Impossible à débrancher. Cédric Villani maintient sa candidature à la mairie de Paris. L’entretien de plus d’une heure, dimanche avec Emmanuel Macron, à l’Elysée, n’y a rien fait. Il ira jusqu’au bout. Sa « campagne pour Paris continue en toute indépendance » dit le mathématicien, qui veut « rester fidèle aux Parisiennes et Parisiens ». Il égratigne au passage l’autorité du chef de l’Etat. Dès lundi matin, Stanislas Guerini, délégué général de La République en marche (LREM), a prévenu. Il demandera mercredi soir au « bureau exécutif d'acter le fait qu('il) n'est plus adhérent de la République en marche », a-t-il annoncé sur Radio Classique.
« incidence sur la gagnabilité »
Il y a quelques semaines, un député LREM de la capitale minimisait encore la situation, en prenant au passage un peu de haut le candidat dissident : « Ok, Cédric Villani, c’est un caillou dans la chaussure. Mais ça n’a jamais empêché de marcher. Je n’envisage pas la défaite ». Aujourd’hui, le « caillou » met un coup à la campagne de Benjamin Griveaux. Et dans le camp de l’ancien porte-parole du gouvernement, certains envisagent aujourd’hui le pire. Benjamin Griveaux peut-il perdre ? « Oui tout à fait. On est dans une situation complexe. Et on verra dans les prochains jours. Je ne vais pas vous mentir, cela a une incidence sur la gagnabilité » lâche un responsable du parti. Il ajoute :
Paris, c’est le bastion de l’électorat macroniste de 2017. En cas de défaite, ce sera la faillite du candidat macroniste et de sa capacité à s’implanter.
Dans l’immédiat, le « burexe » prendra sa décision qui ne fait pas de doute. Cédric Villani sera « exclu, c’est ce qui lui pend au nez » dit-on. Mais pour « ses soutiens, on fera du cas par cas », confie ce responsable de LREM, « il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier. Etre en soutien, ce n’est pas la même chose qu’être candidat dissident ». On comprend que les candidats dans les arrondissements auront plus de soucis à se faire.
« Le Macronisme de 2020 exclut, alors que celui de 2016 prônait l’ouverture »
La députée LREM Anne-Christine Lang, porte-parole de Cédric Villani, sera justement candidate – elle n’a pas encore dit dans quel arrondissement. « A ce jour, je n’ai rien reçu. Ni avertissement, ni convocation » dit-elle. Mais ça ne semble pas vraiment inquiéter la députée, qui ne cache pas ses critiques à l’égard du parti présidentiel. « En 2016, le macronisme voulait dépasser les clivages et s’en affranchir. Celui de 2020 s’est recroquevillé sur lui-même comme une peau de chagrin et fonctionne comme un parti traditionnel, en plus vertical et moins démocratique. Celui de 2020 exclut, alors que celui de 2016 prônait l’ouverture » dénonce Anne-Christine Lang.
Selon la députée, la discussion entre Cédric Villani et Emmanuel Macron « a été courtoise, respectueuse, très politique. Forcément sur Paris, ainsi que sur le national, sur la suite… » Mais son candidat n’a pas été sensible au risque de la défaite. « On ne s’inscrit pas du tout dans ce discours que la candidature Villani risquerait de faire perdre notre camp. Il n’y a que la candidature de Cédric Villani qui peut le faire gagner. On en est intimement persuadé » soutient Anne-Christine Lang.
Accord avec les écologistes ?
