2026, c’est loin. Et en politique, c’est presque une éternité. Mais la précampagne des municipales à Paris connaît un sérieux coup d’accélérateur à gauche. L’annonce de la maire PS sortante, Anne Hidalgo, de ne pas se représenter, agite le microcosme politique parisien. Avec un risque : une guerre de succession. Mais pour l’heure, chacun appelle au rassemblement.
« Rémi Féraud a la solidité, le sérieux et la capacité de rassemblement nécessaires » selon Anne Hidalgo
« C’est une décision que j’ai prise depuis longtemps », annonce ce mardi la première édile dans un entretien au Monde. Elle a déjà désigné son successeur, en la personne de Rémi Féraud, sénateur PS de Paris, à la tête du groupe socialiste au Conseil de Paris. « Je voulais l’annoncer suffisamment tôt et à un moment qui permette de préparer une transmission sereine pour accompagner une équipe, en l’occurrence portée par Rémi Féraud. Je le connais bien, je l’apprécie depuis très longtemps ; il est celui qui va pouvoir porter notre histoire et réinventer un avenir pour Paris. Il a la solidité, le sérieux et la capacité de rassemblement nécessaires », l’intronise Anne Hidalgo. « Sa confiance m’honore », a réagi sur X (ex-Twitter) l’ancien maire du 10e arrondissement, « prêt à reprendre le flambeau ».
Voyant les choses se précipiter, un autre candidat socialiste s’est déjà déclaré la semaine dernière, le 19 novembre : Emmanuel Grégoire, député PS de Paris et ancien premier adjoint d’Anne Hidalgo. Celui qu’elle imaginait un temps lui succéder s’est brouillé avec l’ancienne candidate à la présidentielle. Cette dernière ne lui fait pas de cadeau aujourd’hui. « Emmanuel Grégoire a fait le choix de partir à l’Assemblée nationale pour porter le combat contre l’extrême droite : il y aura vraisemblablement une dissolution d’ici la fin 2025. On ne peut pas être candidat à tout », tranche Anne Hidalgo. Si les deux candidats se maintiennent, ce seront aux militants socialistes parisiens de trancher.
« C’est celui qui peut faire vivre le mieux la majorité, qui est parfois rock’n’roll » selon la sénatrice PS Colombe Brossel
Voilà Rémi Féraud rhabillé dans son nouveau costume de candidat, que pas beaucoup ont vu venir. Comme ancien premier fédéral du PS, il a l’avantage de bien connaître l’appareil socialiste parisien, comme les dossiers locaux qu’il a suivi à la tête du groupe Paris en Commun. « C’est un très bon choix », salue sa collègue socialiste, la sénatrice de Paris Marie-Pierre de la Gontrie. Elle le connaît bien et pour cause : « On vit ensemble depuis 6 ans », sourit-elle, « on partage le même bureau au Sénat, ainsi que les collaborateurs. Et on a renouvelé nos vœux ». Marie Pierre de la Gontrie loue « son expérience de terrain. Il a été maire du 10e arrondissement pendant des années. Il connaît l’action publique totalement ».
« Rémi Féraud est celui qui peut le mieux rassembler la gauche, les socialistes, les maires d’arrondissements, et comme président du groupe PS à la mairie, c’est celui qui peut faire vivre le mieux la majorité, qui est parfois rock’n’roll, parfois éruptive, mais on est capable de faire travailler ensemble des socialistes, des écologistes et des communistes », soutient la sénatrice PS de Paris, Colombe Brossel, qui ne cache pas, à l’annonce du retrait d’Anne Hidalgo, « une pointe d’émotion, vu toutes les aventures traversées à ses côtés ».
Rémi Féraud a pris sa décision « cet été »
Si Rémi Féraud a dit le 11 novembre au Parisien s’y « préparer », l’idée vient en réalité de loin. Le sénateur pensait même depuis quelques années que « rien n’était exclu pour la suite », confie un proche. Mais c’est surtout « cet été » qu’il a « réfléchi » à l’hypothèse d’une candidature. C’est à la fin des Jeux paralympiques qu’Anne Hidalgo le met dans la confidence et lui annonce qu’elle ne se représentera pas. Il fait alors part de ses intentions.
