Socialists received at the elysee

Nouveau gouvernement : entre gauche, droite et bloc central, à chacun ses lignes rouges

La réunion à l’Elysée n’a pas abouti sur un accord. Mais avec des lignes rouges qui peuvent paraître très éloignées, la sortie de crise semble encore lointaine. Un début de rapprochement émerge cependant sur la méthode, autour du non-recours au 49.3.
François Vignal

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Près d’une semaine après la chute du gouvernement Barnier, trouver une sortie de crise est-il mission impossible ? Alors qu’Emmanuel Macron a réuni en conclave à l’Elysée tous les responsables politiques des partis prêts à discuter d’un éventuel pacte de non-censure, à l’exception du RN et de LFI, chacun ou presque y va de sa « ligne rouge ». Un député Renaissance s’amuse (à moitié) de la situation, qu’il compare « aux faisceaux de lasers qui entourent une œuvre d’art. S’il y a trop de lignes rouges, ce n’est pas possible ». Sauf à avoir dans la salle un Tom Cruise de la politique. A moins qu’on soit plus proche en ce moment de la Septième compagnie.

  • Au PS, un premier ministre de gauche et « un véritable changement de cap politique »

A gauche, on est entré dans la négo en mettant la barre haute. Le PS veut qu’Emmanuel Macron « reconnaisse la réalité du scrutin du 7 juillet », explique un responsable socialiste, et nomme un premier ministre de gauche, qui part du programme du Nouveau Front Populaire (NFP) pour trouver des compromis au Parlement. Ils veulent aussi s’engager à ne pas utiliser le 49.3. Des exigences que le PS a couchées sur papier, lundi soir, dans une lettre adressée au chef de l’Etat, et rappelées à la sortie de la réunion.

Vendredi, le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, s’était pourtant montré plus ouvert, se disant prêt à des « négociations », évoquant la recherche de financement sur les retraites et un gel de la réforme, plutôt que l’abrogation. « On est ouvert, on sait discuter, on sait faire. On a déjà dirigé le pays. Il faut trouver des compromis en respectant le rôle du Parlement », avance l’eurodéputé PS Pierre Jouvet, secrétaire général du parti. Mais discuter, à condition d’avoir une personnalité de gauche à Matignon. Ce qui semble loin d’être l’option choisie par le Président, qui penche plus à droite ou au centre droit.

Plan B : le pacte de non-censure. Mais dans sa lettre, le PS « conditionne l’hypothèse d’une non-censure » à « un véritable changement de cap politique, qui tienne compte des chantiers prioritaires portés par le NFP », comme « les retraites, le pouvoir d’achat, la justice fiscale, la préservation de nos services publics » ou encore « le logement, la santé, l’éducation, la sécurité ». Beaucoup de sujets, qui ne sont peut-être pas pour autant toutes des lignes rouges. Mais le PS attend des signes. « Il faut que le camp présidentiel soit en capacité et en mesure de faire des pas, des compromis. Nous, on ne voit pas ce vers quoi le camp présidentiel fait des compromis », constatait à la mi-journée le secrétaire général du PS.

Un point revient chez les socialistes interrogés : le refus d’une nouvelle loi immigration, que veut porter le ministre de l’Intérieur démissionnaire, Bruno Retailleau. « On ne souhaite pas de texte immigration », soutient Pierre Jouvet. « Je pense que Bruno Retailleau a déjà fait son deuil du texte immigration », pense même la sénatrice PS Frédérique Espagnac. Mais si tel était le cas, le secrétaire général du PS prévient : « Un pacte de non-censure simplement sur l’absence de texte immigration, évidemment, ce n’est pas suffisant ».

  • Pour les LR, « pas de LFI au gouvernement et pas de programme du NFP »

A la sortie de la réunion à l’Elysée, Laurent Wauquiez a répété la ligne, qu’il avait déjà donnée vendredi dernier. L’objectif des LR est d’« éviter que ce soit les semeurs de chaos qui fassent tomber le gouvernement tous les trois mois », avec « une seule ligne rouge : pas de LFI au gouvernement et pas de programme du NFP, qui est un programme de régularisation de l’immigration, d’augmentation des impôts, qui est un programme de laxisme en matière de sécurité ». En revanche, « il n’y aura pas de discussion de contrat de gouvernement avec des gens qui ne partagent pas les mêmes valeurs », autrement dit la gauche.

