Défaite, déroute, gifle… On a le choix pour qualifier les résultats de La République En Marche (LREM) aux élections municipales. Après un premier tour mauvais, le parti présidentiel ne crée pas de miracle au second. Ce n’est pas mieux, voire pire.
La porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, n’a pas caché la « déception » de la majorité, face à des scores parfois « extrêmement décevants ». Elle pointe le rôle des « divisions », qui ont joué, comme à Paris avec Cédric Villani.
« Ce soir, c’est un résultat décevant, c’est une déception. On voit que la division nous fait perdre à Lyon, Paris. On constate dans les métropoles une poussée verte de gens pour qui l’écologie est une priorité » réagit auprès de publicsenat.fr François Patriat, président du groupe LREM du Sénat (voir notre live avec notre carte interactive pour plus de résultats).
Campagne catastrophique à Paris
Dans presque toutes les grandes villes, c’est la soupe à la grimace pour LREM. A Paris, Agnès Buzyn, qui avait un temps pensé à jeter l’éponge, ne réalise que 13,7%. Elle ne sera même pas élue au Conseil de Paris, concluant une campagne catastrophique pour LREM, après le retrait de Benjamin Griveaux. Le score de l’ancienne ministre de la Santé, qui a quitté son poste alors que l’épidémie de Covid-19 menaçait, laisse songeur, quand on se rappelle qu’Emmanuel Macron avait réalisé près de 35% en 2017. Les stratèges de LREM voyaient déjà la capitale dans leur poche… On connaît la suite.
Ce soir, c’est aussi l’échec d’une stratégie, qui a vu LREM passer alliance avec LR dans deux tiers des cas pour le second tour. « Je pensais qu’il fallait y aller sous nos couleurs » dit ce soir François Patriat, alors que son parti a misé au premier tour sur des accords au cas par cas, espérant s’appuyer sur les sortants. Le sénateur LREM Alain Richard, coprésident de la commission nationale d’investiture du parti, a été l’un des acteurs de la mise en œuvre de cette stratégie.
Ainsi à Strasbourg, Alain Fontanel, candidat LREM qui a fusionné avec Les Républicains, est second avec 34,3%, huit points derrière Jeanne Barseghian, la candidate EELV. A Bordeaux, le maire juppéiste sortant Nicolas Florian a fait alliance avec le candidat LREM Thomas Cazenave. Résultat, victoire des écologistes. A Lyon, même sentence. L’alliance entre Gérard Collomb et LR, qui a fait polémique, n’a pas fonctionné. EELV l’emporte aussi. L’ancien ministre de l’Intérieur lui-même perd dans son arrondissement face à une candidate écolo.
« On aura les 10.000 élus »
Il y a bien sûr quelques consolations, comme la large victoire du premier ministre Edouard Philippe au Havre, celle de l’allié Modem, François Bayrou, à Pau, ou du sortant Jean-Luc Moudenc, à Toulouse (LR soutenu par LREM). C’est l’arbre qui cache la forêt. Autre petite consolation, pour LREM : « On a déjà plus de 500 maires élus dès le premier tour. On aura les 10.000 élus » selon François Patriat. C’est le faible objectif que s’était fixé le parti. Un maigre butin.
Pour le président du groupe LREM, la poussée verte s’explique par une forme de protestation. « Il me semble bien que Lyon et Bordeaux ne sont pas des villes écolos. Mais il s’est passé qu’il y a une défiance vis-à-vis des partis traditionnels, une désaffection des urnes qui favorise les plus petits partis. D’une certaine manière, le RN est remplacé par les Verts par beaucoup des citoyens urbains. C’est un vote de défiance » selon François Patriat. Autre explication du faible score de LREM : le sénateur voit dans ces résultats une conséquence « du non-cumul des mandats. On a des députés qui ne sont pas ancrés dans les territoires. Ils ne sont élus que depuis trois ans ». Comme nous l’explique Thibaut Coiffier, analyste pour l’institut de sondage Ipsos, « c’est un échec de la greffe locale pour LREM ».
« Il y aura un groupe écolo au Sénat » selon François Patriat, qui s’attend à des « difficultés » pour LREM aux sénatoriales
Cet échec du parti présidentiel aura bien évidemment des conséquences pour les sénatoriales de septembre prochain. Si celle de 2017 n’ont pas été bonnes – le parti partait alors de zéro – le scrutin de 2020 ne sera pas un meilleur cru. « Il est évident qu’aux sénatoriales, la situation dans les grandes villes va sans doute créer des difficultés supplémentaires pour les candidats En Marche, c’est certain » reconnaît François Patriat. Sa propre réélection en Côte d’Or s’annonce très compliquée, alors qu’il avait été réélu en 2014 avec des voix PS, son ancien parti. Il ajoute cependant que « les sortants sont bien implantés ». Autre constat fait par le président de groupe : « LR va perdre des sièges », avec la perte de deux grandes villes, Bordeaux et Marseille, et « il y aura un groupe écolo au Sénat ». Ou plutôt son retour, car le premier groupe écologiste de l’histoire de la Ve République a existé à la Haute assemblée de 2012 à 2017. Ironie du sort, le groupe écologiste du Sénat avait disparu après le départ du sénateur André Gattolin pour le nouveau groupe LREM…
Au final, le président du groupe LREM voit dans ces mauvais résultats une injustice. « Il n’y a pas beaucoup de gouvernements qui font autant pour l’écologie que nous : la fin de Notre-Dame-des-Landes, la fermeture de Fessenheim, la voiture électrique, les énergies renouvelables… Beaucoup d’action sont menées par le Président » énumère François Patriat. Il pense que « cette attente écologique risque d’être vite déçue, car les mesures écologiques dans les municipalités sont sans commune mesure avec les mesures prises par le gouvernement, au niveau national ». Reste qu’Emmanuel Macron est attendu au tournant. Il semble difficile de ne pas tenir compte de cette vague verte, même si son électorat a migré à droite, délaissant ses électeurs de gauche. Selon l’Elysée, Emmanuel Macron va apporter des « réponses fortes » et « à la hauteur des enjeux et des attentes » écologiques des Français en recevant ce lundi matin les membres de la Convention citoyenne pour le climat.