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Nouveau gouvernement : Les Républicains tiraillés entre « rupture » et maintien au pouvoir

Dans l’expectative en attendant la fin des consultations de Sébastien Lecornu, Les Républicains voudraient prolonger leur bail au gouvernement et ont posé leurs conditions. Des conditions pour la plupart antinomiques avec celles des socialistes actuellement au centre de l’attention du Premier ministre. De quoi apporter de l’eau au moulin de Laurent Wauquiez qui entend toujours être l’incarnation de la « rupture » avec le pouvoir macroniste.
Simon Barbarit

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Plus d’une semaine a passé depuis la chute du gouvernement de François Bayrou et le dilemme de la droite n’est toujours pas résolu. Rester ou partir de l’exécutif ? « That is the question », s’interrogeait Bruno Retailleau au congrès de LR à Port-Marly la veille du vote de confiance. Le retour dans « l’action politique » il y a un an, a offert au parti une visibilité inespérée à laquelle les 7 ministres LR sortants ont pris goût.

Mais d’un autre côté n’est-il pas temps pour la droite de prendre ses distances vis-à-vis du bilan politique d’Emmanuel Macron, à moins de deux ans de la présidentielle ? C’était l’argument de campagne par Laurent Wauquiez pour la présidence du parti, de crainte de voir la droite se « dissoudre dans le macronisme ». Les évènements sont-ils en train de lui donner raison ? Car depuis son entrée en fonction, Sébastien Lecornu regarde plutôt du côté du PS et de l’opinion en annonçant la fin des avantages accordés aux anciens membres du gouvernement ou encore le retrait de la proposition de supprimer les deux jours fériés.

« Magouille politique »

« La seule voie de passage de Sébastien Lecornu pour faire passer un budget, c’est un accord de non-censure avec les socialistes. L’enjeu maintenant, c’est de savoir dans quelle mesure il sera acceptable pour la droite », résume une source du groupe LR de l’Assemblée.

Sur BFMTV-RMC, Bruno Retailleau a mis en garde. Il quittera Beauvau si « on s’embourbe dans la magouille politique ». Echaudés par la gouvernance de François Bayrou, les élus LR avaient, dès le lendemain du vote de confiance, rappelé les marqueurs sur lesquels ils ne pourront pas transiger, tels que le redressement des comptes publics, le durcissement des politiques d’immigration et de sécurité ou encore la lutte contre l’assistanat.

Jean-Didier Berger, député Les Républicains des Hauts-de-Seine n’attend plus de la part de Sébastien Lecornu que de simples déclarations d’intention. « Il ne suffit pas de dire, comme François Bayrou qu’on est favorable à toutes nos idées, si aucun projet de loi n’est déposé pour les réaliser. Nous n’avons pas choisi le timing pour rentrer au gouvernement. Nous l’avons fait l’année dernière par souci de l’intérêt général. Ce n’est pas le cas du RN qui a fait danser Michel Barnier avant de le censurer, qui n’a pas voté la confiance de François Bayrou et qui maintenant annonce une censure dans quelques semaines de Sébastien Lecornu. En faisant ça, ce sont eux qui donnent les clés au PS, et leurs propositions délirantes comme la suspension de la réforme des retraites, ce n’est pas nous ».

Pas de concession sur la réforme des retraites

Mais au fil des jours, les pistes de concessions commencent, néanmoins à poindre dans les rangs de la droite. L’ancien député et secrétaire général adjoint des Républicains, Pierre-Henri Dumont s’est même carrément prononcé en faveur d’une suspension de la réforme des retraites, immédiatement désavoué par la présidence du parti. « Non, ça ne fait pas partie des concessions possibles », tranche l’entourage de Bruno Retailleau qui rappelle la position iconoclaste de l’ancien député lors de l’examen de la réforme en 2023.

« Cette réforme a été difficile. J’ai présidé les débats ici, j’en sais quelque chose. Si on dit qu’on suspend, on va avoir des mois de débats, des mois à accumuler de la dette […] Si on touche à ça, on remet en cause tout ce qui a été fait comme efforts depuis 10 ans et c’est la débâcle financière », a balayé mardi sur Public Sénat, Roger Karoutchi sénateur LR des Hauts de Seine.

