People wave Kanak and French flags during the French president speech at Place des Cocotiers in Noumea on July 26, 2023.//04SIPA_Sipa.1217/Credit:Lafargue Raphael/POOL/SIPA/2307261421
Nouvelle-Calédonie : « Ne pas convoquer le Congrès est un signe d’apaisement, mais cela suscite aussi beaucoup d’interrogations »
Le Premier ministre a indiqué que la réforme constitutionnelle sur le corps électoral de Nouvelle-Calédonie, élément déclencheur des violences dans l’archipel, « ne sera pas soumise » au Congrès. Si cette annonce a soulevé la colère de certains membres du camp présidentiel, de nombreux élus, indépendantistes ou loyalistes, saluent la volonté d’apaisement affichée par le nouveau gouvernement.
Entre ces deux déclarations, Michel Barnier a-t-il été recadré par le chef de l’Etat qui ne s’attendait pas à ce que son Premier ministre aille aussi loin sur cet épineux dossier ? Emmanuel Macron avait lui-même annoncé le gel de la réforme mi-juin, sans parler d’abandon stricto sensu. En tout état de cause, la dissolution ne permettait plus au président de la République de convoquer le Parlement pour un Congrès. Sur ce point, il devrait clarifier ses intentions en novembre, lorsqu’il réunira les élus calédoniens.
Quant au report des élections, Nathalie Delattre, la nouvelle ministre chargée des Relations avec le Parlement, a laissé entendre sur Public Sénat que le gouvernement s’appuierait sur la proposition de loi déposée par Patrick Kanner, chef de file des sénateurs socialistes, et qui propose la date du 30 novembre 2025, conformément à un avis du Conseil d’Etat. Ce texte doit être examiné le 23 octobre au Sénat.
« Ne pas convoquer le Congrès est un signe d’apaisement, une volonté d’écoute et d’échange, mais cela suscite aussi beaucoup d’interrogations à d’autres niveaux », explique le sénateur indépendantiste Robert Wienie Xowie. « Le Premier ministre a simplement dit que le Congrès de Versailles ne serait pas convoqué. On prend acte de ça, ce qui ne veut pas dire que le projet de dégel ne va pas reprendre son cours. On attend. L’avenir nous le dira. » Sur le report des élections, en revanche, l’élu est plus mitigé : « C’est un retour à la méthodologie que l’on avait contestée. Nous aurions souhaité, avant chaque prise de parole, que les concernés soient consultés », s’agace-t-il.
« Il était inenvisageable d’organiser des élections provinciales d’ici la fin de l’année. On ne circule pas encore normalement en Nouvelle-Calédonie », tempère son collègue LR Georges Naturel, qui se revendique membre de « la famille loyaliste ». « Mais on ne pourra pas reporter ces élections éternellement, les élus provinciaux auraient déjà dû être renouvelés il y a plus d’un an. Le délai ne peut pas aller au-delà du mois de novembre de l’année prochaine », avertit l’élu.
« Comme programmé il y a deux ans dans le débat sur l’avenir institutionnel de l’île, la question du corps électoral doit faire partie d’un accord global entre les partis politiques », insiste Georges Naturel. « Cela ne s’est pas fait, alors le gouvernement précédent a engagé la réforme. On a vu ce que cela a donné… La volonté du Premier ministre aujourd’hui est de renouer les fils du dialogue pour essayer d’aboutir à cet accord global. »
Accrochage à l’Assemblée
Pourtant, la petite phrase de Michel Barnier sur le Congrès a aussi créé de vifs remous parmi ses soutiens. Le député loyaliste de Nouvelle-Calédonie Nicolas Metzdorf (Ensemble pour la République) a même annoncé qu’il voterait la censure du gouvernement, évoquant « un recul de la démocratie, une honte pour la République ». Mercredi, lors de la séance de questions au gouvernement, plusieurs élus macronistes, parmi lesquels l’ex-ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, ont quitté l’hémicycle du Palais Bourbon, ayant peu apprécié de voir que le locataire de Matignon se donnait la peine de répondre en personne à une interpellation de l’indépendantiste Emmanuel Tjibaou (qui siège avec les communistes), quand Nicolas Metzdorf, quelques minutes plus tôt, avait dû se contenter des explications du ministre chargé des Outre-Mer, François-Noël Buffet.
