« Nous battre pour cette France des honnêtes gens » : Bruno Retailleau donne le point de départ des prochaines batailles électorales
Crédit : Gabrielle CEZARD / SIPA

« Nous battre pour cette France des honnêtes gens » : Bruno Retailleau donne le point de départ des prochaines batailles électorales

Un mois après sa large élection à la tête du parti, Bruno Retailleau a conclu la première réunion du Conseil national des Républicains depuis 2023. Un « congrès de refondation » et un « point de départ » qui illustrent, selon lui, le « retour de la droite » en France.
Guillaume Jacquot

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Bruno Retailleau n’avait probablement pas imaginé vivre cette petite mésaventure le jour de son premier grand rassemblement, depuis sa large victoire à l’élection à la tête de LR. C’est avec quelques minutes de retard sur l’horaire initial que le nouvel homme fort des Républicains s’est présenté devant des centaines de militants et de cadres du parti, ce 28 juin à la Maison de la mutualité à Paris. Le nouveau président du parti s’est retrouvé coincé une demi-heure dans un ascenseur aux côtés du patron des eurodéputés LR François-Xavier Bellamy, ou encore du président du Parti populaire européen, l’Allemand Manfred Weber, venu assister à la prise de parole du ministère de l’Intérieur.

L’avenir dira si cet incident n’était qu’un banal contretemps ou un mauvais présage. Mais sur cette scène, l’ancien patron du groupe majoritaire au Sénat, le « camp de base de la droite républicaine », galvanise ses troupes en martelant que le parti est dans une phase d’ascension. Tout au long d’un discours de trois quarts d’heures, le Vendéen s’est exprimé sans notes, comme il le faisait régulièrement en tant que parlementaire. « La droite est de retour en France, aux responsabilités gouvernementales, dans les sondages. Nous sommes de retour dans les esprits, nous sommes au point d’équilibre des convictions des Français », énumère-t-il, sous les cris de « Bruno président ». « Si je suis devenu la cible du RN ou de l’extrême gauche, ça veut bien dire quelque chose. Je suis devenu leur obsession, c’est très bon signe », jubile également le ministre de l’Intérieur.

« Nous resterons au gouvernement tant que nous serons utiles pour le pays »

Depuis sa victoire large face au président des députés LR Laurent Wauquiez, le mois dernier, avec 74 % des voix, Bruno Retailleau évoque l’arrivée de « 20 000 adhérents », qui viennent s’ajouter aux 122 000 militants qui étaient à jour de cotisation, pour le scrutin interne du 17 mai.

En entrant avec d’autres membres de LR au gouvernement, d’abord sous Michel Barnier l’an dernier, puis dans l’équipe de François Bayrou, Bruno Retailleau sait que son exposition médiatique est allée de pair avec une progression dans les enquêtes d’opinion. Si cette participation aux côtés des autres forces du « socle commun » a pu interroger chez une partie des militants, le ministre de l’Intérieur assure que ce choix a été fait « pour de bonnes raisons », « pour éviter le chaos budgétaire » et refuser de laisser les clés de Matignon « la gauche mélenchonisée ».

Alors que les dernières semaines ont été marquées par des divergences de plus en plus apparentes entre la droite et les macronistes, sur une série de textes législatifs, Bruno Retailleau a annoncé les conditions du maintien de LR au gouvernement. « Nous resterons au gouvernement tant que nous serons utiles pour le pays. Si demain il y avait, soit par des actes, soit parce que les uns ou les autres s’engageaient sur un chemin contraire à nos convictions ou aux intérêts fondamentaux de la nation, alors nous pourrions en tirer les conséquences », a-t-il averti. « Nous ne sommes pas devenus macronistes », a également tenu à clarifier le président Gérard Larcher, qui le précédait dans les prises de parole.

Cap sur les élections municipales et les sénatoriales avec l’objectif d’une « vague bleue »

Qualifiant ce Conseil national de « congrès de refondation » et de « point de départ », Bruno Retailleau a tourné son parti vers trois « batailles » électorales et a appelé à ne « pas louper les marches » avant la « bataille utile » de la présidentielle 2027. Les élections municipales et les sénatoriales de 2026 seront un premier test pour sa famille politique. « Je veux qu’il y ait une vague bleue en 2026 pour les municipales », a-t-il fixé comme objectif. Il a chargé la nouvelle commission nationale d’investiture, désormais présidée par la ministre de l’Agriculture Annie Genevard, secondée par le député Patrick Hetzel et le sénateur Roger Karoutchi, de se « soucier de la proportion de grands électeurs » pour les sénatoriales, qui dépendront du choix des têtes de liste.

