C’était l’un des points forts des conclusions de la commission d’enquête du Sénat : frapper les narcotrafiquants au portefeuille. Mardi soir lors de l’examen de la proposition de loi issue des travaux de la commission, les sénateurs ont adopté plusieurs dispositions visant à lutter plus fortement contre le blanchiment d’argent, le nerf de la guerre contre les narcotrafiquants. L’article 4 prévoit, à ce titre, de systématiser les enquêtes patrimoniales dans le cadre des investigations relatives au narcotrafic et, d’autre part, de créer une nouvelle procédure d’injonction pour richesse inexpliquée. La systématisation avait été supprimée en commission des lois. « C’est ce qu’on appelle une fausse bonne idée. Nous nous en sommes rendu compte au fil des auditions parce que les services nous ont dit que ce n’étaient pas toujours utile […] Nous ne sommes pas favorables à ce que nous puissions encombrer divers services d’enquêteurs », a justifié la corapporteure Muriel Jourda (LR) en présentant son avis défavorable à l’amendement du sénateur écologiste, Guy Benarroche qui proposait de rétablir cette systématisation.
Confiscation des biens rendue « obligatoire »
Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin a lui rappelé que « rien n’empêche de faire ces contrôles en administratif », c’est-à-dire des contrôles fiscaux. Le sénateur PS, Hussein Bourgi a évoqué « une résignation de savoir qu’on n’avait pas les moyens humains de réaliser ces contrôles ».
Toutefois, plusieurs amendements identiques ont cette fois-ci rendu « obligatoire », la confiscation de biens dont le propriétaire ne peut justifier l’origine, et condamné pour un crime ou un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement. « Avant de confisquer, il faut pouvoir saisir. Et il y a aussi le problème de l’identification. Ça oblige à des changements importants. Aujourd’hui les services enquêteurs et les magistrats ne regardent pas tout à fait les saisies et les confiscations parce qu’il y a une charge de travail importante », a tempéré Gérald Darmanin qui a proposé de retravailler cette disposition dans la navette parlementaire.
Interdire le paiement en liquide des voitures de location
Un peu plus tôt dans la soirée, le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau a défendu un amendement proposant une mesure « radicale » contre l’avis de la commission des lois. Elle vise à interdire strictement tout paiement en espèces d’une location de voiture. « La location de voiture, c’est une plaie. C’est une aide considérable aux narcotrafiquants […] ça facilitera le travail de l’autorité judiciaire puisque ce sera traçable », a-t-il justifié. Le corapporteur du texte, Jérôme Durain (PS), par ailleurs président de la commission d’enquête, a souligné que cet amendement concernait tous les véhicules « or, il y a beaucoup de Français qui louent des véhicules pour des déménagements, pour faire des travaux et qui utilisent du liquide ».
Le rapporteur LR de la commission d’enquête, Etienne Blanc a proposé de fixer un seuil par décret, « 200 ou 250 euros au-delà duquel, le paiement en espèce serait interdit ».