Neuf mois après la venue du Premier ministre indien Narendra Modi, le président français fait donc son grand retour à Marseille avec une visite hautement symbolique puisqu’elle a lieu un mois et trois jours après l’assasinat de Mehdi Kessaci. Ce matin, le chef de l’Etat s’est recueilli sur sa tombe, accompagné du frère du défunt, le militant politique engagé dans la lutte contre le narcotrafic, Amine Kessaci.
« J’en ai ras le bol d’avoir des jeunes qu’on pleure »
« On doit pilonner », a annoncé le chef de l’Etat lors d’une rencontre organisée avec les lecteurs du quotidien La Provence qui s’inscrit dans son tour de France pour répondre aux lecteurs de journaux régionaux. « J’en ai ras-le-bol d’avoir des jeunes qu’on pleure, et dans d’autres quartiers, des gens qui considèrent que c’est festif d’aller acheter de la drogue ».
Les termes sont lancés : la lutte contre le narcotrafic, l’un des principaux sujets du gouvernement va se poursuivre. Déjà en mars 2024, la visite surprise du chef de l’Etat à Marseille, dans le cadre des opérations « Place nette XXL » pour « porter un coup d’arrêt au trafic de drogue », avait indiqué la couleur. Depuis, l’Etat s’est doté d’outils juridiques avec la loi du 13 juin 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic. Interrogé par Public Sénat, le sénateur socialiste des Bouches-du-Rhône, Guy Benarroche se dit « globalement » satisfait des mesures votées : « la plupart des mesures vont dans le bon sens ; il y avait urgence à agir ».
Mais cela ne semble pas suffire. Invité ce matin au micro de France Inter, le maire de Marseille Benoît Payan a regretté que le ministère de l’Intérieur n’ait pas « mis le paquet » comme il aurait dû être mis sur le narcotrafic à Marseille. « Il faut des moyens supplémentaires : une présence de l’État, de la police, de la gendarmerie, de la justice, mais aussi des services publics ». L’édile de Marseille réclame toujours l’installation d’un Parquet national anti criminalité organisée (Pnaco) dans sa ville. Une police judiciaire spécialisée dans la lutte contre le narcotrafic.
Nouveau commissariat, amendes renforcées et traque des narcotrafiquants à l’étranger
Et c’est ce qu’a fait le chef de l’Etat avec l’inauguration d’un nouveau commissariat situé dans les quartiers nord de Marseille. Pour un total de 15 millions d’euros, le nouveau commissariat permettra d’accueillir près de 100 policiers. Il s’est ensuite rendu au centre pénitentiaire de Marseille-Baumettes où une extension a été construite. « C’est bien d’inaugurer un commissariat », juge Guy Benarroche. « Mais je ne suis pas sûr que ce soit l’élément essentiel de la lutte contre le narcotrafic. Il faut aussi agir sur la prévention notamment via l’école ».
Dans sa prise de parole, Emmanuel Macron a également annoncé la mise en place d’une série de mesures pour renforcer la lutte contre le narcotrafic. Tout d’abord, le chef de l’Etat souhaite faire passer l’amende forfaitaire pour usage de drogues à 500 euros contre 200 euros aujourd’hui. « Il faut taper au portefeuille, parce que ça n’est pas festif de se droguer », a-t-il déclaré. En parallèle, un commissaire de la République sera mis en place pour faciliter le recouvrement des amendes par les finances publiques et la justice. Le chef de l’Etat a aussi annoncé vouloir traquer les têtes de réseaux qui opèrent à l’étranger en renforçant la « coopération » avec les pays où les narcotrafiquants opèrent vers la France afin de « saisir leurs biens » et les « arrêter ».
Défendre « Marseille en grand »
Si la venue d’Emmanuel Macron portait essentiellement sur la lutte contre le trafic de drogue, le président entend bien profiter de la visite pour venir défendre son plan « Marseille en grand », annoncé en 2021. L’idée ? Une rénovation des écoles insalubres, un développement des transports en commun, une réduction de la fracture géographique et sociale et une augmentation des effectifs de la police. Le tout pour un total de 5 milliards d’euros versé par l’Etat qui vient s’ajouter aux 15 milliards d’euros d’investissement venant de la ville et de la métropole.
Mais l’objectif semble loin d’être atteint. Dans un rapport du 21 octobre 2024, la Cour des comptes a évalué les premières retombées du plan. Elle pointe un « défaut de cohérence d’ensemble » et des difficultés de gouvernance entre l’Etat, la ville de Marseille et la métropole d’Aix-Marseille-Provence. Fin 2023, seulement 1,31 % du montant total annoncé par l’Etat avait été versé. Depuis, plusieurs montants ont été votés au Parlement, mais l’objectif des cinq milliards semble encore très loin. « Nous avons voté des crédits pour l’année 2026, mais ils sont bien inférieurs aux années précédentes », regrette Guy Benarroche. « Le problème avec ce plan, c’est que rien n’est clairement chiffré. Le seul volet où l’on a vu des choses mises en place concerne l’école et un petit peu le logement ». Selon la Société publique des écoles marseillaises (SPDEM), 45 écoles seront livrées d’ici à 2028 sur les 188 écoles du plan Marseille en grand.
Pour conclure sa journée, le chef de l’Etat doit se rendre sur le chantier d’extension de la gare St Charles, symbole du plan « Marseille en grand ».