Marseille: The 80th congress of the socialist party
Olivier Faure, Johanna Rolland et Nicolas Mayer-Rossignol, en janvier 2023. Crédit : Alain ROBERT/SIPA

Congrès du PS : Victoire d’Olivier Faure d’une courte tête, Nicolas Mayer-Rossignol reconnaît sa défaite, après une nuit mouvementée

Après le vote des adhérents, Olivier Faure conserve son siège de premier secrétaire du PS. Mais la confusion était de mise cette nuit, entre le camp du premier secrétaire sortant, qui affirmait qu’Olivier Faure avait gagné avec « un écart irrattrapable », et celui de Nicolas Mayer Rossignol, qui a convoqué en pleine nuit une conférence de presse pour annoncer un « score à 50/50 »… Les deux hommes se sont finalement parlé dans la nuit. Le maire de Rouen a reconnu sa défaite. Récit d’une folle nuit socialiste.
François Vignal

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Comme une impression de déjà-vu. Les socialistes auraient pu espérer un vote clair et sans accroc. Mais rien n’est jamais simple pour un congrès du PS. Et les socialistes ont semblé à nouveau au bord du précipice, avant que la raison ne l’emporte et Olivier Faure avec.

C’est d’abord l’incertitude et une bataille de chiffres qui s’est dégagée, après le vote des adhérents PS, jeudi 5 juin, sur les deux textes d’orientation arrivés en tête du premier tour, afin d’élire leur premier secrétaire. Les militants devaient départager le numéro 1 sortant, Olivier Faure, de son adversaire, le maire de Rouen, Nicolas Mayer Rossignol. Ils ont un nouveau psychodrame.

Dans la nuit de jeudi à vendredi, les socialistes nous ont réservé un de ces moments dont eux seuls ont le secret, à coups de résultats officieux, déclarations définitives, bataille de communication et guerre des nerfs. Avec une seule certitude sur le coup : un parti encore, et toujours, divisé.

« Olivier Faure devrait finir proche de 52 % »

Une fois le vote clos, à 22 heures, c’est à l’approche du mi-temps de la nuit que les premiers chiffres circulent. D’abord par fédération. Mais il est 23h40 quand une proche du premier secrétaire textote : « Totalement officieusement, je pense que vu ce qui est déjà remonté, Olivier Faure ne peut plus être rattrapé ». Bref, c’est déjà gagné. Bonne nuit ? Non. Un autre cacique socialiste, du camp de Nicolas Mayer Rossignol, fait alors part de la remontée de son champion dans son département et s’avance : « Pour l’instant, coude à coude ». En face, un autre soutien de la direction insiste et écrit, sans l’ombre d’un doute : « Olivier va gagner ». Il manque alors encore quelques grosses « fédés », comme les Bouches-du-Rhône ou le Nord, mais « normalement, plus possible que la tendance se renverse ». Un pro « NMR » balaie d’un revers de main ces annonces : « Ce sont des éléments de langage de congrès ».

Minuit. Non pas l’heure du crime, mais le moment pour le camp Faure d’enfoncer le clou. « Avec plus de 91 fédérations remontées par nos représentants locaux, correspondant à plus de 94 % des bulletins dépouillés (sur le total des votants du 27 mai), Olivier Faure arrive en tête du scrutin visant à élire le premier secrétaire et, selon nos estimations, cette tendance ne peut désormais plus être inversée », écrit aux journalistes à 00h08 précise son équipe. Une proche du premier secrétaire lâche un score : « On devrait finir proche de 52 % ».

« Un écart de moins d’un point entre Nicolas Mayer Rossignol et Olivier Faure »

Fin du game ? Non. Les socialistes n’étant pas avares en rebondissements, c’est à 00h17 que l’équipe de Nicolas Mayer-Rossignol annonce… une conférence de presse nocturne, en visio, à 00h30, pour journalistes insomniaques. A l’heure dite, apparaissent sur l’écran la maire de Vaulx-en-Velin, Hélène Geoffroy, et l’ex-sénateur David Assouline, pas en pyjama, mais dans sous les néons d’une salle au siège du PS.

S’appliquant à parler d’un ton serein, Hélène Geoffroy commence et annonce la couleur d’emblée : « Les dépouillements et la remontée des résultats ne sont pas achevés. Au moment où nous en sommes, nous sommes au coude à coude dans un score très serré, à 50/50, un écart de moins d’un point entre Nicolas Mayer Rossignol et Olivier Faure, c’est-à-dire moins de 200 voix et des fédérations où on attend les résultats, plus des contestations. C’est un grand classique ». Et voilà les socialistes repartis pour un tour de division.

« On est dans la marge d’erreur »

« On est dans la marge d’erreur », embraye David Assouline, qui pointe « le retard » sur la mise en place du vote électronique, qui aurait permis d’éviter ce genre de plaisir. La situation vire au tragicomique, quand l’ancien sénateur raconte qu’« il y a une fédé que je connais où le premier fédéral est parti dormir avec les résultats, il les donnera demain. Ils ont jusque 10 heures pour le faire ». Hélène Geoffroy reprend la parole, et insiste :

 Au moment où nous en sommes, personne ne peut dire qu’il a gagné. On peut dire qu’on est dans un étiage encore plus serré qu’au congrès de Marseille. 