Pour installer sa candidature, après le soutien d’Anne Hidalgo, Rémi Féraud va donner une interview au Parisien ce mercredi 27 novembre, suivi d’un déplacement sur le terrain, avec la maire de Paris, jeudi, dans le 20e arrondissement, dans le quartier populaire de Python Duvernois, qui longe le périphérique. Ce quartier va bénéficier d’un large projet de réaménagement et de végétalisation. L’occasion de « montrer le rassemblement » autour de sa candidature « et des élus socialistes parisiens ». Plusieurs maires d’arrondissement seront de la partie, histoire de montrer l’unité… et de réaliser une démonstration de force. « Quasiment l’ensemble des maires d’arrondissements vont le soutenir dès le départ », assure l’entourage de Rémi Féraud. Si bien qu’en cas de primaire interne au PS pour le départager avec Emmanuel Grégoire, les soutiens du sénateur affichent une certaine confiance.
« Toutes les stars se sont cassé les dents sur les municipales, de Jack Lang à Benjamin Griveau et Agnès Buzyn, en passant par Philippe Seguin et NKM »
S’il espère rassembler, Rémi Féraud devra déjà tenter de corriger son manque de notoriété. « C’était le point de faiblesse de Bertrand Delanoë, d’Anne Hidalgo. Or toutes les stars se sont cassé les dents sur les municipales, de Jack Lang à Benjamin Griveau et Agnès Buzyn, en passant par Philippe Seguin et NKM. La notoriété viendra avec la campagne », balaie l’entourage de Rémi Féraud, selon qui « ce n’est pas un sujet ». Toujours est-il qu’il devra imprimer sa marque pour faire taire les critiques. « Beaucoup disent de lui qu’il est poli et gentil. Mais il n’est ni faible, ni naïf », soutient un conseiller de Paris qui le connaît bien. Autre écueil : paraître comme le successeur d’Anne Hidalgo ne risque-t-il pas d’être un poids pour lui ? La droite et/ou les macronistes joueront sur cette corde. « Ils vont dire qu’il est l’héritier. Mais le discours monarchique, les Parisiens s’en fichent. C’est à eux de choisir », rétorque un proche.
Pas besoin de la droite pour attaquer sur ce thème. Dans Le Parisien, Emmanuel Grégoire a déjà commencé à lâcher quelques coups, avant l’annonce d’Anne Hidalgo. « Paris n’est ni un héritage, ni une rente de situation. J’ai toujours été respectueux des organisations et des voix de chacun, ce seront d’abord les militants socialistes puis les Parisiens qui décideront », lance le député.
Pour combler le manque de notoriété, le lancement de la fusée Féraud se fera surtout au long cours. « L’utilité de la démarche d’Anne Hidalgo, c’est d’avoir devant nous le temps pour se déployer, pour faire campagne, devant chaque sortie de métro, chaque cage d’escalier, dialoguer et construire la notoriété de celui qui tirera nos listes », explique Colombe Brossel. « Il fera campagne pendant au moins un an. Anne Hidalgo l’a fait pendant un an et demi », ajoute l’entourage, « l’objectif est d’avoir un temps d’avance ».
