"Désabusés" ou "atterrés", nombre de députés LREM fustigent la division entre Benjamin Griveaux et le dissident Cédric Villani aux municipales à Paris, "machine à perdre" et "boulevard" pour Anne Hidalgo. Mais si certains sont "tiraillés", la plupart restent "légitimistes".
"Je ne comprends pas qu'on en arrive là. Cette situation est baroque", déplore auprès de l'AFP le député Lionel Causse (Landes) qui soutient "le candidat investi par LREM", Benjamin Griveaux.
"Nous faisons tout ce qu'il faut pour perdre", se désespère un autre. "Les responsables du mouvement sont incapables d'impulser une envie commune".
Combien de divisions ont-ils à l'Assemblée ? Le "ventre mou" du groupe macroniste est "légitimiste", mais une "vingtaine de députés sont embarqués derrière Cédric Villani", notamment à l'aile gauche, selon une source parlementaire.
Et plusieurs marcheurs confessent leur "indécision", car le mathématicien conserve un vrai capital sympathie au Palais Bourbon.
- "Le coeur et la raison" -
Villani et Griveaux, "c'est le coeur et la raison", résume une députée. "On est nombreux dans ce cas. Mais on est aussi nombreux à avoir été marqués par la fronde sous François Hollande. Donc on a très envie de respecter les règles du mouvement, même quand elles sont difficiles à avaler".
Chacun a sa garde rapprochée. Pour Benjamin Griveaux, c'est le noyau historique de la macronie et des "marcheurs" parisiens: Stanislas Guerini, numéro un de LREM, Pacôme Rupin, tête de liste dans le centre de Paris, le porte-parole Sylvain Maillard ou Olivia Grégoire, chargée de la communication du candidat. Et le rallié Mounir Mahjoubi.
Autour de Cédric Villani, des figures moins centrales: la députée des Français d'Amérique latine Paula Forteza - tête de liste dans le XIXe - , l'ex-socialiste Anne-Christine Lang, l'ancien patron du Raid Jean-Michel Fauvergue ou le proche de Nicolas Hulot et ex-LREM Matthieu Orphelin. Ainsi que le renfort du vice-président de l'Assemblée et ex-prétendant à l'investiture LREM à Paris Hugues Renson.
Entre les deux camps, l'ambiance se tend, même si la villaniste Anne-Christine Lang assure que seuls "quelques irréductibles sectaires ne lui adressent plus la parole".
Les crispations restent limitées "au petit cercle" des députés de Paris, selon un parlementaire, qui souligne que le patron du groupe LREM Gilles Le Gendre, élu parisien lui aussi, "fait attention à ne pas aviver la tension entre les deux" rivaux.
Et aucune des personnes interrogées ne se dit favorable à une "exclusion" des villanistes, car "on a toujours été un mouvement de bienveillance", dit Stéphane Trompille (Ain).
Plusieurs indécis gardent en travers de la gorge les propos insultants de Benjamin Griveaux au sujet de ses concurrents, révélés l'été dernier: Villani, qui "va se faire désosser" ou Renson, le "fils de p...".
"Il ne dit pas bonjour, n'a pas ce côté chiraquien de celui qui serre la paluche en campagne", grince une source parlementaire, qui décrit un "apparatchik, lisse".
- "Ca a été trop loin" -
A l'inverse, les "légitimistes" sont déroutés par le cavalier seul de Cédric Villani. "Sans doute est-ce lié à son entourage, des gens qui lui disent +vous êtes le meilleur+. Il y a un petit phénomène de +melonisation+", considère Bruno Questel (Eure).
"Il donne la ville à Hidalgo. C'est de l'irresponsabilité politique", tacle une autre.
Plus grand monde ne croit à un rassemblement avant le premier tour le 15 mars. "Ca a été trop loin", déplore Jean-Louis Touraine (Rhône), qui compare Paris à la métropole de Lyon, où Gérard Collomb, investi par LREM, fait face au dissident David Kimelfeld, le président sortant.
Et le sondage du week-end inquiète les marcheurs. Anne Hidalgo, la sortante socialiste, obtiendrait 25% des voix devant la LR Rachida Dati (19%), laissant derrière Benjamin Griveaux (15%) et Cédric Villani (13%), à la lutte avec l'écologiste David Belliard (14%).
La campagne de Benjamin Griveaux a "du mal à prendre sur le terrain, il y a un problème d'empathie", juge une députée, qui redoute que l'issue du scrutin ait un "impact" sur le groupe parlementaire et s'inquiète d'éventuels "départs" pour former un nouveau groupe politique.