Quelques minutes après la nomination du nouveau gouvernement, les critiques se sont multipliées dans les rangs des oppositions pour dénoncer la reconduction d’une douzaine de ministres, malgré les appels à la rupture. « Ils perdent les élections mais ils gouvernent. Ils n’ont pas de majorité mais refusent les compromis. Ils se font renverser mais restent en poste. À quoi jouent les macronistes ? Leur obstination plonge chaque jour un peu plus le pays dans le chaos », a commenté sur X Boris Vallaud, le chef de file des députés socialistes. Même consternation du côté de Patrick Kanner, son homologue du Sénat, qui cite la célèbre phrase du Guépard de Lampedusa : « Il faut que tout change pour que rien ne change », soupire-t-il.
Moins littéraire, la réaction du sénateur communiste Ian Brossat, candidat à la mairie de Paris : « Comment osent-ils prendre à ce point les Français pour des cons ? Écœurement absolu. Ils sont battus, honnis, vomis, et ils continuent… Que la gauche se retrousse les manches et prépare la suite. Basta ! », a-t-il posté sur son compte X. « Tout ça pour ça ? Le gouvernement Lecornu est un cortège de revenants à 80 % de LR et anciens LR embauchés pour continuer une politique qui a provoqué tant de souffrance populaire et de dégâts écologiques », déplore Jean-Luc Mélenchon, le fondateur de La France insoumise.
À l’extrême droite, Jordan Bardella, le président du Rassemblement national raille « les derniers macronistes agrippés au radeau de la Méduse. » « Nous l’avions dit clairement au Premier ministre : c’est la rupture, ou la censure », tonne l’eurodéputé.
La nomination de Bruno Le Maire, surprise de dernière minute
Mais c’est surtout la nomination au ministère des Armées de Bruno Le Maire, patron de Bercy pendant sept ans, qui a concentré les critiques des oppositions contre le gouvernement de Sébastien Lecornu. « Le choix de ce gouvernement à l’identique, assaisonné de l’homme qui a mis la France en faillite est pathétique. Les bras nous en tombent… », a réagi Marine Le Pen.
Le choix de l’ex-ministre de l’Economie (2017-2024) est la principale surprise d’une équipe qui compte essentiellement des reconductions. Après avoir « totalement exclu » d’entrer au gouvernement il y a seulement quinze jours, Bruno Le Maire a justifié son revirement par « les circonstances exceptionnelles que traverse la France ». « Je viens pour servir les Français. Je viens pour servir nos soldats », a-t-il déclaré sur le réseau X dimanche soir.
Selon une source au fait des tractations, il a été approché une première fois par le secrétaire général de l’Elysée Emmanuel Moulin, qui l’a contacté à deux reprises vendredi, puis par le Premier ministre samedi et par le président Emmanuel Macron dimanche. Après avoir réitéré son refus, il a finalement accepté le poste-clé en temps de « réarmement » du pays.
« La prime à l’incompétence »
Mais les opposants, qui le considèrent comme l’un des responsables du dérapage budgétaire de la France, ont aussitôt attaqué cette nomination. Éric Ciotti a déploré « le retour de l’homme aux 1 000 milliards de dette «, estimant que » ce gouvernement est un bras d’honneur aux Français ».
A gauche, Patrick Kanner a ironisé sur le retour du « Mozart de la finance qui a ruiné notre pays », tandis que la patronne des Ecologistes, Marine Tondelier, a dénoncé « la prime à l’incompétence ». « Cela pourrait faire sourire si ce n’était pas gravissime », réagit Guillaume Gontard, le président du groupe écologiste, auprès de Public Sénat. « Nous sommes sur des marqueurs. Bruno Le Maire est comptable de la situation financière du pays. Son bilan, c’est 3 000 milliards de dettes ! », pointe-t-il.
Son nom a également mis le feu aux poudres chez les LR, qui avaient fini par accepter de rester au gouvernement et qui pourraient désormais revenir sur leur position, comme nous vous l’expliquons dans cet article.
Du côté du bloc central, François Patriat, chef de file des sénateurs macronistes, hausse la voix pour défendre l’ancien locataire de Bercy : « Les LR lui en veulent parce qu’ils le considèrent comme un traître, mais le procès qui lui est fait est très injuste. Pendant le covid-19 et la crise de l’inflation, l’argent qui a été dépensé, a été dépensé pour répondre aux besoins des Français », souligne ce proche d’Emmanuel Macron qui appelle la droite et les oppositions « à sortir du bal des ego et des agendas politiques ».
(avec AFP)