Alors que la gauche refuse tout texte immigration, c’est un refus du côté des sénateurs LR. « Ça risque de grincer des dents », « ce n’est pas acceptable pour nous », prévient le sénateur Stéphane Le Rudulier. « Dans ces conditions, il ne pourra pas y avoir de participation de Bruno Retailleau », pense Philippe Tabarot. « Ce n’est pas possible, les Français attendent ça », ajoute Valérie Boyer, sénatrice LR des Bouches-du-Rhône.

  • Pour les écologistes, un premier ministre de gauche et « des lignes vertes »

Comme le PS, les écologistes souhaitent « qu’Emmanuel Macron nomme un premier ministre de gauche », rappelle à la sortie de la réunion à l’Elysée Guillaume Gontard, président du groupe écologiste du Sénat.

« On a posé un geste fort, si nous étions nommés, […] nous nous sommes engagés à ne pas utiliser le 49.3. C’est un exercice de reconnaissance de la démocratie parlementaire. […] Quelques personnalités, pas de notre camp politique, ont pu trouver cela intéressant. Cela doit infuser », soutient Marine Tondelier, patronne du parti Les Ecologistes.

Plutôt que des lignes rouges, la responsable écologiste met sur la table ses « lignes vertes », qui seraient dans l’idéal « l’abrogation de la réforme des retraites, des mesures fortes sur le climat, sur les violences sexistes et sexuelles, des mesures contre la concentration des médias et une importante, c’est la justice fiscale », a précisé Marine Tondelier mardi matin sur LCI.

  • Au bloc central, pas de ligne rouge exprimée mais Emmanuel Macron prêt à « une méthode de travail différente » avec « des majorités au cas par cas »

Et quid du bloc central ? Les responsables de Renaissance, Horizons ou du Modem ne sont pas venus parler à la presse à la sortie de la réunion. La gauche pointe l’absence de pas en avant de leur part.

On sait au moins que Renaissance ne veut pas d’une réduction des allègements de charge pour les entreprises, qui était prévue dans le budget de Michel Barnier. Ils ont bataillé pour défendre ce qu’ils considèrent comme un marqueur de la politique de l’offre menée depuis 2017, avec le refus de trop de hausse d’impôts.

Si un accord de non-censure pouvait malgré tout ressortir des discussions, quelques sujets sont mis sur la table : le budget bien sûr, mais aussi la fin de vie, la transposition du pacte asile et immigration, la loi agricole. « Là-dessus, on peut s’entendre pour voter cela, sans qu’il y ait de censure », pensait en fin de semaine dernière un responsable du bloc.

Ce mardi, « on n’a pas évoqué les lignes rouges – Gabriel Attal n’en a pas parlé – même si elles sont toujours sous-entendues », confirme un des membres du bloc, présent à la réunion, qui soutient qu’« il y a un consensus pour ne pas laisser la main au RN ».

« Il y avait presque un consensus sur le fait de dire qu’on s’engage tous à ce qu’il y ait ni 49.3, ni vote de censure », explique cette même source, à l’exception d’« Edouard Philippe, qui dit qu’il ne faut pas se priver de l’outil du 49.3 ».

S’il n’y aura pas de gouvernement d’union nationale, Emmanuel Macron a relevé, rapporte un participant du bloc central, « que le changement par cette réunion, c’est qu’il y a plusieurs forces politiques qui ont ouvert le jeu. On a réfléchi aux voies et moyens pour ne pas recourir à la censure », a affirmé le chef de l’Etat, selon des propos rapportés. Et d’ajouter : « Nous sommes dans un fait politique nouveau ». « Je demanderai à le ou la premier(e) ministre d’engager des textes » avec « des majorités au cas par cas, en n’engageant pas le 49.3. C’est donc une méthode de travail différente », a affirmé Emmanuel Macron, selon ce participant. Si ce ne sont pas des lignes rouges, c’est au moins une méthode.

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