S’ancrer localement avec des élus. La France insoumise (LFI) ne cache pas son ambition pour les élections municipales 2026 qui se tiendront les 15 et 22 mars prochains. Le mouvement fondé par Jean-Luc Mélenchon s’est engagé dans la campagne comme il ne l’avait jamais fait depuis sa création, il y a 10 ans. « Nous savons tous que ces élections de 2026 seront des élections très politiques, prédit l’ancien député lors de sa conférence aux Amfis, l’université d’été de LFI vendredi 22 août. […] Tout le monde sait que s’il y a un problème au niveau local, c’est parce qu’il y a un problème au niveau global. »
Pas question de reproduire le scénario des municipales de 2020. A l’époque, les insoumis avaient préféré soutenir localement des listes citoyennes sans faire campagne à l’échelle nationale. « Nous avions tenté une méthode, retrace Maxime Da Silva, président du réseau national des élus de LFI. C’était un an après le mouvement des Gilets Jaunes, nous voulions nous mettre à disposition de collectifs en se disant que l’élection municipale n’était pas la mère des batailles. » Résultat, les élus insoumis n’ont obtenu que très peu d’élus. « Ça n’a pas payé électoralement mais nous avons créé des liens localement », positive Paul Vannier, député LFI du Val-d’Oise et membre de la coordination nationale en charge des élections.
Alliances locales en question
Aujourd’hui, La France insoumise compte selon ses chiffres 2000 élus locaux, quasiment tous élus municipaux. Parmi eux, 200 sont membres cotisants au réseau des élus insoumis et trois communes sont dirigées par des élus La France insoumise : Faches Thumesnil (Nord), Grabels (Hérault) et Châteldon (Puy-de-Dôme). « C’est peu par rapport à ce qu’on représente au niveau national », reconnaît Paul Vannier. LFI présentera donc des listes insoumises « avec des partenaires là où on peut en trouver », ajoute le député. Et ce ne sera pas une mince à faire. Au Parti socialiste, on refuse en bloc toute alliance avec LFI pour les municipales. Les élus du parti à la rose craignent aussi que des insoumis gagnent dans des villes gérées par leurs troupes comme à Montpellier, dirigé par le maire Michaël Delafosse opposé fermement au mouvement de Jean-Luc Mélenchon.
« LFI a décidé de faire tomber, partout où ils le peuvent, des mairies socialistes. Ce sont des concurrents qui de plus en plus deviennent des adversaires », avait taclé Patrick Kanner, président du groupe PS au Sénat sur Public Sénat le 29 mai dernier. Chez les écologistes aussi, le sénateur Yannick Jadot est dubitatif sur des alliances locales avec les insoumis. « Ça ne me paraît pas sérieux, dans les villes où nous sommes dans des majorités municipales et où nous avons bien travaillé, de faire alliance avec l’opposition alors que par ailleurs nous voulons reconduire nos maires », expliquait-il à Libération en juin. D’autant que les écologistes ont bénéficié de bons scores en 2020 dans le prolongement des élections européennes de 2019 après les marches pour le climat. « On parle d’une vague verte mais nulle part les Verts n’ont gagné sans LFI. Nous avons servi de wagon très moteur », rappelle de son côté Maxime Da Silva par ailleurs chef de file LFI à Rouen (Seine-Maritime).
« Plus la participation sera forte, plus LFI aura d’élus »
Pour parvenir à intégrer des conseils municipaux en nombre et à diriger des communes, la recette des insoumis repose sur deux ingrédients. D’abord les réseaux locaux. « L’ancrage citoyen et municipal ne se fait pas uniquement par des postes. Tu es ancré parce que tu es intégré au tissu associatif et nous avons des insoumis très intégrés », met en avant Maxime Da Silva. Un constat partagé sur le terrain par un élu socialiste du Nord opposé à toute alliance avec LFI : « Ils sont invités à des événements locaux dont nous ne sommes même pas au courant », regrette-t-il.
