Nouveau plongeon de l’activité en avril : « La reprise va être très lente » redoute un sénateur

Nouveau plongeon de l’activité en avril : « La reprise va être très lente » redoute un sénateur

La Banque de France a livré ses dernières estimations pour l’évolution de l’activité économique en avril. Les chiffres restent catastrophiques, même s’ils s’améliorent légèrement. Au Sénat, certains redoutent des difficultés persistantes durant de longs mois, malgré le déconfinement.
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L’économie française a déjà été rudement sonnée par le mois de mars. Elle n’a guère connu d’amélioration notable en avril, à nombre de jours de confinement comparables. La nouvelle enquête mensuelle de conjoncture de la Banque de France estime le plongeon de l’activité à 27 % en avril, contre 32 % pour la deuxième quinzaine de mars, avec des disparités. La tendance s’est renversée dans l’industrie, qui s’est adaptée. En moyenne, la Banque de France estime le taux d’ouverture des sites de production à 75 % (contre 50 % fin mars). En revanche, la baisse d’activité des services aux ménages reste aussi forte en avril que dans la deuxième moitié de mars.

À la commission des Affaires économiques du Sénat, cette enquête menée auprès de chefs d’entreprise est accueillie avec gravité, et avec toutes les précautions face à l’incertitude des prochains mois. « Il y a un petit frémissement sur le mois d’avril, et c’est tant mieux, dû au rebond des entreprises. Maintenant, ça ne nous dit pas grand-chose pour l’avenir », observe Élisabeth Lamure, sénatrice LR qui préside la délégation aux entreprises. « La reprise va être très lente. Un retour à l’activité antérieure sera long. Cela prendra des semaines, peut-être des mois », redoute Serge Babary (LR), l’un des sénateurs de la cellule de veille sur les PME, le commerce et l’artisanat.

Des conséquences à retardement dans les mois à venir

Le confinement achevé, certains redoutent que les prochains mois apportent leur cortège de mauvaises nouvelles, sur le front des défaillances économiques. « On a entendu des représentants d’entreprise, des mandataires judiciaires, des experts-comptables, nous dire que l’on sentira peut-être le contrecoup de la crise, d’une manière décalée, plutôt à la fin de l’été », témoigne la sénatrice Élisabeth Lamure. À l’heure actuelle, nombre d’entreprises sont sous perfusion, grâce aux mesures d’urgence proposées par le gouvernement. Mais qu’en sera-t-il lorsque les dispositifs prendront fin ? L’incertitude domine.

Une décision est venue toutefois apporter aujourd’hui un bol d’optimisme au palais du Luxembourg. Dans les plus de 31 000 communes (sur 35 000) où le conseil municipal a été désigné par les urnes dès le 15 mars, les élus vont enfin être installés officiellement, le 18 mai, et pouvoir choisir leur maire dans les jours suivants. Édouard Philippe en a fait l’annonce devant les députés. De quoi en finir avec un attentisme ambiant, ce qui permettra de relancer les investissements publics, indispensables pour le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP). Rappelons qu’un bon tiers de l’activité du BTP est lié aux commandes publiques des collecticités locales, dont l'essentiel est réalisé par les communes et les intercommunalités.

Des appels d’offres à l’arrêt dans les communes

Beaucoup d’édiles maintenus par la force des choses, n’ont en effet pas souhaité prendre de décisions, n’ayant pas la légitimité pour le faire. « Certains l’ont fait, d’autres un peu plus timidement. Mais on sait bien que les investissements ne sont pas là », pointe Élisabeth Lamure. Le télétravail dans chaque municipalité n’a pas arrangé les choses. « Il n’y a pas dans les communes la dynamique que l’on connaît habituellement. Tous les services ne sont pas opérationnels. »

L’installation des conseils municipaux désignés dès le premier tour ne réglera pas toutes les situations pour autant. « Dans les EPCI (Établissements publics de coopération intercommunale) et les communautés de communes, il faut que tous les conseils municipaux soient élus pour pouvoir mettre en route les commandes », souligne Serge Babary. Cette longue transition entre les anciennes et les nouvelles équipes risque de laisser des cicatrices pour longtemps dans certaines entreprises des travaux publics. « Le blocage du côté de la commande publique va avoir des répercussions dans six mois. Les travaux, qui étaient à l’arrêt, vont les occuper quelques mois. Mais à terme, il y aura un trou, à cause des appels d’offres qui n’auront pas été lancés », relève le sénateur de l’Indre-et-Loire.