Hélène Geoffroy, maire PS de Vaulx-en-Velin,

Pour rappel, les deux mêmes camps s’étaient alors déchirés, à coups d’accusation de fraude. Il fallut attendre plusieurs jours pour que le nom d’Olivier Faure soit accepté comme premier secrétaire…

« C’est à nouveau un désaveu pour Olivier Faure » et « une remontada » pour Nicolas Mayer Rossignol

« Ce que communique la direction à cette heure n’a rien à voir avec la réalité », prévient David Assouline, qui évoque un écart de « moins de 0,75 » point, soit « moins de 150 voix », et « tout ce qui reste à remonter est supérieur à cet écart ». Il reconnaît cependant que la balance penche pour l’heure légèrement du côté d’Olivier Faure. « On n’est pas en tête. Moi, je suis honnête », lance le socialiste, mais « il n’est pas responsable d’annoncer un résultat », assurant ne « pas (vouloir) revivre Marseille ».

S’ils dénoncent une direction qui crie déjà victoire, les amis de Nicolas Mayer-Rossignol n’en tirent pas moins déjà un enseignement : « C’est à nouveau un désaveu pour Olivier Faure », pointe Hélène Geoffroy, qui salue en revanche « une très belle remontée de Nicolas Mayer Rossignol », surtout après le soutien de Boris Vallaud au premier secrétaire. « Il y a une remontada » assure David Assouline, en amateur de football. Pour y voir plus clair, « on aura besoin de repasser les résultats tranquillement dans la commission de récolement », explique Hélène Geoffroy.

« Ils savent qu’ils ont perdu mais qu’ils espèrent tenter de faire annuler suffisamment de bureaux de vote pour disputer le résultat »

Ladite commission, ce huis clos où tout est épluché, devait se réunir à minuit. Mais la direction ne les a pas contactés, regrette David Assouline. « Il est pour le moins surprenant d’organiser une conférence de presse avant même la tenue de la commission de récolement », réagit de son côté, quelques minutes après, le sénateur Rémi Cardon, l’un des soutiens d’Olivier Faure. Explication du côté de la tête du PS : « On attend de voir si on peut faire un point officiel récolement avec des membres qui sont dans un bon état d’esprit, sinon on ne pourra rien faire de sérieux », confie-t-on à la direction tard dans la nuit. La commission devra se réunir, au pire, en seconde partie de matinée, une fois tous les procès-verbaux remontés.

Après la conférence de presse, un proche d’Olivier Faure contacté y voit avant tout un coup de bluff. « Je pense que côté Nicolas Mayer Rossignol, ils savent qu’ils ont perdu mais qu’ils espèrent, comme à Marseille, tenter de faire annuler suffisamment de bureaux de vote pour disputer le résultat », analyse ce fauriste.

« A cette heure, la victoire d’Olivier Faure ne peut plus être contestée »

A 1h15, l’équipe Faure contrattaque, ou plutôt, persiste et signe, auprès des journalistes. « A cette heure, la victoire d’Olivier Faure ne peut plus être contestée. Les remontées des équipes indiquent qu’il y a un minimum de 386 voix d’écart pour l’heure. Écart qui devrait se creuser encore largement demain en faveur d’Olivier Faure avec la remontée des résultats de Martinique, Guadeloupe et Guyane », soutient le camp du premier secrétaire, qui ajoute encore : « Au regard du nombre d’inscrits dans les fédérations qui n’ont pas encore terminé de voter, cet écart est irrattrapable. Olivier Faure est en tête dans près de 60 fédérations et devrait donc être reconduit au poste de premier secrétaire avec une avance de plus d’un demi-millier de voix attendue ».

Sur le coup de 2h30, un soutien d’Olivier Faure envoie « le résultat brut, sans commission de récolement » (hors 3 DOM TOM, qui seraient favorables au premier secrétaire) : « 51,2 % pour Olivier Faure, 48,8 % pour Nicolas Mayer-Rossignol ». Le même glisse : « Faure/NMR sont en discussion à deux, en ce moment même. Ça s’annonce bien, visiblement ». La nuit va être longue, ou plutôt courte, au PS…

4h00 : le PS annonce la victoire d’Olivier Faure avec 50,9% des voix

Au petit matin, on découvre un communiqué du PS, envoyé en pleine nuit, à 4 heures, et sobrement titré : « Olivier Faure, réélu premier secrétaire du Parti socialiste ». « Dans l’attente des dernières remontées de quelques fédérations (ne pouvant plus inverser le résultat du scrutin), les résultats reconnus par toutes et tous sont les suivants » : « 50,9% » pour le premier secrétaire sortant, contre « 49,1% » pour Nicolas Mayer-Rossignol.

Ce qui change tout, c’est que le maire de Rouen a reconnu dans la nuit avoir perdu, selon plusieurs sources. « Le communiqué de presse a été validé par Nicolas », assure un pro Faure qui soutient que Nicolas Mayer-Rossignol a accepté sa défaite. Ce que nous confirme un poids lourd du courant du maire de Rouen. Finalement Nicolas Mayer-Rossignol lui-même félicite sur X Olivier Faure pour sa victoire, reprenant le communiqué.

Tout s’est joué lors du tête à tête entre les deux hommes. « Ils ont parlé de la suite, de la préparation des municipales, des échéances de 2027 et de la nécessité de rassembler le parti », confie une source proche du premier secrétaire réélu, qui précise qu’« Olivier Faure a proposé que des membres du TOC (le courant de Nicolas Mayer-Rossignol, ndlr) puissent faire partie de la direction, sachant que l’offre avait déjà été faite au TOB de Boris Vallaud la semaine dernière. NMR n’a pas dit non ».

Les résultats définitifs seront ratifiés lors du Congrès de Nancy, du 13 au 15 juin. Il pourrait au final y avoir « plus de 500 voix d’écart », selon un fauriste. Après avoir vu la tension monter très haut, le PS s’évite ainsi de tomber de nouveau dans ses pires travers. Il ne peut plus vraiment se le permettre.

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