Le deuxième ingrédient est plus aléatoire, il s’agit de la participation à l’élection. « Plus la participation sera forte, plus LFI aura d’élus. Il faut que les gens aillent voter », appuie Maxime Da Silva. « La question de la mobilisation sera cruciale », abonde Paul Vannier. Les insoumis réalisent d’ailleurs plusieurs campagnes d’inscriptions sur les listes électorales avec du porte-à-porte ou par le moyen de leurs caravanes populaires. Encore cet été, le mouvement a sillonné le nord et le sud de la France, réalisant 24 étapes dans 10 régions différentes. LFI mise aussi sur le contexte politique national pour mobiliser. « Ce contexte qui politise le peuple est favorable aux insoumis », croit savoir Maxime Da Silva.
Les futurs candidats LFI porteront également un « programme de rupture ». « Pour nous, il faut politiser l’élection et la ramener à des grands sujets fondamentaux et pas à une gestion clientélaire », explique Paul Vannier. Ainsi, les futurs élus locaux insoumis peuvent s’appuyer sur une boîte à outils de 407 mesures divisée en quatre grands thèmes : « Commencer la révolution citoyenne, commencer la planification écologique, fortifier l’entraide, construire la nouvelle France ». Séverine Veziès, membre de la coordination nationale de la France Insoumise en charge des élus entend muscler les candidats grâce à plusieurs formations dispensées par l’Institut La Boétie co-présidé par Jean-Luc Mélenchon et la vice-présidente de l’Assemblée nationale Clémence Guetté. « L’objectif c’est de les accompagner et ne pas les laisser en rase campagne », explique Séverine Veziès qui est aussi cheffe de file LFI à Besançon (Doubs).
Objectif sénatoriales 2026
Derrière les élections municipales, les insoumis n’oublient pas les élections sénatoriales de septembre 2026 où les sièges de 170 sénateurs seront remis en jeu. « Un des objectifs de ces élections municipales, c’est de faire élire des grands électeurs pour entrer au Sénat », indique Paul Vannier. Les élections sénatoriales reposent en effet sur un mode de scrutin indirect où des grands électeurs, quasiment exclusivement des élus locaux, votent pour les sénateurs. « Ce sera la première fois qu’on participe à l’élection sénatoriale. En 2023 nous y étions allés mais sans les armes pour gagner l’élection », se remémore Maxime Da Silva.
Un souvenir dont les insoumis gardent une rancœur tenace. A l’époque, dans le sillage de la Nupes, créée pour les élections législatives de 2022, LFI avait demandé à leurs partenaires socialistes et communistes de permettre l’élection d’un sénateur insoumis. Le PS et le PCF avaient refusé tout accord avec le mouvement fondé par Jean-Luc Mélenchon qui avait malgré tout décidé de présenter des candidats dans toutes les circonscriptions renouvelables, faisant ainsi perdre à la gauche sénatoriale une dizaine de sièges. Sans espérer atteindre dès 2026 les dix sénateurs nécessaires à la création d’un groupe, les insoumis veulent imprimer leur marque au Palais du Luxembourg. Un sénateur insoumis serait « fidèle à un programme de rupture jusqu’au bout », assure Paul Vannier pour qui « avoir un groupe insoumis au Sénat serait presque la révolution. »
L’élu francilien est bien conscient que pour le moment la marche est haute d’autant que les circonscriptions d’Ile-de-France où LFI disposent du plus d’élus ne seront renouvelées qu’en 2029. Mais d’ici là, s’ils obtenaient l’entrée d’un sénateur à la chambre haute, il pourrait être le relais de ses homologues de l’Assemblée nationale. « Le Sénat laisse le temps de l’initiative parlementaire, des propositions de lois que nous pourrons ressortir quand nous serons au pouvoir », prophétise Maxime Da Silva.