Paris : Conseil National des Republicains – LR
Bruno Retailleau, lors du Conseil national des Républicains à la Mutualité, le 28 juin

Municipales 2026 : les LR font de LFI leur ennemi public numéro 1

La stratégie déployée par Bruno Retailleau, le patron des LR, pour faire à tout prix barrage aux insoumis lors des prochaines municipales sous-tend de possibles rapprochements avec des candidats proches de l’extrême droite. LR envisage notamment de soutenir Robert Ménard, le maire de Béziers, ancien proche de Marine Le Pen.
Romain David

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À huit mois des municipales, Les Républicains peaufinent leur stratégie. La droite, ragaillardie par la popularité de son nouveau président, Bruno Retailleau, espère une « vague bleue » pour ce dernier jalon électoral avant l’échéance présidentielle. L’occasion aussi pour LR, composante turbulente du bloc gouvernemental, de mesurer les effets de son retour sur le devant de la scène politique. Pour ramener le plus de mairies possibles dans son escarcelle, la droite entend notamment faire barrage à l’implantation de la gauche, en érigeant « un cordon sanitaire anti-LFI », rapporte Le Figaro.

« LFI est la première et la pire menace politique aujourd’hui », estime le ministre de l’Intérieur dans les colonnes du quotidien. « Ne nous trompons pas d’adversaires, ce sont nos adversaires principaux », avait-il lancé à l’occasion d’un Conseil national à la Maison de la Mutualité, le 28 juin dernier, épinglant « la gauche des soumis aux insoumis ».

L’objectif est simple : tout faire pour éviter l’implantation de LFI à l’échelon local, alors que les municipales, longtemps négligées par les mélenchonistes, aiguisent de plus en plus d’appétits, comme en témoigne la candidature – malheureuse – du député Louis Boyard à Villeneuve-Saint-Georges en janvier dernier. « On sent un changement de stratégie de leur part. Très clairement, ils ont désigné, pratiquement département par département, des objectifs et des cibles, grosso modo dans toutes les circonscriptions où ils ont un député », analyse le sénateur LR Roger Karoutchi, vice-président de la commission nationale d’investiture (CNI) des Républicains.

Selon toute vraisemblance, ce « cordon sanitaire anti-LFI » s’appliquera aussi aux autres partis de gauche, nous assure un ancien ministre LR, dès lors qu’un insoumis figurera sur la liste présentée. « Nous voulons à tout prix éviter le dérapage des dernières législatives, où le front républicain a abouti à ce que certains de nos candidats en viennent à soutenir des LFI. Il fallait remettre l’église au centre du village », martèle le sénateur du Nord Marc-Philippe Daubresse.

La fin du « ni-ni » ?

Une manière aussi pour la droite de prendre ses distances avec le fameux « ni-ni » mis en place à l’époque de Nicolas Sarkozy, et qui consiste, en cas de second tour opposant la gauche à l’extrême droite, à ne pas prendre position. En interne, beaucoup considèrent que cette stratégie, utilisée pour la première fois aux cantonales de 2011, si elle se justifie encore pour les législatives, n’a pas nécessairement lieu d’être pour les municipales. « C’est une élection qui n’a cessé de se dépolitiser depuis une quinzaine d’années », relève le sénateur LR Max Brisson, membre de la commission nationale d’investiture. « Je pense que les étiquettes ‘divers gauche’et ‘divers droite’auront le vent en poupe à ces élections ».

Concrètement, LR pourrait être amené à soutenir des candidats déjà soutenus par le RN, « s’ils s’avèrent les mieux placés, y compris dès le premier tour, pour éviter le danger LFI », précise Roger Karoutchi. Un seul mot d’ordre, résume Max Brisson : « Pour barrer la route à l’extrême gauche, les alliances doivent être les plus larges possibles, avec des membres du socle commun et même au-delà. Là où ce risque n’existe pas, je ne vois pas pourquoi nous ne porterions pas nos couleurs. »

Le cordon sanitaire avec l’extrême droite

Robert Ménard, le maire de Béziers, est déjà cité comme cas d’école, même si le score cumulé de la gauche dans sa ville n’a pas dépassé les 12 % aux municipales de 2020. Toujours selon Le Figaro, l’édile, élu avec le soutien de l’ex-Front national, et qui a soutenu Marine Le Pen en 2022 avant de sembler opérer un rapprochement vers Emmanuel Macron, pourrait recevoir la bénédiction de LR pour sa campagne de réélection. « On ne parle pas d’investiture, mais de soutien. Pour l’heure, rien n’est acté », explique Roger Karoutchi. « Robert Ménard n’a pas besoin de nous pour être réélu, c’est vrai, mais sur place les élus LR nous disent que le dialogue est bon. » Il participera d’ailleurs, en septembre, aux universités d’été du parti à Port-Marly dans les Yvelines.

« Plutôt que d’imposer une stratégie nationale, nous voulons privilégier le contexte local. Mais certains fondamentaux demeurent. Il n’est toujours pas question de faire alliance avec le Rassemblement national », démine Marc-Philippe Daubresse. En clair : hors de question d’apporter un quelconque soutient à un candidat qui a été directement investi par le RN.

