Voté le 6 octobre par les députés, le projet de loi polémique qui permet une dérogation à l’interdiction de l’utilisation des néonicotinoïdes tueurs d'abeilles, pour la filière de la betterave, arrive en séance publique le 27 octobre prochain.
Interdits depuis 2018, suite à la loi sur la biodiversité votée en 2016, les néonicotinoïdes sont en passe de faire leur retour via ce texte de deux articles qui autorise une dérogation jusqu’en 2023 pour la filière de la betterave. Pour rappel, la loi sur la biodiversité autorisait des dérogations à l’interdiction des néonicotinoïdes jusqu’au 1er juillet 2020, un nouveau texte de loi s’avère donc nécessaire pour maintenir les dérogations.
Mise en place d’un conseil de surveillance
En première lecture les députés ont toutefois instauré quelques garde-fous comme la création d’un conseil de surveillance chargé du suivi et du contrôle de la recherche et de la mise en œuvre d’alternatives aux néonicotinoïdes. Ce conseil de surveillance sera composé de quatre députés et de quatre sénateurs, dont au moins un député et un sénateur membre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Mais également, d’autres acteurs institutionnels comme le délégué interministériel pour la filière sucre et des représentants des ministères chargés de l’environnement et de l’agriculture, du Conseil économique, social et environnemental, sans oublier des associations et des instituts techniques. La liste sera définie par décret.
Pas de dérogation pour les traitements foliaires (pulvérisation)
Il est également à noter que ces dérogations ne sont autorisées que pour les traitements enrobés, et non pour les traitements foliaires (pulvérisation) plus nocifs pour les insectes pollinisateurs. « Les auditions menées (…) ont mis en lumière l’existence d’un corpus de preuves scientifiques solides démontrant les effets toxiques de l’utilisation généralisée des néonicotinoïdes sur des milieux et organismes non ciblés (…) Plus largement, la substance s’infiltre dans les sols et les eaux de surface pour les contaminer, fragilisant l’écosystème, en touchant les autres insectes comme les fourmis, les invertébrés, les vers de terre, la faune des cours d’eau, les oiseaux des champs » note dans son rapport, le sénateur LR, Bruno Belin, rapporteur pour avis au nom de la commission du developpement durable du projet de loi.
La gauche du Sénat voit ses amendements de suppression rejetés
Dans ce débat : pour ou contre les néonicotinoïdes « qui déchaîne les passions » selon les mots de la présidente LR de la commission des affaires économiques, Sophie Primas, les sénateurs de gauche ont déposé des amendements de suppression de l’article 1 (qui porte sur la dérogation). Fabien Gay pour le groupe CRCE, Jean-Claude Tissot pour le groupe PS et bien sûr le sénateur écologiste, Joël Labbé, pourfendeur des néonicotinoïdes de longue date (voir notre article). Les amendements de suppression ont été rejetés en commission. « On ne se faisait pas d'illusions. On va reporter le débat en séance publique » prévient Joël Labbé qui compte s'appuyer sur la charte de l'Environnement pour pointer l'inconstitutionnalité du texte.
Le risque de dérogations à venir pour d’autres cultures que les betteraves
Le même sort a été fait aux amendements de suppression de l’article 2 du projet de loi qui limite la dérogation à la filière de la betterave. Or, comme le note, la commission des affaires économiques dans un communiqué. « Mentionner explicitement que ces dérogations seront réservées aux seules betteraves sucrières expose le texte dans son ensemble à un risque d’inconstitutionnalité au regard du principe d’égalité devant la loi ». Pour cette raison, le Sénat appelle gouvernement à « proposer une consolidation juridique de cet article d’ici la séance publique ».
Parmi les amendements retenus en commission, celui de Joël Labbé repousse la date d’entrée en vigueur de la loi à février 2021. Initialement prévu en décembre 2020, le sénateur souhaite attendre publication d'un avis de l'ANSES sur les alternatives aux néonicotinoïdes, attendu pour janvier 2021. Un amendement de Sophie Primas fixe un délai maximum pour la remise de l'avis sur les dérogations du conseil de surveillance.