« Nous ne sommes pas l’ennemi du monde agricole », assure Alexandre Bompard le PDG de Carrefour
Le PDG du groupe Carrefour était auditionné ce mercredi par la commission des Affaires économiques du Sénat. Crise sanitaire, rémunération des agriculteurs, Alexandre Bompard était sous le feu des questions. Il a aussi assuré qu’aucune opération de consolidation n’était envisagée après l’arrêt des négociations avec le groupe canadien Couche-tard.
Par Héléna Berkaoui
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Nombreux sont les dossiers qui ont été abordés ce mercredi lors de l’audition du PDG du groupe Carrefour au Sénat. La commission des Affaires économiques présidée par la sénatrice LR, Sophie Primas, n’a en effet pas été avare de questions et n’a pas non plus hésité à bousculer Alexandre Bompard.
Au menu de l’audition : la rémunération des agriculteurs après l’échec de la loi Egalim, la crise sanitaire, la relation entre Carrefour, ses salariés et ses franchisés et aussi le rapprochement avorté avec le groupe canadien Couche-Tard.
Sur la rémunération des agriculteurs, Alexandre Bompard a fait face à des sénateurs particulièrement concernés par le sujet. A titre d » exemple, Henri Cabanel, sénateur RDSE (groupe à majorité radicale), a piloté un rapport du groupe de travail sur le mal-être des agriculteurs. Par ailleurs, le ministre de l’Agriculture, lui-même, le disait sur Public Sénat : la loi Egalim de 2018 constitue « un jeu de dupes sur le dos de l’agriculteur » (voir ici). Suite à la publication du rapport demandépar le gouvernement à l’ancien dirigeant du groupe Système U, Serge Papin, une proposition de loi a été annoncée.
Plusieurs questions ont porté sur ce rapport concernant le comportement de la grande distribution dans les négociations commerciales. Agriculteur de profession, le sénateur LR, Laurent Duplomb, a pointé le fait que « le ruissellement pour les agriculteurs (promis par la loi Egalim) n’a pas du tout été une réalité ». Et le sénateur socialiste de la Loire, Jean-Claude Tissot, également agriculteur, d’accuser « les industriels et la grande distribution d’avoir profité de cette loi pour élargir leurs marges » tout en dénonçant une « situation dramatique ».
« Nous ne sommes pas, nous n’avons jamais été l’ennemi du monde agricole », s’est défendu Alexandre Bompard. Pour preuve de sa bonne foi, il a appuyé l’importance de ces filières pour son groupe : « On est le premier débouché du monde agricole, je travaille avec des milliers de PME […] On a besoin de développer les produits locaux, on a besoin d’une agriculture puissante, c’est 20 % de nos activités ». Pour lui, l’inflation législative sur le sujet n’a pas beaucoup de sens. « Il n’y a aucun pays où j’ai une négociation annuelle, encadrée, contrôlée tous les ans […] pour autant c’est le seul pays où on estime que la grande distribution est responsable de tous les maux agricoles et où les relations commerciales sont aussi tendues », assure-t-il.
Selon le PDG du groupe Carrefour, la juste rémunération des agriculteurs doit passer par davantage de transparence dans les relations commerciales et spécifiquement sur les prix. Sur l’échec de la loi Egalim, il met en avant la péréquation qu’il y a eue entre les rayons : « Certains prix qui étaient sous le seuil de revente à perte ont augmenté, mais on a baissé les prix pour rester concurrentiel sur nos marques propres sur d’autres catégories de produits, c’est la raison pour laquelle il n’y a pas d’inflation dans le mécanisme. Il y aurait eu un ruissellement, s’il n’y avait pas eu de péréquation ».
« Le modèle social de Carrefour est plus avantageux et plus protecteur »
Le sénateur communiste, Fabien Gay, ainsi que la sénatrice LR, Dominique Estrosi-Sassone, ont eux, interpellé Alexandre Bompard sur la relation avec les salariés et les franchisés. Le premier a reproché au PDG la faible rémunération des salariés du groupe composé de « beaucoup de salariées femmes avec des temps partiels imposés ». Le groupe entend aussi réaliser un plan d’économie de 2,4 milliards d’euros, laissant craindre des conséquences sur l’emploi.
