Ces élections municipales 2020 vont-elles devenir la revanche de l’ancien monde ? Le PS espère rebondir en conservant ses sortants (voir notre article) et LR espère bien revoir la vie en bleu. Pour le parti de droite, après le crash de François Fillon à la présidentielle, l’échec des européennes, les municipales qui s’annoncent prennent des allures de revanche, sinon de bouffée d’air pur. Une perspective salutaire pour un parti à l’agonie au lendemain des européennes, asphyxié par un espace électoral réduit à peau de chagrin.
« On a une situation de départ qui est bonne, grâce à la vague bleue de 2014 »
« Il faut être un peu prudent par définition, mais globalement, je sens bien qu’un peu partout, les municipales devraient bien se passer pour nous car on est dans une période extrêmement tendue pour le gouvernement, et il y a une prime au sortant » pense le sénateur LR Philippe Mouiller, secrétaire général adjoint de LR chargé des outils de communication, dont le parti a fait « une analyse » des perspectives sur le scrutin, la semaine dernière.
Pour avoir le tableau en tête, il faut se rappeler que les municipales de 2014 ont été marquées par une vague bleue. La droite avait gagné Reims, Saint-Etienne, Quimper, Limoges, Roubaix, Tourcoing, Belfort, Limoges, Nevers ou encore Périgueux. « On a une situation de départ qui est bonne. Grâce à la vague bleue de 2014, les LR dirigent beaucoup de communes où est en situation de se maintenir » souligne le sénateur LR Roger Karoutchi, vice-président de la commission nationale d’investiture de LR. Il reconnaît cependant qu’« ici ou là, on perdra des communes. Mais nous sommes en situation de conquête ou de progression dans des grandes communes comme Paris ou Lyon ». Philippe Mouiller espère « des prises dans des villes entre 20.000 et 50.000 habitants ».
« Ces municipales seront d’une grande stabilité »
Reste que le rapprochement entre certains maires de centre droit et la majorité présidentielle fera perdre des villes aux LR. « C’est un peu plus compliqué parce que certains maires élus UMP en 2014 se sont rapprochés de LREM depuis. Evidemment, à Angers, Christophe Béchu (qui fait partie des maires de droite Macron compatibles, ndlr) sera réélu sur son bilan. Ça donnera le sentiment qu’on a perdu des communes. Mais c’est relativement marginal » veut croire le sénateur LR des Hauts-de-Seine.
Autre sujet : la question des maires de droite soutenus par LR et, en même temps, LREM. Sur ce point, Roger Karoutchi remarque qu’à Toulouse, le maire « Jean-Luc Moudenc est toujours adhérent LR et paie ses cotisations. Je n’ai aucun doute que lui, ni sur Christian Estrosi à Nice, ou Patrick Ollier à Rueil-Malmaison (et président de la Métropole du Grand Paris, ndlr), qui a une liste avec des gens d’En Marche. Ils savent dans quelle famille politique ils ont toujours vécu et se sentiront bien par la suite ». Il ajoute : « Je pense que la tentation d’En Marche est passée de mode… »
Il ne faut pas trop le crier sur les toits, mais au global, Roger Karoutchi sent bien le scrutin. « Ces municipales seront d’une grande stabilité » pense-t-il, « si on fait pareil qu’en 2014, ça sera déjà formidable ».
Coronavirus : « On est un peu inquiets de voir beaucoup de gens ne pas aller voter »
Avec encore une inconnue qui pourrait ternir, cependant, le résultat : l’abstention, liée au contexte. « Avec cette inquiétude sur le coronavirus, la principale inquiétude, c’est la participation, alors qu’on pensait qu’elle serait plus forte qu’en 2014 » lâche l’ancien ministre chargé des Relations avec le Parlement. Avec la crainte, pour LR, que les retraités, personnes à risque face au coronavirus, préfèrent rester à la maison. Or c’est l’un des socles traditionnels de l’électorat de la droite. « On se dit que moins de participation, c’est forcément moins favorable pour nous. Ça favorise des familles politiques un peu plus dures que LR. C’est sûr qu’on est un peu inquiets de voir beaucoup de gens qui seraient susceptibles de ne pas aller voter, alors qu’on a besoin de tous les votes » insiste Roger Karoutchi.