Roger Karoutchi, pourtant, nuance : « Si l’on avait un fort risque LFI dans une ville déjà tenue par le RN, la question pourrait se poser… Mais je ne vois pas où un tel cas de figure pourrait se présenter. Il faudrait une situation extraordinaire », relève ce fin connaisseur de la carte électorale. « Clairement, la notion de barrage contre LFI ne va pas favoriser l’ascension des candidats RN », assure-t-il. « Là, on parle de politique-fiction », balaye son collègue Max Brisson. « Ce sujet n’a pas été débattu en conseil national. Nous nous poserons cette question le jour où la situation se présentera ».

Peu de duels LFI/RN

Pour affiner sa stratégie, LR a mis en place un « groupe élections municipales » au sein de son organigramme, piloté par Mathieu Darnaud, le chef de file des sénateurs LR. Il comprend la sénatrice Valérie Boyer, Sophie Gaugain, vice-présidente de la région Normandie et, jusqu’à sa disparition le 7 juillet, Olivier Marleix, ancien président de groupe à l’Assemblée nationale. Charge à eux de plancher, territoire par territoire, sur la meilleure stratégie à adopter, notamment en identifiant des points de blocage. « Par exemple, pourquoi avons-nous tant de mal à nous implanter en Gironde ? », souffle un LR.

Leurs travaux doivent permettre d’éclairer les choix de la commission nationale d’investiture. La prochaine réunion de la CNI est prévue le 28 juillet : il y sera notamment question des villes franciliennes. LR espère avoir bouclé ses investitures au début de l’automne. « Nous ne communiquerons pas avant, car certains maires sortants, pour des raisons qui leur appartiennent, ne veulent pas entrer en campagne trop tôt. Ils seraient gênés de voir leur nom apparaître dans un communiqué », explique un cadre.

De manière générale, le risque de voir fleurir les seconds tours LFI/RN reste très limité. Là où l’un performe, les scores de l’autre sont souvent minimes. À quelques exceptions près : « Dans le Pas-de-Calais, autrefois une terre socialiste, les électorats se sont radicalisés. Il y a un certain nombre de territoires où vous allez avoir une lutte entre les extrêmes, notamment dans le bassin minier », avertit Marc-Philippe Daubresse. De quoi embarrasser LR à l’heure de se positionner ?

Nœuds gordiens

Enfin, il y a ces villes casse-tête. Nice, par exemple. Le maire sortant, Christian Estrosi, a quitté avec fracas Les Républicains en 2021 pour rallier Emmanuel Macron. Il est aujourd’hui encarté chez Horizons, le parti d’Edouard Philippe, l’ancien Premier ministre. Face à lui, Éric Ciotti, l’ancien patron de LR, désormais à la tête de son propre mouvement, l’Union des droites pour la République, et qui a rallié Marine Le Pen pendant les législatives anticipées, entraînant dans son sillage une dizaine d’élus sudistes. « Il est assez peu probable qu’Éric Ciotti obtienne notre soutien », estime toutefois Marc-Philippe Daubresse. D’autant que la majorité municipale compte encore des figures LR, comme la sénatrice Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des Affaires économiques au Palais du Luxembourg.

À Toulon, la condamnation du maire Horizons Hubert Falco pour recel de détournement de fonds publics, remplacé par son adjointe Josée Massi, ouvre un boulevard à la députée RN Laure Lavalette, qui laboure le terrain depuis de longs mois. Cette situation pourrait aussi faire grimper le score de la gauche, qui avait fait un peu moins de 10 % en 2020. Selon nos informations, le sénateur LR du Var, Michel Bonus, y a été envoyé comme « agent de liaison », chargé d’examiner la meilleure des options possibles pour une candidature LR. Y compris la sienne.

À Menton, les fractures de la majorité municipales autour du maire LR Yves Juhel, placé sous contrôle judiciaire dans une affaire de détournement présumé de fonds publics, pourraient favoriser le RN. Elle attise aussi les ambitions : il se murmure que Louis Sarkozy, le fils de l’ancien président de la République, pourrait y faire ses premiers pas en politique. « C’est une hypothèse très solide ! », assure, avec une certaine gourmandise, un parlementaire. « Il y a eu des contacts », confirme Roger Karoutchi. « Mais pour le moment, il ne nous a pas du tout sollicités ».

Enfin, Paris occupe une place à part avec une droite toujours orpheline depuis le départ de Rachida Dati pour le gouvernement, même si la maire du VIIe arrondissement espère encore rassembler le bloc gouvernemental derrière sa candidature. N’en déplaise à Francis Szpiner, sénateur LR de Paris, qui a annoncé vouloir se lancer dans la course.

L’imbroglio pourrait se démêler lundi : la commission nationale d’investiture planchera sur la législative partielle qui doit se tenir dans la deuxième circonscription de Paris, et sur laquelle lorgne l’ancien Premier Ministre Michel Barnier, mais aussi… Rachida Dati. Bruno Retailleau doit participer à cette réunion pour aider à départager les deux poids lourds. Or, la ministre de la Culture pourrait se servir de cette élection pour monnayer son retrait contre une investiture dans la capitale, même si son renvoi en correctionnelle pour corruption et trafic d’influence risque de compliquer les choses. Un membre de la CNI l’admet : « Je ne vois pas comment cette affaire pourrait se régler sans faire rentrer la mairie de Paris dans l’équation ».

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