De Bruxelles au local. Le député européen Place Publique, Raphaël Glucksmann, était l’invité du plateau de Public Sénat, depuis le congrès de l’Association des maires de France (AMF), ce mercredi à Paris.
Celui dont les ambitions nationales pourraient le mener à une candidature à la présidentielle entend rappeler le lien entre le niveau européen et la commune. « Bruxelles, ça peut vous sembler loin mais en réalité, il y a plein de sujets, dans un continuum du village à l’échelle européenne, comme l’écologie, le narcotrafic », rappelle l’eurodéputé.
« Un point de bascule » sur le narcotrafic
Interrogé justement sur les drames liés au narcotrafic survenus à Marseille et à Grenoble, il alerte : « C’est un point de bascule. Se rend-on compte de la gravité de ce qu’il s’est passé à Marseille ? C’est la première fois en France que les narcotrafiquants assassinent un jeune homme pour envoyer un message à son frère, qui mène une action politique, culturelle, sociale extrêmement courageuse », souligne le député européen.
Localement, il entend « faire confiance aux maires » pour la sécurité, qu’il s’agisse d’armer ou pas la police municipale ou d’installer des caméras de vidéosurveillance. « C’est un usage qui doit être encadré par la loi, […] mais on doit tout faire pour lutter contre les narcotrafiquants », soutient Raphaël Glucksmann.
Pour lui, la gauche ne doit pas se détourner de ces questions. « L’insécurité touche d’abord les plus faibles d’entre nous. Quand on est de gauche, on a le souci d’assurer la liberté des citoyens français et d‘abord des plus fragiles d’entre eux », soutient le responsable de Place Publique, qui souligne qu’« il y a des maires de gauche qui ont une politique sans naïveté aucune sur la sécurité, comme Mickaël Delafosse, à Montpellier ». Concrètement, il appelle à « lutter contre le blanchiment d’argent » et « les cryptomonnaies, qui servent à laver l’argent des trafiquants ».
« Ce que j’aimerais rendre dans un projet national, c’est ce sentiment d’urgence qu’on retrouve partout »
Dans ce congrès de l’AMF, temple de l’action publique locale, cette figure de la gauche sociale-démocrate estime avoir toute sa place. S’il est « député européen et habite à Paris », il s’inscrit en faux contre l’idée qu’il serait déconnecté. « Ce que je fais depuis des mois, c’est de traverser la France, sans journaliste, et comprendre les choses, les évolutions localement », explique Raphaël Glucksmann.
Il tire de ce tour de France un constat sombre pour notre territoire. « Je suis extrêmement inquiet sur l’état de notre pays. Quand vous allez à l’hôpital, vous vous rendez compte que c’est une cocotte-minute. Quand vous allez à l’école, vous vous rendez compte à quel point l’école est en train de souffrir. Quand vous êtes avec la BAC dans les rondes de nuit, dans les Yvelines, ils vous disent à quel point la police elle-même est une cocotte-minute. La même chose sur la justice », décrit l’eurodéputé. Il ajoute : « Ce que j’aimerais rendre dans un projet national, c’est ce sentiment d’urgence qu’on retrouve partout ».
Un programme qui ferait sa place au local, assure le coprésident de Place Publique. « Je veux qu’on décentralise, mais qu’on décentralise vraiment », lance l’eurodéputé, prêt à dire « banco » au nouvel acte de décentralisation mis sur la table par Sébastien Lecornu, à condition qu’il permette de clarifier les compétences – « on ne sait plus qui fait quoi ». C’est justement l’ambition du premier ministre. S’opposant aux « décisions prises à Paris, de manière dogmatique et sectaire », qui seraient « négociées entre Sébastien Lecornu et nous », il imagine plutôt une grande consultation, partir du bas, à l’image du grand débat post-gilets jaunes :
Et alors que les élus locaux dénoncent les économies demandées aux collectivités – la majorité sénatoriale veut les ramener de 4,6 milliards à 2 milliards d’euros dans le budget – il appelle le premier ministre à « entendre cette gronde. On ne peut pas couper 7,5 milliards d’euros (calcul fait par l’AMF, ndlr) à coups de rabot ». « Si on veut sauver notre démocratie, ça passe par notre capacité, quand on est au pouvoir, qu’on est Président, premier ministre, à écouter le pays », ajoute-t-il. Et de reprendre cette citation : « Montaigne disait : « Même assis sur le plus haut des trônes du monde, vous n’êtes jamais assis que sur votre cul. Les dirigeants devraient s’en souvenir… »
« On va avoir plus d’élus » après les municipales
En mars prochain, Place Publique compte bien présenter des candidats aux élections municipales. Pour ce « parti jeune », les ambitions seront forcément modestes, même s’il assure que son mouvement a « un ancrage local de plus en plus » fort. « On va avoir plus d’élus », assure-t-il, sans se risquer à donner un chiffre.
Mais le national n’est jamais loin du local. Et pour Raphaël Glucksmann, qui s’est rassemblé dimanche aux côtés de François Hollande et de Bernard Cazeneuve, « on veut que la gauche démocratique, c’est-à-dire la gauche socialiste, sociale-démocrate, écologiste, remporte ces élections, conserve ses mairies et en conquière un maximum, dans une ligne de clarté, c’est-à-dire sans alliance avec LFI ».
Municipales à Paris : « Comment imaginer faire une alliance avec Sofia Chikirou ? »
A Paris, scrutin toujours regardé de près, Place Publique est sans surprise « en discussion avec Emmanuel Grégoire », candidat du PS, « pour faire une dynamique qui nous permette de conserver Paris à gauche ». Et pour lui, le PS devra se refuser à toute alliance avec LFI et sa candidate, Sofia Chikirou. « Il faut une dynamique politique claire car aujourd’hui, pèse sur nous un soupçon d’insincérité, donc on doit expliquer que même si on prend des risques politiques, nous tiendrons cette ligne jusqu’au bout. Et ce sera à la fin victorieux », croit Raphaël Glucksmann, qui attaque la candidate insoumise, une proche de Jean-Luc Mélenchon.
« Comment imaginer faire une alliance avec Sofia Chikirou ? Une personne qui ne fait pas la distinction entre la Chine totalitaire et la démocratie française, qui nous explique que la liberté d’expression c’est à peu près la même en France et en Chine, qui soutient donc le Parti communiste chinois ? C’est tellement loin de nous, de ce qu’incarne Paris ». Et de ce que veut incarner Raphaël Glucksmann, dont la stratégie vise à couper tout lien avec LFI, tout en s’opposant à une primaire du reste de la gauche. Il faudra peut-être un grand débat pour en parler avec ses amis du PS et les écologistes.