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Municipales 2026 : à Agen, la gauche part unie du PS… à LFI

Au regard des divisions au plan national, c’est un tour de force. A Agen, toutes les composantes de la gauche ont pourtant réussi à faire l’union en vue des municipales, du PS aux Ecologistes, en passant par le PCF, Place Publique et même LFI. Les enjeux locaux ont facilité le rassemblement. L’accord du NFP a aussi laissé des traces…
François Vignal

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Le climat de désunion de la gauche ne les pas atteint. Si au niveau national, la gauche est bien partie pour se diviser en 2027, entre un Jean-Luc Mélenchon quasi-candidat, et les autres formations qui cherchent la formule magique, au niveau local, certains résistent et préfèrent encore partir unis. C’est le cas dans la ville d’Agen.

Dans la préfecture du Lot-et-Garonne, on est loin des bisbilles qui occupent les instances nationales et les plateaux télés. Ici, c’est une liste d’union de la gauche qui se prépare pour les municipales de mars 2026. Et pas un rassemblement formel, mais plutôt du genre très large : outre les traditionnels Parti socialiste, Les Ecologistes et Parti communiste français, La France Insoumise est bien de la partie, tout comme Ensemble (mouvement de Clémentine Autain) et même Place Publique et le Parti radical de gauche, ce dernier s’étant rapproché de Bernard Cazeneuve, qui vient de recevoir le soutien de François Rebsamen, ministre du gouvernement Bayrou…

PS, LFI, « soc-dem », « écolos » et « cocos » dans le même bateau… Une arche de Noé pour sauver la gauche ? Quand Olivier Faure, réélu numéro 1 du PS, rêve d’une plateforme commune rassemblant de « Ruffin à Glucksmann », les Agenais réussissent le tour de force de rassembler sous la même bannière de tenants de Mélenchon à ceux de Cazeneuve. Un miracle.

« C’est parce qu’on sera unis qu’on pourra gagner, c’est la gauche sans exclusive »

C’est un avocat de 47 ans, Laurent Bruneau, conseiller municipal d’opposition au maire Modem Jean Dionis, qui va mener cette gauche très plurielle, pour tenter de reprendre cette ville de près de 35.000 habitants, voire avec un peu de chance l’agglomération de 100.000 habitants.

« Ça fait deux ans qu’on s’est mis en marche pour l’élection municipale, avec l’idée d’être unis. Car c’est parce qu’on sera unis qu’on pourra gagner. C’est la gauche sans exclusive. Il y a LFI, mais aussi le PRG, Place Publique et beaucoup qui ne sont pas encartés », explique Laurent Bruneau. Ce représentant de la société civile n’a lui-même sa carte dans aucun parti politique – il a été à EELV il y a une quinzaine d’années – ce qui a pu aussi faciliter le rassemblement.

« Des gens nous disent, les guéguerres entre vous, on ne supporte pas »

« L’union s’est faite assez naturellement. C’est lié au travail fait dans l’opposition. C’est aussi lié à cette conviction partagée qu’on doit s’unir. Car on est sur des questions locales, en réalité. Les débats nationaux, la politique nationale ne transpire pas ici. Le projet qu’on porte sur Agen, toutes les forces politiques arrivent à s’y retrouver. Ce qui se dit à Paris nous échappe un peu », avance cet « avocat militant », qui a déjà défendu des étrangers.

L’union, c’est aussi le désir d’une bonne partie des électeurs de gauche et de la base. « Des gens nous disent, les guéguerres entre vous, on ne supporte pas. Si vous êtes unis, on sera derrière vous. Ça compte pour les gens car ça montre qu’on est en capacité de dépasser les ego des uns et des autres et les guéguerres internes à la gauche », souligne le candidat.

« On parle moins parti, personnes et liste, plus de collectif et de contenus »

Pour réussir à avancer ensemble, cette gauche agenaise a posé un cadre. « Les conditions, c’est de respecter une charte de travail commun. Et on construit le programme ensemble », explique Guilhem Mirande, responsable départemental du PCF du Lot-et-Garonne, engagé dans ce rassemblement aux côtés de Marjorie Delcros, la cheffe de file du Parti communiste à Agen. Il continue : « Ça fait un an qu’on se voit par groupe de travail. On parle moins parti, personnes et liste. On parle plus de collectif et de contenu. C’est une méthode ». De quoi peut-être inspirer les responsables nationaux…

L’échelon municipal facilite aussi les rapprochements. « On ne parle pas de nucléaire, de RSA ou des questions internationales, qui sont quand même en retrait à ce niveau. Par contre, quand on est sur l’école, la cantine, les services publics, il y a des points de convergence », explique Guilhem Mirande, qui entend « ne pas se laisser contaminer par ce qu’il se passe au niveau national ».

« Ça se passe bien avec LFI »

Cette union, « on y travaille depuis des dizaines de mois déjà », confirme Yon Garay, secrétaire départemental du PS du Lot-et-Garonne, lui aussi élu d’opposition à Agen. « Lors du scrutin de 2020, malgré beaucoup de tentatives pour réunir l’ensemble de la gauche, je n’avais pas réussi, j’avoue », lâche-t-il, mais « là, on y est tous ». Et donc y compris des représentants de La France Insoumise.

