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Municipales à Paris, Lyon et Marseille : après l’échec de la commission mixte paritaire, le ton monte entre l’exécutif et les LR du Sénat

Le gouvernement entend laisser la réforme sur le mode de scrutin pour les municipales à Paris, Lyon et Marseille revenir à l’Assemblée nationale. L’exécutif reproche au Sénat d’avoir « dynamité » ce mardi 24 juin les négociations entre les deux chambres pour aboutir à un compromis sur ce texte. Les sénateurs, notamment à droite, dénoncent « un passage en force » et réclament l’abandon de cette réforme.
Romain David

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Le gouvernement ne lâchera pas l’affaire. La navette parlementaire sur la réforme du mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille va poursuivre sa route malgré l’échec, ce mardi 24 juin, des négociations entre députés et sénateurs. L’exécutif souhaite laisser le dernier mot à l’Assemblée nationale sur ce texte, qui a provoqué une importante levée de boucliers au Sénat, selon une information du Figaro dont Public Sénat a eu confirmation. « La logique veut que le texte poursuive son chemin, sur l’ordre du jour du gouvernement », confie une source gouvernementale. Pour l’heure, le calendrier d’examen reste encore à déterminer alors que la session ordinaire s’achève le 30 juin et la session extraordinaire ouverte par le gouvernement le 11 juillet. Le timing s’annonce particulièrement tendu dans un contexte d’engorgement législatif.

Ce mardi matin, la commission mixte paritaire (CMP) chargée de trouver un compromis entre l’Assemblée nationale, qui a adopté ce texte en avril, et le Sénat qui l’a rejeté deux mois plus tard, s’est achevée au bout d’une vingtaine de minutes seulement. Les soutiens de la réforme étaient numériquement plus nombreux dans cette réunion qui rassemble sept sénateurs et sept députés, mais les parlementaires, conscients des faibles chances d’adoption du texte dans l’hémicycle du Sénat – les conclusions d’une CMP étant soumises aux votes dans les deux chambres -, ont préféré acter leur désaccord.

« Nous ne pouvons pas accorder le point à la chambre qui n’a pas voulu être constructive »

Sauf que l’exécutif reproche désormais à la Chambre haute d’avoir « volontairement dynamité la CMP », alors que le Premier ministre, François Bayrou, avait indiqué en février dernier « ne pas imaginer qu’un texte puisse être adopté sur ce sujet sans qu’il y ait accord de l’Assemblée nationale et du Sénat ».

« Les députés sont arrivés en CMP de manière constructive, avec la volonté de lever les blocages soulevés par le Sénat. Sauf qu’en face, les sénateurs n’étaient pas dans une opposition politique mais politicienne », rapporte un conseiller de l’exécutif. « Nous n’imaginions pas que le Sénat, chambre de sagesse et de compromis, allait se comporter comme ça. On est là pour faire en sorte que les députés soient respectés. Nous ne sommes pas en guerre contre le Sénat, mais nous ne pouvons pas accorder le point à la chambre qui n’a pas voulu être constructive », nous explique-t-on.

Un proche de François Bayrou avertit pourtant : « Je conseillerai au Premier ministre de laisser le texte de côté. On n’a pas besoin de ça. Ça peut faire des dégâts. »

« Le passage en force serait un très mauvais signal »

« Le gouvernement peut toujours donner le dernier mot à l’Assemblée nationale, mais nous envisageons mal cette hypothèse », pointe la sénatrice LR Lauriane Josende, rapporteure de ce texte au Palais du Luxembourg. « Cela relèvera a minima de mauvaises manières faites au Sénat qui est la Chambre des territoires. Il serait mal venu pour le gouvernement d’aller au bout dans ces conditions. Le passage en force serait un très mauvais signal », estime l’élue. « Tout cela ne manque pas d’aplomb ! », s’agace Muriel Jourda, la présidente LR de la commission des lois. « Nous sommes sur un texte qui cumule les difficultés juridiques et qui, je le rappelle, a déjà été rejetés deux fois ici, en commission et en séance ».

