« De véritables scènes de guerre », « un véhicule criblé d’impacts », « du jamais vu à Rennes », « un cran passé dans l’échelle de la violence ». Les mots n’ont pas manqué, qu’ils viennent des syndicats de police, du procureur de la République de Rennes ou même des habitants, pour décrire leur stupéfaction face à la fusillade qui a fait deux blessés, dans le quartier du Blosne à Rennes.
Dix jours après ces violences, le sénateur d’Ille-et-Vilaine, Dominique de Legge, a interrogé le ministre de l’Intérieur, en seulement cinq mots : « Dans quel pays vivons-nous ? », une interrogation qui résonne, quelques semaines après la retentissante audition des magistrats du tribunal judiciaire de Marseille, qui avaient appelé à un « plan Marshall » pour la cité phocéenne et au lendemain de la visite surprise du chef de l’Etat.
« Une pieuvre qui repousse »
« On vit dans un pays qui depuis plus de 40 ans a laissé la drogue investir non seulement les lieux publics, mais les consciences avec des débats irresponsables sur la légalisation », attaque d’emblée le ministère de l’Intérieur, sous les huées de la gauche de l’hémicycle, dénonçant notamment les prises de position en faveur de la légalisation du cannabis. Poursuivant sans même relever, le locataire de la place de Beauvau décrit « un monde où la drogue tue partout, et lorsqu’elle n’a pas été contrecarrée par l’ordre républicain, des narco-Etats habitent aux portes de l’Europe et menacent les avocats, les hommes politiques, les policiers en mettant des contrats sur leur tête et parfois les assassinent ».
L’ancien maire de Tourcoing a ensuite fait référence à l’étude du Washington Post en décembre 2022 sur les ravages des drogues de synthèse et des opioïdes, qui avait conclu que « le fentanyl est actuellement la première cause de mortalité des Américains âgés de 18 à 49 ans, constatant même qu’ « il y a plus d’Américains morts d’overdose aux opioïdes que de soldats américains tués durant les guerres du Vietnam, d’Irak et d’Afghanistan combinées ». Le ministre de l’Intérieur a ainsi souhaité rappeler que « ce genre de drames évité en France grâce à une police et une justice courageuses qui se bat face à une pieuvre qui repousse », donnant des chiffres précis sur le département d’Ille-et-Vilaine : « 150 forces de l’ordre supplémentaires en six ans », « 21 points de deal supprimés » et « 150 interpellations de plus que 2022 avec des saisies qui ont quintuplé », détaille le ministre, se réjouissant des arrestations de nombreuses têtes de réseau de la mafia marseillaise ces derniers jours.
« Depuis sept ans, qu’avez-vous fait ? »
Une réponse qui laisse le sénateur LR, circonspect : « Vous avez évoqué le trafic de drogue qui dure depuis plus de 40 ans, je serai tenté de dire depuis 7 ans, qu’avez-vous fait ? », se demande l’élu breton, taclant au passage « un discours dont on ne voit pas les résultats sur le terrain ». « La population aujourd’hui n’a plus confiance dans la parole publique. Vous qui invoquez si souvent la République, je pense que le plus sûr moyen que les Français ne s’en désagrègent pas est de les protéger pour faire en sorte que la liberté les protège », conclut le sénateur, suscitant une moue interrogative du ministre.
Une commission d’enquête sénatoriale sur le narcotrafic a engagé ses auditions dès le 27 novembre 2023 et achèvera ses travaux au plus tard le 8 mai 2024.