« Il sera difficile de tenir ce calendrier de 2025 sauf à relancer la production d'électricité à base d'énergies fossiles », a déclaré Nicolas Hulot ce mardi. À l’issue du Conseil des ministres, le ministre de la Transition écologique est revenu sur l’un des engagements phares prévu dans la loi de transition énergétique, à savoir ramener la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50% en 2025. Quelques heures plus tard, il annonçait sur Public Sénat que l'échéance 2030/2035 était à l'étude. Une annonce qui a crispé certains écologistes. L'eurodéputé Yannick Jadot est « furieux » de cette « remise en cause de l’objectif des 50% » . Quant à Greenpeace, elle lui demande de ne pas se « tromper de combat » et regrette des « reculades en série ».
Pour sa part, l’ancienne ministre de l’Écologie Ségolène Royal avait « tiré une petite sonnette d’alarme » le mois dernier, affirmant devoir être « non complaisante mais exigeante » pour « rendre service » à son successeur. Et d’ajouter qu’il était tout de même un « très bon ministre » et qu’ « il représente une caution environnementale de gauche, dans un gouvernement souvent accusé d’être trop à droite ». Un discours récurrent à l’égard de Nicolas Hulot, dont beaucoup se demandent s’il arrivera à tenir cette position sans mettre de côté ses convictions ou devoir quitter le gouvernement. « J’espère qu’il va tenir bon et être suffisamment costaud pour s’imposer », confie Guillaume Gontard, sénateur (groupe communiste, républicain et écologiste) de l’Isère et vice-président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat.
« Il manque un peu de fermeté »
Dans une interview au Monde le 28 octobre dernier, le ministre dit « se donner un an pour voir s’(il) est utile » tout en assurant avoir « des lignes rouges » qu’il est « le seul à connaître ». À six mois de cette échéance, toute la question est de savoir quelles sont-elles justement. D’autant qu’au fil des annonces, certains écologistes commencent sérieusement à douter de sa capacité « à tenir bon ». De sa position sur le CETA, l’accord économique et commercial entre l’Union européenne et le Canada, à celle sur le glyphosate, le ministre a déçu nombre de ses pairs. « Je comprends que les choses ne soient pas simples mais il manque un peu de fermeté », regrette Guillaume Gontard, qui fait référence au CETA. Le 25 octobre dernier, le ministre de la Transition écologique a pourtant présenté un plan d’action destiné à mettre en place des garde-fous dans l’application du traité. Mais le sénateur aurait préféré qu’il se « positionne clairement ».
André Gattolin, sénateur des Hauts-de-Seine anciennement EELV et désormais LREM, considère quant à lui qu’ « on a beaucoup exagéré les risques du CETA. Un accord qu’il considère « tout à fait raisonnable » et dont les critiques sont dues selon lui à « une instrumentalisation massive du CETA pour remettre en cause tous les traités de libre-échange ». Quant au parti pris par Nicolas Hulot concernant le glyphosate, que le ministre se dit prêt à réautoriser trois ans - « un intervalle qui permettra de soutenir les alternatives et d’aider les agriculteurs » - André Gattolin y voit la conséquence de la « pression extrême de nos partenaires européens » et du « cadre très compliqué des directives européennes ».
« Lignes rouges »
Selon le sénateur des Hauts-de-Seine, aucune « ligne rouge » n’aurait donc été franchie. Celui-ci estime d’ailleurs avoir identifié trois de ces fameuses limites que Nicolas Hulot dit s’être fixées : disposer de suffisamment de moyens financiers, être en mesure prendre des décisions concrètes et pouvoir aller vers une agriculture « plus raisonnée ». Des « lignes rouges » que « ne perçoit pas » son collègue Guillaume Gontard. Et même s’il les avait identifiées, ce dernier considère que l’enjeu n’est pas de ne pas dépasser ces limites, mais de proposer des « choses ambitieuses » : « Si c’est pour rester cinq ans et juste sauver les meubles, la plus-value d’Hulot on ne l’aura pas vraiment. »
Quel que soit le discours vis-à-vis de Nicolas Hulot, la bienveillance reste encore de mise : « On est plusieurs à avoir envie que ça fonctionne, on sait bien qu’il est un peu seul », assure le sénateur de l’Isère, qui « préfère que ce soit Hulot » qu’un autre qui occupe la place de numéro 3 du gouvernement. Une peur subsiste, celle les arbitrages qui seront opérés à l’avenir par Emmanuel Macron et Édouard Philippe. « On est plusieurs à craindre des arbitrages en faveur de Travert (Stéphane Travert, ministre de l’Agriculture) », assure Guillaume Gontard. Une inquiétude que partage André Gattolin, qui reste toutefois confiant du fait de la cote de popularité « intacte » de Nicolas Hulot, qui avoisine les 50% : « Il est de loin en tête dans les sondages, personne n’a envie de se passer de lui. »