Texte de "défiance", lacunaire ou "de circonstance": de nombreux députés de tous bords ont exprimé mardi en commission leurs réticences sur certains volets du projet de loi de moralisation de la vie publique, réserve parlementaire et indemnité pour frais en particulier.
La ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a défendu devant la commission des Lois les textes sur la "confiance dans l'action publique", qui seront examinés à partir de lundi dans l'hémicycle.
Parmi les nombreuses interpellations des députés, souvent chevronnés, l'ancien Premier ministre Manuel Valls a déploré qu'une "dimension" ne soit pas intégrée: "C'est quoi aujourd'hui être député?"
"La demi-mesure ne servira à rien", a ajouté l'élu de l'Essonne, ex-PS apparenté En Marche, s'interrogeant notamment sur une possible augmentation de l'indemnité parlementaire (le revenu des députés) "contre l'opinion".
Le projet de loi prévoit en effet la suppression de l'indemnité représentative de frais de mandat (IRFM), qui serait remplacée par un système de remboursement en frais réels. Y aura-t-il obligation d'aller "au McDo", a ironisé Alain Tourret (ex-PRG devenu REM), disant craindre aussi de devoir "démontrer km par km où vous êtes allé".
Autre sujet majeur pour les députés: la suppression de la réserve parlementaire, dont ils disposent pour attribuer des subventions. Erwan Balanant (MoDem) s'est attiré les foudres de certains collègues en évoquant une "pratique dépassée" et "pas transparente", alors que sa répartition est publiée depuis la dernière législature.
Pour Sébastien Huyghe (LR), par cette suppression, "on va détruire le lien entre le parlementaire et son territoire". "Comment payer des tournées aux bars des associations?" a-t-il questionné, critiquant "une loi de défiance vis-à-vis de l'ensemble des parlementaires".
L'interdiction de l'emploi comme collaborateurs de membres de sa famille a aussi suscité quelques réserves, Olivier Dussopt (PS) affirmant que "ce qui est insupportable", c'est surtout "le caractère fictif" du travail.
Plusieurs députés ont regretté la "précipitation" sur ces textes, selon eux "de circonstance" après l'affaire Fillon.
Ils ont pointé des manques sur le statut des collaborateurs, celui de la Première dame ou encore celui de l'élu, certains, tels Régis Juanico (PS) ou Delphine Batho (PS), plaidant pour aller plus loin dans la prévention des conflits d'intérêts par exemple.
Pour sa part, la ministre a martelé qu'elle souhaitait la disparition de la réserve parlementaire.
"Le Sénat a prévu une dotation de soutien aux communes et aux projets portés par les Français de l'étranger. Nous sommes très loin d'une rupture avec le système existant", a-t-elle pointé, soulignant que "le gouvernement réfléchit à une dotation de soutien à l'investissement public local", renvoyée aux textes budgétaires.
Interpellée sur la réserve ministérielle non remise en cause, Mme Belloubet a défendu un dispositif "transparent" avec publication "sur internet chaque année en open data"...comme à l'Assemblée.
Sur ces projets de loi dont la rapporteure est la présidente de la commission, Yaël Braun-Pivet (REM), les députés du groupe majoritaire se sont peu exprimés.
Ils en avaient débattu dans la matinée en réunion, les points de vue étant "partagés" et les "discussions franches", selon Olivia Grégoire. "On est dans un débat démocratique", avait-elle ajouté devant la presse.