de la corruption dans les collectivités territoriales", un engagement de campagne d'Emmanuel Macron, et à un meilleur encadrement du lobbying avec notamment la publication par les parlementaires de leurs rendez-vous avec des représentants d'intérêts.
Au plan politique, NKM s'est prononcée pour une interdiction totale des activités de conseil des députés, que le projet de loi se contente d'encadrer. Elle souhaite également voir étendues aux conseillers des cabinets ministériels les exigences imposées aux députés en matière de prévention de conflits d'intérêts.
Plus radical, le député PS Jérôme Guedj a plaidé pour interdire aux parlementaires d'exercer une autre profession et pour une transparence totale "des dons dans les campagnes électorales".
Le FN a regretté l'absence de mesure fortes pour interdire la pratique du pantouflage, en particulier le va-et-vient entre haute fonction publique et finance privée.
Enfin, la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA) a souhaité que toutes les personnes condamnées pour racisme, antisémitisme, négationnisme ou homophobie et toutes autres formes de discrimination ne puissent plus se présenter au suffrage des Français.