La place de LFI s’est retrouvée au cœur du congrès du PS de Nancy, le week-end dernier, les opposants à Olivier Faure réclamant le refus de toute alliance avec LFI, y compris pour les municipales au niveau local, avant de tenter un compromis sur ce point avec la direction, en vain (voir notre article pour plus de détail). Olivier Faure a certes exclu tout accord national avec LFI. Mais le premier secrétaire du PS n’a pas fermé la porte à des alliances au niveau local.

Agen en est l’exemple concret, comme était venu nous interpeller, à Nancy, Yon Garay. « LFI nous a rejoints. Là, ils viennent et sont présents dans toutes nos distributions. Ils sont très actifs. Ça se passe bien avec LFI », assure ce jeudi le responsable PS du Lot-et-Garonne, qui explique ne pas avoir « une ombre de différence avec les militants de LFI, du PCF ou des Verts. Et faut savoir ce qu’on veut. On veut renverser la table et apporter notre programme ou pas ? Si on ne veut pas, on reste à la maison et on s’engueule et voilà », lance l’élu de Nouvelle-Aquitaine.

« En local, on se connaît. On sait qu’on a 90 % d’idées qui sont les mêmes »

Dorian Janray, 28 ans, est l’un des Insoumis en question. « Le train s’est mis en marche à l’initiative des élus d’opposition sortants, qui nous ont invités à les rejoindre », explique ce membre de La France insoumise. « Engagé pour LFI dans la campagne », il explique que deux des trois groupes d’action locaux de LFI « suivent » sur le rassemblement, le troisième « attend les éléments programmatiques ».

« En local, on se connaît. On sait qu’on a 90 % d’idées qui sont les mêmes, on connaît les difficultés de notre ville et des habitants. Les réponses qu’on a à apporter sont sensiblement communes. Et si on veut mettre en place une politique de gauche, il n’y a pas d’autres choix que de s’allier tous ensemble », soutient Dorian Janray, qui s’est « investi depuis janvier dans les commissions de travail. C’est une alliance de fond ».

Et que dit la direction du parti de Jean-Luc Mélenchon ? « Le national est au courant. Mais c’est un engagement local », précise le militant LFI, qui ajoute : « Pour le moment, ils attendent d’avoir les éléments programmatiques. Mais on n’a pas de doute sur la qualité du programme ».

« Les dissensions nationales… En local, on ne les a pas »

Le divorce, qui semble consommé ou presque entre Jean-Luc Mélenchon et le reste de la gauche, ne le concerne pas ici. « J’ai rejoint LFI lors de la présidentielle de 2022. Je reste derrière Jean-Luc Mélenchon, sans problème. Maintenant, les dissensions nationales… En local, on ne les a pas », explique-t-il.

Les accords de la Nupes et du NFP sont passés par là et on fait leur œuvre. « On a travaillé ensemble lors des législatives de 2022 et 2024. On a vu que cela nous apportait beaucoup de travailler ainsi. On a voulu maintenir ce lien-là, par des réunions », souligne Dorian Janray.

L’écologiste Paul Vo Van connaît bien le Nouveau front populaire. Et pour cause. « J’étais candidat pour les législatives au titre du NFP l’an dernier et on a fait une démarche collaborative large. Chacun a trouvé sa place. Et localement, il n’y a pas d’obstacle pour ne pas travailler ensemble. On est même plus large que le NFP », salue Paul Vo Van, co-porte-parole des Ecologistes du Lot-et-Garonne et conseiller départemental. Lui aussi voit de loin les tensions qui animent la gauche. « Honnêtement, on ne sent pas trop les débats qu’il peut y avoir au niveau national. On a l’impression que ce sont des tempêtes médiatiques, presque pour vendre des journaux, qu’on ne comprend pas toujours très bien », regrette l’écologiste.

« La Nupes et le NFP ont amené des gens qui ne se connaissaient pas à travailler ensemble »

« Les gens qui ne se connaissent pas se tirent dans les pattes. Or la Nupes et le NFP ont amené des gens qui ne se connaissaient pas à travailler ensemble », ajoute de son côté Guilhem Mirande. Et comme dans beaucoup de territoires, l’union de la gauche a été la formule gagnante, rappelle l’insoumis Dorian Janray :

 Le NFP a quand même été un succès. Il est sorti premier des législatives. Les gens voient que ça marche. Si on prend le cumul de la gauche à Agen, aux législatives, à la présidentielle ou aux européennes, la gauche est première à chaque fois. 

Dorian Janray, militant LFI à Agen.

De quoi caresser de sérieux espoirs pour les municipales. « On part pour gagner. On y travaille », prévient Dorian Janray. Face aux trois mandats successifs du maire sortant, qui n’est pas encore officiellement candidat et qui devrait mener « une liste d’union Modem, LR, Renaissance », selon Guilhem Mirande, et une liste du Rassemblement national, les planètes semblent s’aligner pour la galaxie de gauche.

« Sur Agen, on n’a jamais eu autant de chance de l’emporter », pense le responsable communiste, d’autant que « s’il y a une triangulaire avec le RN, la gauche et la droite, ça favorise la liste de gauche ». « Si hélas, il y a une triangulaire, ça peut nous avantager », reconnaît Laurent Bruneau, « mais on voudrait gagner sur notre programme et pas par la présence du RN ». Peut-être au moins un point commun avec les enjeux nationaux.

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