Le résultat du premier tour des élections municipales de Strasbourg laissait bien présager une triangulaire. Mais pas celle-ci. Comme à Lyon ou à Bordeaux, le candidat LREM, Alain Fontanel (arrivé deuxième avec 19,8%) a choisi, au dernier moment, de s’allier avec le candidat LR, Philippe Vetter (arrivé quatrième avec 18,2%). En face, la candidate écologiste Jeanne Barseghian, grande gagnante du premier tour avec 27,8% a handicapé ses chances de victoire, faute d’accord avec Catherine Trautmann, candidate socialiste, ancienne maire de Strasbourg qui a fait 19,7% des voix au second tour.
Dimanche, l’Élysée devrait scruter de près les résultats de ce scrutin. Arithmétiquement favori, Alain Fontanel pourrait devenir le seul maire LREM d’une grande ville. Encore faudra-t-il convaincre les électeurs de gauche, potentiellement déroutés par cette alliance car Alain Fontanel est un ancien cadre du parti socialiste. Autre incongruité de ce scrutin, les trois candidats font partie de la majorité sortante du maire(ex-PS), Roland Ries.
Catherine Trautmann fustige une fusion de « partage des postes »
Municipales Strasbourg: Catherine Trautmann fustige une fusion de « partage des postes »
Ce mardi, lors d’un débat organisé par le quotidien Les Dernières Nouvelles d’Alsace, en partenariat avec Alsace 20 et Public Sénat, les candidats de cette triangulaire inattendue sont revenus sur ces stratégies d’alliances. « La fusion entre la liste des Républicains conduite par Philippe Vetter et (la liste) d’Alain Fontanel est une étrangeté. Ce que j’entends beaucoup dans Strasbourg, c’est que c’est un choix d’arrangement, un choix de partage des postes (…) En ce qui me concerne, je regrette qu’il n’y ait pas eu de fusion avec la liste écologiste conduite par Jeanne Barseghian » a commenté Catherine Trautmann.
Alain Fontanel évoque : « La gravité du moment »
« On est dans une situation sans précédent en termes de crise. C’est la gravité du moment qui m’a amené, avec Jean-Philippe Vetter à nous rassembler. On l’a fait avec le sens des responsabilités (…) On l’a fait en toute indépendance au nom de l’intérêt supérieur de notre territoire en nous libérant des égaux et des états-majors parisiens » a répondu Alain Fontanel.
Jeanne Barseghian propose un emprunt de 350 millions d’euros
Que ce soit sur l’économie, les transports, ou l’urbanisme, les candidats ont placé l’écologie au cœur de leurs propositions. « La première chose à faire, c’est de réorienter les investissements des collectivités, villes et Eurométropole, vers la transition écologique, vers la lutte contre les inégalités (…) A l’échelle d’un mandat, ça représente déjà plus d’1 milliard d’euros d’investissements qui sont réalisés (…) ce que je propose, c’est de surinvestir par un emprunt qui concerne la ville et l’Eurométropole, de 350 millions d’euros sur les 6 ans, sans augmenter les impôts (…) Ne pas le faire, c’est aller vers des coûts supplémentaires dans les prochaines années » a proposé Jeanne Barseghian qui mise sur des taux d’intérêt bas.
Gratuité des transports ou choc de l’offre
« Je ne crois pas qu’on puisse aller dans une fuite en avant de la dette et de l’emprunt » a estimé Alain Fontanel. Catherine Trautmann complète : « Je ne suis pas adepte, pour la gestion des finances de la ville, de l’Euro million ». La candidate socialiste propose la gratuité des transports publics pour les moins de 18 ans et les plus de 65 ans. « L’enjeu ce n’est pas la gratuité (…) Il faut un choc de l’offre. Il faut en termes d’horaires, de fréquence, de déserte, plus de transports en commun » préconise Alain Fontanel qui ne veut pas opposer les modes de transports les uns contre les autres. Plus anecdotique, dans la lutte contre la pollution de l’air, le candidat LREM propose également la plantation d’un arbre pour chaque naissance.
Strasbourg : ville sans diesel dès 2025 ?
En ce qui concerne le calendrier de la zone à faible émission (ZFE) qui prévoit l’interdiction des véhicules diesel dans la ville, dès 2025 et en 2030 à l’échelle de l’Eurométropole, Alain Fontanel a appelé au « pragmatisme ». « On a un calendrier mais on n’a pas de solutions d’accompagnement (…) « Je propose la mise en place d’une convention citoyenne au mois de septembre, pour fixer à la fois le calendrier et les mesures d’accompagnement ».
« En effet, j’ai constaté qu’il n’y avait pas de solutions pour accompagner sur le plan social, cette orientation (…) Aujourd’hui, si on impose le changement des véhicules diesel, on va créer une véritable révolution dans les quartiers » craint Catherine Trautmann. La candidate socialiste propose d’aborder ce sujet, notamment l’échéance de 2025 dans « des états généraux des nouvelles solidarités et de la croissance responsable ».
Jeanne Barseghian qui a été accusée, quelques minutes plus tôt, par Alain Fontanel de vouloir diriger la ville par dogmatisme ou idéologie » a fait valoir « qu’en 2020, le dogmatisme a changé de camp (…) être dogmatique en 2020, c’est de rester cramponner aux vieilles manières de faire, penser qu’avec des solutions qui datent du XXème siècle, on va résoudre des problèmes de notre époque. Il est évident qu’il faut garder ce calendrier (…) Tournons-nous vers les alternatives, on peut utiliser des voitures partagées ».
Dernières piques entre Alain Fontanel et Jeanne Barseghian
Enfin, en ce qui concerne la nouvelle étape de décentralisation souhaitée par Emmanuel Macron, les candidats ont été invités à indiquer quelles compétences ils souhaitaient se voir transférer en cas de victoire dimanche prochain. « Si j’avais une demande, elle serait toute simple : laissez-nous travailler (…) laissez-nous cette autonomie qui nous permet de résoudre localement les problèmes » a demandé Alain Fontanel.
« J’ai l’impression qu’Alain Fontanel a oublié à quel parti politique il appartenait. Celui qui coupe les vivres aux collectivités et qui les met sous tutelle avec un pacte financier qui nous empêche de gérer nos dépenses de fonctionnement » a répondu Jeanne Barseghian qui a dénoncé « la fermeture des frontières décidée unilatéralement par Paris sans la prise en compte des réalités de notre espace commun ».
Ce à quoi Alain Fontanel s’est empressé de compléter : « Petite erreur d’interprétation (…) puisque c’est l’Allemagne qui a décidé unilatéralement de fermer les frontières ».