Des craintes sur la trésorerie à sec des entreprises

Concernant la situation financière des entreprises, le tableau est toujours inquiétant. Dans les services, les entrepreneurs jugent que leur trésorerie s’est encore dégradée en avril. Idem dans l’industrie, mais le recul demeure inchangé par rapport à mars, selon la Banque de France. « Les entreprises sont exsangues. Pour relancer l’activité, il faut des moyens qu’elles n’ont plus. Même avec des aides mises en place par l’État, les petites entreprises n’ont pas de réserve. Le Fonds de solidarité a aidé les commerçants eux-mêmes, 1 500 euros c’était pour compenser leurs revenus. Mais leurs entreprises se sont appauvries », souligne Serge Babary.

Si certains sénateurs estiment que la question des délais de paiement s’est résorbée en partie, Martial Bourquin constate encore des relations difficiles entre des grands groupes et leurs sous-traitants. « L’exemple le plus catastrophique, c’est General Electric France qui écrit à ses sous-traitants pour leur demander de réduire de 20 % leurs prix. Ce comportement prédateur qui vise à régler ses problèmes sur le dos des sous-traitants, c’est inadmissible », s’indigne le socialiste.

Élisabeth Lamure s’inquiète quant à elle de nouveaux risques identifiés sur la vulnérabilité, qui pourrait se propager tels une contagion. « Il y a une inquiétude par rapport au crédit interentreprises. Quand on voit monter la probabilité de défaillances d’entreprise, on est un peu inquiet. Les assureurs crédit ne pourront pas rembourser à la hauteur. Qui va faire la soudure ? C’est un vrai souci. »

Quelles perspectives pour l’avenir ?

Au chevet de l’industrie, le sénateur socialiste Martial Bourquin estime qu’il sera « très important » de « soutenir la demande », notamment dans des secteurs comme l’automobile ou l’aéronaval, qui ont subi des baisses historiques de leurs commandes. « Il y a grand besoin que le gouvernement infléchisse complètement sa politique sur le social […] La vraie relance, ce sera aussi la relance par la consommation. Il faut aborder la question des inégalités sociales », insiste le sénateur du Doubs. Du côté des chefs d’entreprise, il préconise des dispositifs de suramortissement (un mécanisme de déductibilité sur l’impôt sur les sociétés), pour encourager la relocalisation d’activités sur le sol français.

L’inquiétude sur le comportement des consommateurs est aussi partagée à droite. « La clientèle ne va pas se précipiter dans toutes les formes de commerces. L’esprit n’y est pas. Et il y a un problème de pouvoir d’achat. Il ne faut pas oublier que la moitié des salariés du privé sont en chômage partiel : ils n’ont pas la totalité de leurs revenus, et sont tentés d’épargner plutôt que de dépenser. Cet état d’esprit risque de perdurer », anticipe le sénateur Serge Babary.

Selon lui, un plan « bien calibré » de relance devrait voir le jour en septembre. « Bruno Le Maire va sans doute plutôt tabler sur l’offre. Les entreprises en ont besoin, elles ont pris beaucoup de retard vis-à-vis de nos concurrents étrangers. Il ne faut pas perdre des parts de marché », anticipe-t-il.

Quant à Élisabeth Lamure, la sortie de crise dépendra, selon elle, essentiellement du contexte sanitaire, notamment pour l’hôtellerie-restauration et l’évènementiel, qui concentrent une large part de ses inquiétudes. « C’est vraiment lié à ce que dira le Conseil scientifique. Les établissements qui ne peuvent pas rouvrir, les frontières fermées : tout cela ne va pas dans le sens d’une amélioration pour le secteur du tourisme [...] Certains ne pourront pas rouvrir », redoute-t-elle.

Le gouverneur de la Banque de France préconisait une « action sélective » pour aider certaines entreprises, lors de la phase de redémarrage de l’économie. Mais aussi une action « patiente ». Une manière de souligner que les difficultés risquent de perdurer un moment.

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