Mais pour le PDG de Carrefour, le groupe reste déjà « le seul acteur à avoir versé une prime de mille euros net pour tous ceux qui étaient sur le terrain », lors de la crise sanitaire. Selon lui, Carrefour se distingue aussi de ses concurrents par un « modèle social plus avantageux et plus protecteur ». Alexandre Bompard l’assure, la grille de salaire « est supérieure de 10 % aux salaires de la branche » et les employés peuvent prétendre à des « mécanismes de participation et d’intéressement qui atteignent en gros 1.300 euros par an ». Concernant les magasins sans agent de caisse, Alexandre Bompard s’est dit soucieux de préserver « la présence humaine » et le « rôle des caissiers et des caissières ».
La sénatrice LR des Alpes-Maritimes, Dominique Estrosi-Sassone, a, elle, amené le sujet des franchisés du groupe. La location-gérance est un système où le groupe confie le fonctionnement du magasin à un gérant. La sénatrice a pointé le « rapport déséquilibré » adossé à un « montage juridique extrêmement favorable aux franchiseurs ». Alexandre Bompard estime là aussi que le groupe est plus protecteur que ces concurrents, il en veut pour preuve qu’il « recrute des franchisés chez les autres ». « C’est un modèle assez bien équilibré », assure-t-il également.
Autre dossier sensible : le rapprochement avorté avec le groupe canadien Couche-Tard. Le ministre de l’Economie s’est directement impliqué dans le dossier pour poser un veto, contre l’avis du PDG. Devant les sénateurs, il a assuré ne pas être à l’initiative de cette opération et affirme également que son groupe n’envisage pas d’autres opérations de rapprochement.
« La crise du Covid est celle qui installe le e-commerce au cœur des habitudes de consommation »
Toujours sur les relations du groupe avec l’Etat, Alexandre Bompard a dénoncé à mots choisis l’inaction des pouvoirs publics quant aux développements des plateformes de vente en ligne. « Les régulations ne cessent de se multiplier quand en revanche d’autres actions viennent à manquer pour assurer l’équité de traitement avec les plateformes digitales », a-t-il lancé.
La crise sanitaire a renforcé ces acteurs, comme Amazon, et la tendance ne devrait pas s’inverser. « La crise est un facteur d’amplification des tendances. Le monde d’après est un monde d’avant, mais en accéléré, en plus divisé, en plus fragmenté […] La crise du covid est celle qui installe le e-commerce au cœur des habitudes de consommation », analyse le PDG. Un contexte qui entraîne un « immense défi opérationnel et financier » et nécessite « des investissements massifs sur cette transformation digitale ».
En janvier, le groupe a lancé un plan stratégique qui comprend notamment l’objectif de livrer à domicile toutes les villes de plus de 10 000 habitants d’ici 2022 et développer les magasins de proximité. Alexandre Bompard assure que le souci des prix abordables reste une priorité à l’heure où la crise sociale économique engendre une perte de pouvoir d’achat des consommateurs.
Le vote de la motion de censure n’a pas seulement fait tomber le gouvernement Barnier. Il empêche l’adoption de nombreux dispositifs, notamment toutes les mesures d’aides. Les agriculteurs et la Nouvelle Calédonie en font les frais, comme l’indexation de l’impôt sur le revenu. Il faudra attendre un nouveau budget, en début d’année, pour y remédier.
Dans le contexte du procès des assistants parlementaires du FN, Jordan Bardella se voit refuser la reconduction de François Paradol, son directeur de cabinet, comme assistant parlementaire local. « Le Parlement européen est devenu plus regardant sur les activités du RN », indique Olivier Costa, spécialiste de l’Union européenne.
Invité de la matinale de Public Sénat, Mathieu Darnaud, président du groupe Les Républicains au Sénat, a répété ce jeudi que son parti ne participerait pas à « un gouvernement dont le Premier ministre serait de gauche et porterait le programme du Nouveau Front populaire ». Le responsable pointe « l’irresponsabilité » des forces politiques qui ont voté la censure.
Après avoir été présenté en conseil des ministres ce mercredi 11 décembre, le projet de loi spéciale sera examiné à l’Assemblée nationale à partir du 16 décembre et au Sénat en milieu de semaine prochaine. Cet après-midi, les ministres démissionnaires de l’Economie et du budget ont été entendus à ce sujet par les sénateurs. « La Constitution prévoit des formules pour enjamber la fin d’année », s’est réjoui le président de la commission des Finances du Palais du Luxembourg à la sortie de l’audition.