Nomination de Jean Castex à la RATP : le « recasage » de l’ancien premier ministre interroge au Sénat
Jean Castex a été nommé par Emmanuel Macron à la tête de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), mais cette nomination doit encore être validée ce mardi par le Parlement. L’ancien Premier ministre sera auditionné à l’Assemblée et au Sénat, où il devra s’expliquer d’une nomination qui a amené la HATVP à émettre de nombreuses réserves.

Nomination de Jean Castex à la RATP : le « recasage » de l’ancien premier ministre interroge au Sénat

Jean Castex a été nommé par Emmanuel Macron à la tête de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), mais cette nomination doit encore être validée ce mardi par le Parlement. L’ancien Premier ministre sera auditionné à l’Assemblée et au Sénat, où il devra s’expliquer d’une nomination qui a amené la HATVP à émettre de nombreuses réserves.
Louis Mollier-Sabet

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Ubuesque, kafkaïenne… Les métaphores littéraires n’ont pas manqué, pour qualifier l’absurdité de la situation quand l’avis de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) sur la nomination de Jean Castex à la tête de la RATP est tombé. La Haute autorité a écarté le risque de prise illégale d’intérêt et a estimé que cette nomination ne posait pas de risque pénal. Mais elle a aussi demandé à l’ancien Premier ministre, dans le cadre de l’ouverture à la concurrence, de « s’abstenir de toute démarche », auprès de son ancienne équipe gouvernementale pendant trois ans, dont la Première ministre, Élisabeth Borne, ancienne dirigeante, elle aussi, de la RATP, ou le ministre des Transports Clément Beaune, ministre délégué chargé de l’Europe dans le gouvernement Castex.

« Ces nominations systématiques deviennent très problématiques »

La HATVP précise bien que ce sont des prises de contact à l’initiative de Jean Castex qui sont en cause, pas une convocation de la Première ministre ou du ministre pour un entretien, par exemple. De cette situation découle tout de même une situation complexe, qui sera au cœur des auditions de Jean Castex menées respectivement par l’Assemblée nationale et le Sénat ce mardi 8 novembre. La nomination au poste de PDG de la RATP est une nomination « article 13 », et est donc soumise à l’approbation des 3/5 des deux commissions du Parlement concernées, en l’occurrence les commissions de l’aménagement du territoire et du développement durable. Un rapporteur est désigné pour diriger les travaux parlementaires sur le sujet, et au Sénat, c’est Philippe Tabarot (LR) qui va s’y coller, et qui mènera donc l’audition de ce mardi.

Le sénateur des Alpes-Maritimes ne remet pas en cause « les compétences et l’appétence » de l’ancien Premier ministre pour les sujets de transport, qui avait d’ailleurs été nommé – par la même procédure – à la tête de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit), mais admet que « les nominations systématiques » d’anciens membres du gouvernement à ce genre de postes deviennent « très problématiques. » Jean Castex pourrait ainsi pâtir d’un climat général dégradé par les nominations de Didier Lallement au secrétariat général de la mer, d’Emmanuelle Wargon à la Commission de régulation de l’énergie (CRE), ou les rumeurs de parachutage de Christophe Castaner au Grand Port maritime de Marseille, au ministère d’Etat de Monaco et, plus récemment, à la tête de la société de gestion des autoroutes et du tunnel du Mont-Blanc, selon Politico.

« La situation est indécente »

D’après Olivier Jacquin, c’est bien un problème de signal politique que pose la nomination de Jean Castex à la tête de la RATP. « Jean Castex ne ferait pas un mauvais dirigeant de la RATP », concède le sénateur socialiste, mais « la situation est indécente » : « Les nominations d’Emmanuel Macron deviennent ridicules pour quelqu’un qui avait garanti l’exemplarité. Politiquement, ce n’est pas acceptable. On a 89 députés RN à l’Assemblée et on fait des petits arrangements entre amis ? » Si Olivier Jacquin admet qu’il n’y a pas de « problème au niveau du droit », il pointe un « souci d’éthique » : « Ce qui est valable pour les hauts fonctionnaires doit être valable pour les ministres. »

Jamais le Parlement n’a refusé un candidat proposé par le Président de la République pour une nomination au titre de l’article 13 de la Constitution, même si certains candidats n’ont parfois pas réussi à récolter une majorité de l’une des Assemblées, sans pour autant coaliser 3/5 de l’ensemble des voix contre eux. La nomination de Jean Castex n’est pas remise en cause à l’heure actuelle, mais Olivier Jacquin espère que « par courtoisie sénatoriale », la Chambre haute marquera le coup par une certaine abstention, alors qu’il y a trois mois, la nomination de Jean Castex avait très largement été validée par le Sénat.

« L’avis de la HATVP, je m’en fous »

Jean-François Longeot (UC) ne partage pas la position de son collègue socialiste. « Je ne vois pas où est le problème », lâche le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. « L’avis de la HATVP, je ne l’ai pas et je m’en fous. Si vous le voulez, appelez la HATVP. La RATP, ce n’est pas un cadeau, si en plus on lui fout des bâtons dans les roues en disant qu’il ne peut plus s’adresser au ministre des Transports… Tout va mal dans le pays, et le souci c’est de savoir si M. Castex va pouvoir téléphoner à M. Beaune ? »

Jean-François Longeot préfère recentrer le débat sur le profil de l’ancien Premier ministre : « Ce qui ne serait pas normal, c’est si Jean Castex n’était pas à la hauteur de sa mission, mais je pense qu’il le sera. C’est un excellent profil pour le poste. » Jean Castex sera auditionné ce mardi à 17h, et le dépouillement des votes des députés et des sénateurs pour savoir à quel point les parlementaires sanctionneront ce « souci éthique » aura lieu dans la foulée.

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