Le sénateur PCF Ian Brossat pour « une liste d’union de toute la majorité municipale »
Mais à gauche, on ne manque pas de candidats potentiels. Le communiste Ian Brossat, encore un sénateur de Paris, ancien adjoint d’Anne Hidalgo au logement, ne cache pas avoir aussi des ambitions. Celui qui en faisait la confidence depuis quelques mois en privé, le dit aujourd’hui au grand jour. « Je suis disponible », a-t-il assuré sur France Bleu. Interrogé ce mercredi par Public Sénat, il se fait moins affirmatif sur son éventuelle candidature. « Anne Hidalgo a fait part d’une décision qui n’est pas surprenante. Dès les municipales de 2020, elle avait dit que ce serait son deuxième et dernier mandat », commence le sénateur PCF. « A partir de là, je n’ai qu’une seule préoccupation : que Paris reste à gauche, que Paris continue à porter l’écologie, la justice sociale, les valeurs progressistes. […] Cela supposera que la gauche se présente unie », soutient Ian Brossat. Une fois que chaque formation aura « désigné son chef de file », « il va falloir que nous puissions dialoguer ensemble. Et l’essentiel, à mon sens, c’est une liste d’union de toute la majorité municipale, les socialistes, les communistes, les verts, dès le premier tour. Parce que c’est le moyen de maximiser nos chances de victoires ». Regardez :
Celui qui défend jusqu’ici l’idée d’une primaire au sein de la gauche est cette fois moins affirmatif. « Je ne sais pas si ça passe par une primaire. Je me fiche un peu de savoir par quelle procédure on passe. L’essentiel, c’est que nous atterrissions unis », affirme le porte-parole du PCF. « C’est vrai que la tradition voulait que les écologistes y aillent de leur côté. Mais le plus efficace aujourd’hui, c’est une liste d’union de toute la majorité municipale, dès le premier tour », insiste Ian Brossat, qui prévient : « L’absence d’union serait totalement irresponsable. Les électeurs de gauche sanctionneraient durement ceux qui feraient le choix de la division, de la dispersion ».
« Cette fois, nous avons le devoir d’essayer de présenter un candidat unique, dès le premier tour », affirme la sénatrice écologiste Antoinette Guhl
Les regards se tournent en effet vers les écologistes. Bien que membre de la majorité d’Anne Hidalgo, vont-ils à nouveau lancer leur propre liste ? L’état d’esprit semble moins vindicatif aujourd’hui. « C’est vrai que nous, jusqu’à présent, nous avons toujours présenté un candidat en autonomie. Je pense que cette fois, nous avons le devoir, pour les électeurs de gauche, d’essayer de présenter un candidat unique, dès le premier tour. J’appelle toutes les forces de gauche à s’unir et se mettre autour de la table pour décider des modalités », affirme Antoinette Guhl, sénatrice Les Ecologistes (ex-EELV) de Paris. C’est la position arrêtée « par le bureau parisien des Ecologistes, lors d’un vote il y a quelques semaines ». Elle n’exclut cependant pas totalement une candidature sous les couleurs du parti. « Je ne vais pas vous dire qu’on ne partira pas en solo. Cela dépendra de la manière dont se passent les discussions ». Mais pour l’heure, elle veut croire à l’union. « Soit on trouve un accord, soit on va à la primaire. Mais essayons peut-être de trouver un accord », avance l’écologiste.
La sénatrice écologiste Anne Souyris pour « une primaire ouverte à tous les électeurs parisiens »
Sa collègue Anne Souyris, sénatrice des Ecologistes de Paris, a déjà une préférence pour la méthode. « Pour moi, on doit avoir une alliance à gauche à Paris. Et on doit faire une primaire. Si ça doit être un socialiste, ce sera un socialiste. Mais je pense qu’on a besoin d’un maire écologiste maintenant. J’œuvrerai en ce sens-là », soutient l’ancienne adjointe à la santé d’Anne Hidalgo, tout en saluant Rémi Féraud, « un homme de courage, quand il a ouvert la première salle de shoot, dans le 10e ».
Elle défend même « une primaire ouverte à tous les électeurs parisiens et organisée par les partis politiques, pour que ce soit le plus démocratique possible et transparent dans l’organisation ». Pour Anne Souyris, c’est la seule méthode. « Il doit y avoir une primaire car il n’y aura pas d’entente comme ça. Tout le monde aura envie d’y aller ».
« Yannick Jadot considère que le mandat de maire de Paris est un magnifique mandat »
Chez les écolos, on compte déjà quelques candidats putatifs. « Le premier auquel je pense c’est Yannick Jadot (sénateur de Paris et ancien candidat à la présidentielle, ndlr). Je sais qu’il considère que le mandat de maire de Paris est un magnifique mandat. Je sais qu’il aime Paris », avance Antoinette Guhl. « C’est clair que Yannick Jadot a une notoriété qui fait qu’il est plus à même de rassembler derrière lui », ajoute la sénatrice, qui insiste :