Les négociations entre socialistes et écologistes à Paris ont fini par ressembler à un manège qui tourne sans fin. À quatre mois du scrutin municipal, une question commence à s’imposer dans les états-majors, la gauche pourra-t-elle s’unir avant le premier tour ? Les discussions entre Emmanuel Grégoire (PS) et David Belliard (EELV) s’étirent depuis des semaines, oscillant entre rapprochements secrets et portes qui claquent. Une chorégraphie qui change de pas chaque semaine, mais sans jamais de musique. L’un des nœuds de l’accord, c’est la frontière avec La France insoumise. Depuis des semaines, David Belliard plaide pour une candidature unique dès le premier tour, rassemblant PS, Verts et Insoumis. Une ligne rouge pour Emmanuel Grégoire comme pour Sophia Chikirou (LFI), mais pour des raisons diamétralement opposées : le premier veut tenir LFI à distance, la seconde refuse de s’effacer. Le candidat socialiste va même plus loin, excluant catégoriquement toute alliance avec LFI, y compris au second tour.
Pendant ce temps, Rachida Dati caracole en tête des sondages. L’équation politique est limpide : la gauche unie peut gagner, dispersée elle perdra. Mais chacun veut obtenir assez pour pouvoir expliquer l’accord à ses militants.
Un rapprochement discret mais réel
« Je souhaite avoir une union la plus large de la gauche », affirme ce mercredi Emmanuel Grégoire dans notre matinale. Après une phase de distance, Emmanuel Grégoire et David Belliard ont renoué le dialogue. Une réunion s’est tenue la semaine dernière, révélait Politico. « L’alliance est davantage une certitude qu’une possibilité », confie Lamia El Aaraje, porte-parole d’Emmanuel Grégoire. Elle insiste : « Il y a une détermination totale à empêcher la ville de basculer à droite, entre les mains de quelqu’un qui a fait de la ‘trumpisation’ du débat politique. » Elle nuance toutefois : « Les discussions avancent bien […] mais à ce stade, rien n’est acté. » Et d’ajouter : « Ce serait un accord inédit, mais essentiel. Mais « c’est un chemin long et exigeant » rappelait Emmanuel Grégoire sur notre antenne. « Les convergences sont très claires. Nous ne sommes pas ennemis, mais l’accord de départ doit être équitable », résume de son côté Béchir Saket, co-chef de file écologiste à Paris Centre.
« (Ian) Brossat va fusionner avec (Emmanuel) Grégoire dans les prochains jours, peut-être même les prochaines heures. Depuis que Paris se joue au suffrage direct, les communistes ne sont jamais arrivés au premier plan. » affirme un écologiste engagé dans la campagne de David Belliard. Au PS, le ton est très différent, on se félicite de voir l’alliance avec les communistes, un partenariat historique depuis 2001 dans la capitale, se consolider.
Un cadre communiste confirme d’ailleurs qu’il « vaut mieux partir unis à trois pour éviter la dispersion » des votes, avant d’ajouter que « le PS présentera une nouvelle proposition aux écologistes aujourd’hui ». Reste une question centrale, cette proposition portera-t-elle sur une troisième mairie d’arrondissement ?
Les arrondissements, nerf de la guerre
Derrière les appels à « l’union » et au « bloc de gauche », on se bat en réalité pour des mairies. Les écologistes, qui dirigent aujourd’hui les 12ᵉ et 14ᵉ, veulent sécuriser leur place dans la future coalition. Ils réclament un troisième arrondissement, le 11ᵉ, un bastion de gauche, symbolique pour David Belliard. Au PS, la demande a été accueillie par un haussement de sourcils : « C’est niet », tranche un proche d’Emmanuel Grégoire. Lamia El Arraj, de son côté assure que « rien n’est tranché ».
Les Verts, eux, martèlent qu’ils ne signeront pas un accord qui les affaiblirait. L’un de leurs responsables résume : « Sans mairie solide, il n’y aura pas d’entente ». D’autres dénoncent une habitude socialiste de « placer ses copains » dans les arrondissements gagnables et affirment qu’ils ne sont pas prêts à accepter un scénario qui reproduirait ce schéma. Les écologistes jugent les premières propositions « pas insultantes », mais insuffisantes. Ils attendent un geste plus fort, une garantie.
Si certains admettent qu’ « on a absolument besoin de construire cette union. » pour continuer à peser dans la capitale, la faiblesse de leurs positions rend la négociation délicate : les arrondissements actuellement tenus par EELV peuvent « basculer ». « Sans une mairie sécurisée en échange, il sera difficile de défendre la signature », reconnaît un cadre Vert.
Le PS prêt à lâcher du lest
Mais dans les rangs socialistes, l’idée d’une concession substantielle fait son chemin, « ils vont avoir plus de conseillers que la dernière fois c’est sûr, et ça c’est cher ». La sortie prochaine de nouveaux sondages va peser lourd, si EELV fléchit, leur marge de négociation fond. Un cadre PS confie : « On fera des concessions, oui. Mais on ne fera pas semblant non plus. Ils auront plus qu’en 2020, mais pas l’équilibre rêvé. »
Dans les couloirs de la campagne socialiste on se dit confiant « sur l’union », tout en laissant place au réalisme « on sait qu’il faudra annoncer à une équipe et une section que la mairie sera écologiste et que c’est la condition de la victoire à gauche, comme dans le 12e en 2020 ».
Un compte à rebours déjà lancé
Tous en conviennent : une gauche divisée offrirait un boulevard à Rachida Dati. Pourtant, chacun continue de pousser ses exigences au maximum. « L’alliance est incontournable », admet un socialiste. « On ira loin pour l’accord… mais seulement si on se sent respectés », prévient un écologiste.
Dans les deux camps, un même horizon s’impose, une dizaine de jours pour sceller un compromis avant la trêve de Noël. Chez les socialistes, une date circule déjà pour officialiser l’union, autour de la mi-décembre, afin de mettre en scène un rassemblement avant les fêtes.
Alors d’ici Noël, Paris saura si la gauche a choisi de s’unir ou si elle a préféré laisser à Rachida Dati le champ libre pour conquérir la capitale.