Même son de cloche dans les rangs de la gauche. Un communiqué du groupe communiste dénonce « le passage en force de la Macronie ». « François Bayrou ne peut se parjurer au profit d’une alliance des pires », expliquent les élus, alors que le texte a pu être adopté à l’Assemblée nationale avec le soutien du Rassemblement national et de la France insoumise.

La sénatrice MoDem Isabelle Florennes, qui a participé à la CMP, regrette « un blocage en partie politique » de la part de ses collègues de droite et de gauche. « Je regrette que les sénateurs n’aient pas voulu discuter des propositions du rapporteur de l’Assemblée nationale, il y avait de vraies avancées », souligne-t-elle. « La présidente Muriel Jourda a proposé de faire circuler la parole, et personne n’a souhaité la prendre. C’est assez surprenant compte tenu de l’importance que l’on accorde à cette réforme… », pointe Lauriane Josende.

Une réforme décriée

Portée par le député Renaissance Sylvain Maillard et soutenue par l’exécutif, la proposition de loi sur « le mode d’élection des membres du Conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille » entend revenir sur le système dérogatoire mis en place dans ces trois villes par la « loi PLM » de 1982. Aujourd’hui, les électeurs parisiens, lyonnais et marseillais votent pour une liste de conseillers dans leurs arrondissements de résidence. Les élus qui figurent en haut des listes siègent au conseil municipal où ils élisent le maire. La proposition de loi, suivant le principe « d’un électeur égale une voix », entend remplacer ce système par un double scrutin : avec un vote pour les conseillers d’arrondissement et une autre pour les membres du conseil municipal.

Au Sénat, gauche et droite se sont alliées pour dénoncer « un tripatouillage électoral » à moins d’un an des municipales. Dans leur viseur notamment : la prime au vainqueur que le texte propose d’abaisser de 50 à 25 % dans les trois villes concernées, ce qui viendrait renforcer le poids des oppositions ; le coût de la réforme dans un contexte de redressement des finances publiques ; et l’amoindrissement du rôle des arrondissements.

En amont de la CMP, le député MoDem Jean-Paul Mattei, rapporteur du texte pour l’Assemblée nationale, a proposé au Sénat une série d’amendements sur ce dernier point, notamment pour rendre automatique la présence des maires d’arrondissements au sein des conseils municipaux. « Une avancée sur un seul sujet n’était pas de nature à nous donner satisfaction sur l’ensemble du texte », objecte Muriel Jourda. « Prétendre que les députés ont voulu répondre à toutes les inquiétudes des sénateurs me paraît un peu excessif ».

Les divisions de la droite

Francis Szpiner, lui-même candidat aux municipales à Paris, évoque « un texte truffé d’inconstitutionnalités ». « Cette loi est une loi bâclée, une loi de circonstance qui méconnaît les réalités locales », martèle le sénateur LR, avocat de formation et ancien maire du XVIe arrondissement. Ce texte, qui suscite l’agacement de la droite sénatoriale, a pourtant été largement soutenu par les députés LR. « Un certain nombre d’élus s’imaginent que cette loi va leur permettre d’asseoir leurs ambitions locales », décrypte un parlementaire de droite. « Il est de notoriété publique qu’il y a eu, au moment de la campagne pour la présidence des LR, un deal entre Laurent Wauquiez et Rachida Dati, qui a monnayé son soutien au patron des députés LR contre un vote en faveur de ce texte. »

À présent le temps presse pour l’exécutif, dans la mesure où la période de financement pour les municipales s’ouvre le 1er septembre. Une adoption du texte après cette date risquerait de poser de nombreuses difficultés aux élus, en particulier pour ceux qui voudraient à la fois candidater dans les conseils d’arrondissement et les conseils municipaux.

(Vidéos : Stéphane Duguet)

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