Philippe Mouiller « reste prudent » aussi, car il ne connaît « pas l’effet du coronavirus sur la mobilisation. Est-ce qu’on ne va pas diviser par deux les taux de participation et modifier le sens d’un certain nombre de scrutins ? » demande le secrétaire général adjoint. Mais un recul de la participation pour cause de coronavirus impactera aussi les autres partis. De quoi limiter l’effet.
En cas de victoire, « ça ne voudra pas dire qu’on sera en position de gagner la présidentielle »
Si les LR s’accordent pour être globalement confiants, en cas de bons scores, pourront-ils crier victoire pour autant ? Pas trop vite. C’est la mise en garde que fait le sénateur LR Alain Joyandet, conseiller politique de LR. « Ces élections n’auront pas une très grande signification politique. C’est avant tout une affaire de personnalité, avec les sortants » souligne le sénateur de Haute-Saône, qui ajoute : « Cette année, on aura un problème de lecture des résultats. Même à Paris, il faudra faire attention à ne pas avoir une lecture trop politique. Les gens qui ne veulent plus d’Hidalgo, ce n’est pas parce qu’elle est au PS. Et la percée de Rachida Dati, ce n’est pas parce qu’elle est LR. On a la chance d’avoir une candidate dont le profil correspond bien à Paris et une certaine clarté. Et Cédric Villani a quand même plombé la candidature LREM ». Donc les élections pourraient bien se passer, « mais de là à tirer des conclusions hâtives au niveau des municipales, pour avoir une espèce de revanche des européennes, il faut être très prudents » insiste Alain Joyandet. Une analyse partagée par Roger Karoutchi : en cas de victoire, « ça ne voudra pas dire qu’on sera en position de gagner la présidentielle ».
Même prudence, lundi soir de Bruno Retailleau, au meeting de Rachida Dati, où Nicolas Sarkozy est sorti de sa retraite politique à géométrie variable (voir le reportage de Flora Sauvage). « Une hirondelle ne fait pas le printemps » souligne le président du groupe LR du Sénat, même si la présence de l’ancien Président « est peut-être le signe que quelque chose change ». Regardez (images de Flora Sauvage) :
Municipales à Paris : « Une hirondelle ne fait pas le printemps, mais la présence de Nicolas Sarkozy avec Rachida Dati pourrait peut-être faire une élection » selon Bruno Retailleau
Pour sa part, Philippe Mouiller ne gâchera pas son plaisir, en cas de bons scores. « Je suis assez optimiste pour la suite et ces municipales seront l’occasion pour nous de relancer une dynamique de conquête pour les élections départementales, régionales puis nationales » estime-t-il.
« Les municipales ne changeront pas l’équilibre des forces politiques au Sénat »
Reste une autre élection, avant cela : les sénatoriales de septembre 2020. Et avec les municipales, c’est 96% du corps électoral des grands électeurs, ceux qui élisent les sénateurs, qui se joue. Lors du scrutin de 2014 et 2017 à la haute assemblée, la droite avait déjà largement bénéficié de la vague bleue.
Selon Roger Karoutchi, qui analyse la question de près, si les municipales sont bonnes pour LR « les conséquences seront très marginales au Sénat. Mes projections sont presque dérisoires. Pour le groupe LR, qui est à 144 sièges, est-ce qu’on sera à 148 ou 139 ? Ça va rester sur des mouvements extrêmement faibles, 4-5 sièges d’écart sur 144 ». Et de conclure : « Ça ne changera pas l’équilibre des forces politiques au Sénat, ni la stabilité de la majorité sénatoriale autour de Gérard Larcher ». Pour le suspens, on repassera. Mais pour LR, c’est déjà ça d’acquis, ou plutôt de conservé.