« Le remous est un statut habituel à l’Assemblée nationale dorénavant. La position du Sénat est plus mesurée, plus sereine », raille le sénateur LR Christian Cambon, membre de la délégation sénatoriale aux Outre-mer. « Cette nouvelle a plutôt été bien accueillie de manière générale », assure-t-il. « Je pense qu’il faut se poser un peu et ne pas se précipiter sur les réformes avant d’avoir pris la mesure des problématiques. » Les parlementaires et les membres du comité interinstitutionnel se félicitent également de la remise en place d’un ministère de plein exercice aux Outre-mer, placé sous la tutelle du Premier ministre, ce qui signifie que le dossier calédonien, piloté jusqu’ici depuis la place Beauvau, repasse dans le giron de Matignon.
Une « mission de concertation et de dialogue » confiée à Gérard Larcher et Yaël Braun-Pivet
Ce mercredi, les membres du comité entendus par la délégation sénatoriale ont alerté sur la gravité de la situation économique de l’archipel. « Cette île est aujourd’hui la plus proche de l’enfer après avoir été la plus proche du paradis », a regretté l’UDI Philippe Gomès, ancien président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. « Si nous ne faisons rien, à l’insurrection politique du début d’année suivra une insurrection sociale », a-t-il alerté.
Les émeutes ont fait 13 morts et au moins 2,2 milliards d’euros de dégâts. 24 000 personnes se sont retrouvées sans emploi, soit 25 % des salariés du secteur privé, faisant ainsi grimper le taux de chômage de 60 % dans l’archipel. La perte des recettes fiscales, des cotisations sociales et des taxes douanières pourrait atteindre les 400 millions d’euros. Dans son discours de politique générale au Sénat, Michel Barnier a promis de nouvelles mesures de soutien aux populations. Pour autant, la reconstruction matérielle et économique ne sera pérenne en Nouvelle-Calédonie que si elle peut s’appuyer sur une base institutionnelle stable.
De ce point de vue, la « mission de concertation et de dialogue » confiée par Michel Barnier aux présidents des deux assemblées, Gérard Larcher et Yaël Braun-Pivet, suscite de nombreuses attentes. « À mon sens, il faut repartir de zéro. 36 ans se sont effondrés d’un coup. Il faut regagner la confiance de part et d’autre », explique la sénatrice LR Micheline Jacques, présidente de la délégation sénatoriale aux Outre-mer. « On se souvient que par le passé, c’est ce genre de mission, avec des gens raisonnables, qui a permis de résoudre les crises. Remettre le Parlement dans le circuit est une très bonne chose », abonde Christian Cambon.
Au Sénat, la droite et une partie de la gauche tombent d’accord sur une chose : la procédure parlementaire permettra à la droite et le centre d’enterrer la suspension de la réforme des retraites. Un fait qui inspire de la sérénité à Claude Malhuret (Horizon) sur la possibilité de réécrire la copie de Sébastien Lecornu, et pousse au contraire Cécile Cukierman (PCF) à enjoindre les députés de gauche à le prendre en compte dans leur vote de la censure ce jeudi.
Avec le non-recours au 49.3, les socialistes ont été entendus par Sébastien Lecornu. Mais ils sont désormais contraints à voter le budget de la Sécurité sociale pour valider la suspension de la réforme des retraites. Un véhicule législatif confirmé par le Premier ministre, ce mercredi. Sans cette arme du parlementarisme rationalisé, les budgets de la Sécurité sociale comme celui de l’Etat seront également amendés par la droite. Ce qui pourrait amener à des copies finales difficiles à assumer pour les socialistes.
Le Premier ministre s'est exprimé devant les sénateurs pour sa déclaration de politique générale. Suspension de la réforme des retraites, décentralisation, budget...Le discours de Sébastien Lecornu était différent de celui prononcé à l'Assemblée la veille. Si l'ambiance était plus calme qu'au Palais Bourbon, l'accueil des sénateurs n'en était pas pour autant très enthousiaste.
« Le scénario économique pour l’année 2026 repose sur une hypothèse optimiste », affirme devant le Sénat Pierre Moscovici, président du Haut conseil des finances publiques. Il doute de la capacité du gouvernement à atteindre ses objectifs, avec un budget dont la copie finale est très incertaine. Seule « bonne nouvelle » : « Un début d’amélioration de nos finances publiques » en 2025, après « le bug majeur de 2024 ».
Le
Le direct
Comment mettre en oeuvre les transitions dans les communes rurales ?
Comment mettre en oeuvre les transitions dans les communes rurales ?