Même son de cloche du côté du groupe à l’Assemblée. « Pas question chez LR, ultra majoritairement, de toucher à la réforme des retraites. Ce serait un non-sens démographique et économique », confirme le député de la Manche, Philippe Gosselin qui consent toutefois à avancer sur l’amélioration des retraites des femmes et la prise en charge de la pénibilité.

Taxe Zucman : « Une usine à gaz populiste et confiscatoire »

Le chemin d’un accord avec les différentes forces politiques le plus évident pourrait se concentrer sur la fiscalité des plus riches. La proposition d’une taxe Zucman de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros a reçu le plébiscite des Français interrogés dans un sondage IFOP, commandé par le PS. 89 % des sympathisants LR, 92 % des sympathisants Renaissance et 75 % de ceux du RN y sont favorables.

A droite, il n’est pourtant pas question de soutenir cette taxe sous cette forme. « C’est une usine à gaz populiste et confiscatoire. On ne taxerait pas uniquement le patrimoine personnel mais aussi professionnel. Ce serait un non-sens économique car des entreprises devraient vendre pour s’acquitter de cette taxe. Ceci étant dit, il y a sans doute un effort à faire pour demander aux hauts patrimoines », reconnaît Philippe Gosselin.

« Au-delà de tous les clivages, il y a une distorsion qui apparaît aberrante pour les Français, entre les salaires et la rémunération des grands patrons. La droite n’a jamais été très inventive pour y remédier notamment dans la lutte contre les systèmes d’optimisation », admet aussi l’entourage du président de LR.

Quant au régalien, la droite a fait une croix sur son grand projet de loi immigration. « On n’aura pas la majorité pour la faire passer. La dernière, les macronistes l’avaient votée car ils savaient que des dispositions allaient être censurées. La lutte contre l’immigration, c’est l’impensé du macronisme », regrette notre source citée plus haut. Les Républicains aimeraient toutefois revenir à la charge sur l’allongement de la durée de rétention administrative à 210 jours pour les étrangers condamnés pour des faits d’une particulière gravité, après la censure de la proposition de loi par le Conseil constitutionnel, cet été.

Laurent Wauquiez « n’a aucun intérêt à entrer au gouvernement »

Laurent Wauquiez s’est lui empressé de faire savoir qu’il avait signé la pétition controversée de Philippe de Villiers en faveur d’un référendum sur l’immigration, pourtant impossible en l’état actuel de la Constitution (lire notre article). Encore une illustration de sa volonté de tracer son sillon dans la perspective de la présidentielle pour celui qui après avoir été hostile à une primaire, s’est montré, récemment, favorable « à un mode de sélection » d’un candidat de la droite élargie allant de Gérald Darmanin à Sarah Knafo.

Plus ou moins souhaitée dans les rangs de Bruno Retailleau il y a encore une semaine, la perspective de voir Laurent Wauquiez intégrer le prochain gouvernement semble s’éloigner. « Ce n’est pas nous qui décidons, mais ça permettrait d’être dans le même bateau et de parler d’une seule voix », appuie ce proche du ministre.

Pour le sénateur, Laurent Duplomb, proche de Laurent Wauquiez, le patron des députés de droite « n’a aucun intérêt à entrer au gouvernement. Jusqu’à présent il est resté sur sa ligne et il a bien fait ». « Quand nous sommes entrés au gouvernement l’année dernière, nous étions une vraie force de proposition et Bruno Retailleau et les autres ministres ont fait du bon travail. Mais nous ne sommes plus dans le cas de figure. Si rentrer au gouvernement, ça veut dire se renier, baisser la tête devant la gauche, et détricoter ce qu’on a voté comme certains comptent le faire avec ma loi, c’est hors de question », s’agace l’auteur du texte qui a rassemblé 2 millions de signatures contre elle, cet été, dans une pétition postée par l’Assemblée nationale.

« Ma conviction, c’est que l’avenir de la droite, ce n’est pas d’être la béquille du macronisme, mais d’incarner un projet de rupture », avait professé, en mai, Laurent Wauquiez lors d’une rencontre avec les adhérents en pleine campagne interne à la présidence du parti. Un point sur lequel il n’a, pour le moment, pas changé d’avis.

 

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