Pour ce rendez-vous capital du printemps 2026, Bruno Retailleau a promis « le maximum de têtes de liste LR partout en France », de former les candidats et d’investir davantage dans une campagne numérique. Quant aux éventuelles alliances, le président du parti a fait savoir que cette question s’étudierait, notamment pour éviter la victoire de la « gauche mélenchonisée, et des soumis aux Insoumis ». « Ce sont nos adversaires principaux », a-t-il clamé, ajoutant qu’il était « hors de question de leur offrir sur un plateau » les plus grandes villes du pays.

En dehors de la gauche, Bruno Retailleau n’a quasiment pas fait référence au Rassemblement national, et encore moins à ses partenaires du bloc présidentiel, malgré des tensions apparentes ces derniers jours en particulier avec les députés de Gabriel Attal (Renaissance). « Vous n’avez pas entendu de critiques sévères vis-à-vis de celles et ceux avec qui nous gouvernons, sinon le pays serait gouverné à gauche », a par exemple justifié le sénateur LR Max Brisson, à l’issue de ce Conseil national.

Vidéo : Juliane Rolland

La « France des honnêtes gens » comme slogan

Sur le fond des idées, Bruno Retailleau a expliqué vouloir se battre pour une France « silencieuse », celle des « honnêtes gens », celle « qui ne pille pas, n’agresse pas, n’attaque pas » mais « qui paie cher le coût de la sécurité », qui « travaille dur » et « paie cash le prix de l’assistanat ». L’ancien bras droit de François Fillon en 2017 s’en est également pris à la société « post-soixante-huitarde », qui « a vécu sur cette idée qu’il fallait déconstruire tous les cadres communs, le respect qu’on doit les uns aux autres, la hiérarchie, l’autorité ».

Se posant en garant de la « valeur travail » et prônant la fermeté sur le plan de la maîtrise de l’immigration, Bruno Retailleau a également ciblé la « jurisprudence venue d’ailleurs » qui s’oppose à la « souveraineté populaire ». « Nous n’aurons aucune modification législative pour la justice pénale des mineurs, si demain on ne modifie pas la Constitution », a-t-il prévenu.

« Nous sentons l’envie de droite en France : le rétablissement de l’autorité, le fait que les Français en aient pour leur argent, que la France des honnêtes gens puisse vivre dignement de leur travail », salue le sénateur LR Ronan Le Gleut. « Si la droite est vivante, c’est grâce à une personnalité qui est apparue, avec une vraie colonne vertébrale. Il incarne une droite de conviction, qui ne s’excuse plus, qui ne rase plus les murs », s’enthousiasme également la sénatrice LR Agnès Evren, à la tête de la fédération parisienne.

« Chasser en meute, c’est ce que j’attends de chaque fédération »

Au cours de cette journée, où le parti a approuvé en Conseil national le renouvellement des instances de direction, dont le bureau politique, le président de LR a également donné les prochaines orientations pour la refondation du parti. Une réforme des statuts est prévue pour l’automne. La nouvelle direction souhaite mieux prendre en compte les militants et leur redonner du poids, à travers des « référendums », et notamment des « référendums d’initiative militante », à l’image du référendum d’initiative partagée pour toute demande portée depuis le terrain. « Construire un grand parti populaire, ça ne peut pas être un club de chapeaux à plume », a-t-il déclaré. Le nouveau président appelle également les fédérations à favoriser leur cohésion et leur activité. « Chasser en meute, c’est ce que j’attends de chaque fédération ». Quant à la ligne politique, Bruno Retailleau a résumé les choses de cette façon : « Notre mouvement ne doit être ni une caserne, ni un MacDo. Chacun peut apporter ce qu’il a, ce qu’il pense. Le débat, c’est fondamental. » Mais « quand une ligne est tranchée, je veux qu’elle soit tranchée. Pas de menu à la carte », a-t-il insisté.

Vidéo : Juliane Rolland

Dans cette réunion aux allures de meeting de campagne présidentielle, le discours de la nouvelle incarnation des LR électrise les militants. « L’effet Bruno Retailleau a considérablement changé les choses dans le militantisme. Quand on tracte, les gens témoignent de leur affection pour le ministre de l’Intérieur », témoigne Ylan, 19 ans, délégué des Jeunes républicains dans la 9e circonscription de Seine-et-Marne, qui a pris sa carte au moment de la campagne des européennes.

« C’est un grand soulagement de voir qu’il y a une vraie dynamique partout sur le territoire », salue également Manon Deliot, la présidente des Jeunes Républicains. « On a la démonstration que quand la droite est unie, que quand elle travaille sérieusement, quand elle s’assume, elle est à nouveau audible et crédible », observe Othman Nasrou, l’ancien directeur de campagne de Bruno Retailleau, promu secrétaire général du mouvement. « Il faut aussi être très modeste, mais ce travail est enclenché. »

Vidéo : Juliane Rolland

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