Mais avec des sondages encore à la peine, il devra rassembler pour l’emporter. Le rapprochement avec le candidat EELV, David Belliard, en serait la clef. Invité de la matinale de Public Sénat ce lundi matin, David Belliard a salué la décision de Cédric Villani. « Bien sûr il y a un pas, et je m'en félicite, qu'il ait choisi plutôt la coalition climat au détriment d'un ordre du président de la République » a-t-il reconnu, attendant encore une « rupture très forte avec le gouvernement » et appelant à « un programme très clair » autour des « valeurs » qu'il porte. Regardez :
Municipales à Paris : « Nous avons un certain nombre de désaccords » avec Anne Hidalgo estime David Belliard
« David Belliard attend de voir le programme et je pense que David Belliard ne sera pas déçu » assure Anne-Christine Lang. Avec « 14 chapitres et une centaine de pages », le programme sera dévoilée dans les premiers jours de février. « Avec une métropole zéro carbone, je ne vois pas comment ça ne peut pas susciter l’adhésion des écologistes » anticipe la députée toujours LREM. Mais comme souvent, les écolos se divisent sur la ligne à suivre. Si Yannick Jadot soutient la main qui a été tendue en décembre par David Belliard, Julien Bayou, numéro 1 d’EELV, n’en veut pas.
Ce n’est plus Paris, c’est Dallas
« Le fait qu’ils ne soient pas d’accord entre eux ne veut pas dire qu’on ne sera pas en mesure de se rapprocher avec des écologistes. Et à ce stade, tout le monde a décidé d’aller au premier tour » tempère Anne-Christine Lang. Le camp Villani se tourne plutôt vers « le deuxième tour, qui est encore un autre jour ». Il s’agira alors, si tout se passe comme prévu, « de viser le rassemblement le plus large », « de la droite progressiste jusqu’aux écologistes ».
Il faudra encore, avant cela, créer une dynamique. Or l’ex-patron du Raid et député LREM Jean-Michel Fauvergue, lâche Villani, alors qu’il le soutenait. « Cédric fait une erreur » dit-il à L’Obs. Mais en même temps, la journaliste Isabelle Saporta, par ailleurs compagne de Yannick Jadot, lâche Gaspard Gantzer et annonce rejoindre Cédric Villani. Ce n’est plus Paris, c’est Dallas.
« Cédric Villani s’imagine avoir avec un grand destin. Il y a quelque chose un peu égotique »
Dans le camp Griveaux, on explique le jusqu’au-boutisme de Cédric Villani par la folie des grandeurs. « Cédric Villani s’imagine avoir avec un grand destin. Il y a quelque chose un peu égotique. Et quelque chose d’un peu affectif je pense, une brisure avec le parti, et surtout avec Benjamin Griveaux. Et après, c’est difficile de ramener les gens à la raison » estime un député parisien. Anne-Christine Lang balaie d’un revers de main l’attaque : « C’est la seule arme qu’ils ont ». « Il faut quand même un ego assez fort pour faire de la politique, je vous le confirme. Mais présentez-moi une personne qui en fait à ce niveau-là, et qui n’en a pas. On n’en connaît pas » rétorque la porte-parole du candidat, qui ajoute que « lorsqu’Emmanuel Macron se lance, en 2016, il y a aussi un sujet d’ego ».
Ce soutien de Benjamin Griveaux « met en garde contre les professions autoréalisatrices dans son propre camp » et veut encore y croire. « La question, c’est qui arrive en second, derrière Anne Hidalgo. Rien n’est joué ». Méthode Coué ? Un autre député LREM de Paris se met quand même à penser à l’autre hypothèse : « Si on perd, il faudra se poser de sérieuses questions. Mais ce n’est pas une option ».
Et si Cédric Villani réussit son pari et l’emporte, faudra-il y voir quand même une victoire pour la majorité présidentielle ? Le candidat dit rester fidèle au chef de l’Etat. « Je ne suis pas sûr à ce qu’on tienne absolument que ce soit estampillé avec une étiquette partisane. Car c’est au-delà des étiquettes » dit Anne-Christine Lang. Le ministère de l’Intérieur n’hésitera certainement pas à s’en charger. Cédric Villani pourra toujours être comptabilisé comme « divers centre », selon la circulaire polémique (voir notre article). Il serait ainsi compté dans le bloc de la majorité.