« Nous n’avons plus les effectifs » pour une guerre de haute intensité, estime le général de Villiers

« Nous n’avons plus les effectifs » pour une guerre de haute intensité, estime le général de Villiers

Invité d’Extralocal, le général de Villiers est revenu sur l’état de l’Armée française et du budget de la Défense. Il salue le « courage politique d’Emmanuel Macron » sur la loi de programmation militaire, mais estime que face au réarmement rapide des autres puissances, « on commence à avoir peur. »
Louis Mollier-Sabet

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« Je ne suis pas critique, je suis objectif. » Qui a dit qu’on ne pouvait pas être les deux ? Le général Pierre de Villiers, ancien chef d’État-major des armées, en tout cas, dresse un tableau assez critique de l’état de la défense française, avec d’abord un changement de doctrine : « Depuis la chute du Mur, nous avons opté pour un modèle complet, une armée de projection capable d’intervenir. Nous avons quitté cette armée qui s’articulait autour de la dissuasion nucléaire et de la capacité de protection du territoire, avec la défense opérationnelle du territoire et la capacité de mener une guerre de haute intensité dans le cadre d’une coalition. »

« Une guerre, c’est dur »

C’est le diagnostic posé par de nombreux militaires, comme le général Vincent Desportes, qui attirait l’attention sur l’impréparation de la France face à une guerre conventionnelle, « à l’ancienne », et même par le président de la commission des Affaires étrangères du Sénat, Christian Cambon, qui confiait à publicsenat.fr que l’armée française était « une force complète pouvant prendre en charge tout le spectre des missions, mais disposant d’une faible épaisseur. »

Pierre de Villiers détaille lui aussi : « Nous n’avons plus les effectifs, nous avons supprimé 50 000 postes entre 2008 et 2015, ça a singulièrement déstabilisé notre organisation. On a 200 chars, peut-être 220, mais peut-être pas tous opérationnels. On a 200 Rafales, là où on en avait 600 il y a 20 ans. On avait 80 canons Caesar, on en a donné 20 à l’Ukraine. Une guerre c’est dur, regardez la consommation de munition, les pièces de rechange, toute la logistique qui a fait la défaite des Russes. »

Loi de programmation militaire : « Ce n’étaient pas les chiffres que j’avais avant mon départ »

« Il faut corriger ça le plus vite possible », ajoute l’ancien chef d’Etat-major des armées, qui avait démissionné en 2017, précisément sur un désaccord à propos du budget de la Défense : « Je salue le courage politique d’Emmanuel Macron d’avoir recommencé à augmenter le budget de l’armée. Ce n’étaient d’ailleurs pas les chiffres que j’avais avant mon départ. »

En tout état de cause, dans le budget 2023, la dernière « marche » de cette loi de programmation militaire est bien franchie, avec 3 milliards supplémentaires après une augmentation continue sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron. « Une partie de ces milliards va être mangée par l’inflation », prévient le général de Villiers, reprenant une inquiétude évoquée lors de l’audition de Sébastien Lecornu, le ministre de la Défense, au Sénat.

« Ce n’est pas 3 milliards qu’il faudrait, mais beaucoup plus »

« Ce n’est pas 3 milliards, qu’il faudrait, mais beaucoup plus. Il y a des dizaines de personnes qui travaillent là-dessus, mais d’après mes souvenirs, il faudrait au moins 5 milliards par an. On a un modèle global, mais échantillonnaire, il faut du volume dans les munitions, les frégates… », détaille l’ancien chef d’État-major, alors que le deuxième volet de la loi de programmation militaire (2024-2030) est en discussion.

D’autant plus que le contexte international est tendu : « On commence à avoir peur. Regardez les Chinois, les Iraniens, les Turcs : ils réarment de 5 à 10 % par an depuis 20 ans, pendant que nous, on savoure les délices des dividendes de la paix depuis 1989, avec des budgets de la Défense qui ont diminué jusqu’en 2015. »

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