Rachida Dati peut-elle réellement gagner à Paris ? A deux semaines des municipales, la candidate LR fait une percée remarquée dans les sondages. Mais sa dynamique pourrait buter sur l'absence de réserves de voix, dans un scrutin régi par des logiques d'arrondissement.
Coup sur coup, deux sondages viennent de placer la candidate Les Républicains en tête devant Anne Hidalgo, avec 25% contre 24% pour la maire sortante, confortant une tendance amorcée il y a plusieurs semaines.
Un succès pour Rachida Dati, qui mène campagne tambour battant, de marchés en plateaux de télévision où elle défend ses propositions sur la propreté et la sécurité.
"Il y a encore quelques mois, certains ne voulaient pas qu'on ait de candidature à droite à Paris en disant qu'il n'y a plus d'électeurs", mais la droite "existe véritablement, on a des valeurs, on a un socle idéologique, on a une trame", expliquait la candidate fin février.
Portée par cette envolée, la droite en oublie ses vieilles divisions: le maire de Troyes François Baroin et le président de la région Hauts-de-France Xavier Bertrand (ex-LR) sont venus soutenir la candidate la semaine dernière, et Nicolas Sarkozy, retiré de la vie politique mais observateur très attentif de la campagne, sera présent à son grand meeting du 9 mars.
Au sein d'un parti en convalescence, certains rêvent de renouer avec la victoire après les années de disette qui ont suivi l'ère de Jacques Chirac et de Jean Tiberi, dans une ville à gauche depuis 2001.
"On va gagner", répète Rachida Dati. "Une fois que la dynamique est enclenchée, tout est possible", veut croire François Baroin. La candidate "a créé autour d'elle quelque chose", se félicite Gérard Larcher, "étonné par la campagne qu'elle fait".
Le président du Sénat reste toutefois prudent face aux sondages: "On raisonne sur une statistique globale, pas par arrondissement".
- "Une boucherie" -
Le scrutin parisien se joue en effet dans 17 "secteurs", soit autant de "mini-élections" qui désignent chacune un maire d'arrondissement, ainsi que des conseillers de Paris qui voteront ensuite, lors d'un troisième tour prévu le 28 ou 29 mars, pour le maire de la capitale.
Or, les candidats LR ne partent pas tous sous des auspices aussi favorables que Mme Dati, même dans les arrondissements traditionnellement acquis à la droite.
Dans le XVe arrondissement, Agnès Evren doit affronter un dissident de poids: le maire sortant Philippe Goujon. Dans le XVIe, deux listes LR non-estampillées se présentent face au candidat Francis Szpiner. Dans le XVIIe, Geoffroy Boulard affronte la candidate LREM à la mairie de Paris Agnès Buzyn...
Et le système électoral donne un poids écrasant au gagnant à Paris, qui au deuxième tour empoche d'emblée 50% des sièges, plus un nombre de conseillers au prorata des voix.
"Si on est 4e ou 5e, on n'a pas d'élu", résume un maire sortant.
C'est là que la partie s'annonce difficile: si Anne Hidalgo peut théoriquement s'allier avec les Verts, et Agnès Buzyn avec l'ex-LREM Cédric Villani, "LR n'a pas d'alliés, pas de réserves", affirmait en janvier Philippe Goujon, en délicatesse avec Rachida Dati qu'il refuse de soutenir pour ménager la part centriste de son électorat.
La droite en avait fait l'amère expérience en 2014, Nathalie Kosciusko-Morizet s'inclinant au deuxième tour après être arrivée en tête au premier.
Selon le sondage paru lundi, Rachida Dati ne recueillerait que 33,5% des voix contre 37% à une liste Hidalgo/Belliard, et 29,5% à une liste Buzyn soutenue par Cédric Villani.
Dans ce contexte, "les rapprochements de 2e tour seront extrêmement importants à Paris", affirme M. Larcher.
Pour le moment, la candidate LR élude l'idée d'un rapprochement avec Agnès Buzyn. "Aujourd'hui je fais une campagne de premier tour", a-t-elle affirmé dimanche.
Mais certains prédisent déjà un match sans merci. "Boulard et Goujon, on peut leur prendre la moitié de leur conseil municipal et leur dire qu'ils doivent voter pour Agnès Buzyn", assure un cadre LREM qui en est certain: "A Paris, l'entre deux tours, ça va être une boucherie".