Nouvelle-Calédonie : un débat au Sénat pour sortir de « l’impasse » institutionnelle
En attendant les pourparlers entre loyalistes et indépendantistes qui se tiendront à Paris à la fin du mois, le Sénat, à l’initiative du groupe LR, organisait, ce mardi, un débat sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Quelle que soit la réponse du troisième référendum sur l’indépendance, les élus ne veulent pas que l’avenir du « caillou » se limite « à un choix binaire ».
Les accords de Nouméa arrivent à leur terme et avec eux la nécessité de penser à l’après. Au Sénat, on prend cette mission très à cœur. Après la mise ne place d’une mission spécifique sur la Nouvelle-Calédonie au début de l’année, le groupe Les Républicains a souhaité la tenue d’un débat dans l’hémicycle sur l’avenir institutionnel, politique et économique de la Nouvelle‑Calédonie, en présence du ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu.
« Nous devons regarder les choses en face. 23 ans après les accords de Nouméa, 33 ans après les accords de Matignon, ce processus de pacification, de réconciliation est en train de s’épuiser », a martelé Bruno Retailleau le président du groupe LR, appelant « à écarter ces vieux démons ».
Si pour la première fois depuis l’accord de Nouméa (1998), le FLNKS (Front de libération national kanak socialiste) a obtenu la majorité (six membres sur onze) au sein du gouvernement collégial, aucun compromis n’a été trouvé pour désigner un chef de gouvernement.
Une crise politique qui intervient alors qu’un troisième référendum sur l’indépendance doit se tenir avant octobre 2022. Les 4 novembre 2018 et 4 octobre 2020, les électeurs inscrits sur une « liste électorale spéciale » ont rejeté l’indépendance à 56,7 % puis à 53,3 %. Début avril, les deux groupes indépendantistes au Congrès (l’assemblée délibérante) ont officiellement demandé à l’Etat d’organiser le troisième et dernier référendum de cette décolonisation inédite dans l’histoire de France. Un référendum dont plusieurs sénateurs de la droite et du centre ont clairement indiqué qu’ils n’en voulaient pas, au premier desquels, le sénateur LR de Nouvelle-Calédonie, Pierre Frogier, ancien président du gouvernement de l’île.
« Quel que soit le résultat, nos convictions et celles des indépendantistes ne varieront pas »
« Aujourd’hui nous nous retrouvons dans une impasse […] J’avais la conviction que nous devions faire l’économie de ces référendums mortifères qui ne pouvaient que raviver les tensions, les affrontements. A deux reprises, nous nous sommes retrouvés face à face mais c’est un exercice inutile puisqu’aucun des deux camps ne se soumettra aux convictions de l’autre. Quel que soit le résultat, nos convictions et celles des indépendantistes ne varieront pas », a-t-il estimé.
Après avoir négocié deux accords, le sénateur souhaite désormais « négocier un désaccord ». « Il ne s’agit pas de se séparer mais de s’entendre sur nos divergences afin d’en limiter les effets ». Pour ce faire, Pierre Frogier énonce plusieurs principes : « Avoir notre terre en partage », « réaffirmer la prééminence de la collectivité provinciale. Une référence aux accords de Matignon qui ont conduit au partage du territoire en trois provinces. « Et personne, jusqu’à, aujourd’hui n’a engagé de procès en partition de la Nouvelle-Calédonie », rappelle-t-il.
Chaque assemblée de province serait élue selon son propre régime électoral, le gouvernement collégial serait remplacé par « un collège médiateur composé d’un représentant de l’Etat et des représentants des assemblées de province », propose-t-il.
« Comment peut-on raisonnablement penser que la solution soit le chacun pour soi ? »
Une proposition accueillie très froidement de l’autre côté de l’hémicycle. « Comment peut-on raisonnablement penser que la solution soit le chacun pour soi ? […] La différenciation politique que le sénateur Frogier propose rime avec confédération […] Ce n’est rien d’autre qu’une partition territoriale à laquelle nous ne pouvons pas adhérer […] Une division stricte des territoires avec des fortunes économiques particulièrement déséquilibrées », a dénoncé le président du groupe PS, Patrick Kanner qui souhaite inscrire son groupe « comme garant de l’esprit de Nouméa et de l’héritage Rocard Jospin, en préconisant « la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie dans le cadre d’un partenariat institutionnel de la France, « une formule d’Etats associés ».
« Apartheid géographique »
Opposé au référendum tel qu’il est prévu, le sénateur centriste de Nouvelle-Calédonie, Gérard Poadja milite pour un « nouveau consensus sur un avenir partagé » dans la lignée des accords de Nouméa, ce qu’il appelle « un référendum d’apaisement » afin d’éviter « un apartheid géographique ». Un consensus, qui pour lui, pourrait démarrer dès le 25 mai, à l’occasion des discussions entre le Premier ministre et plusieurs dirigeants calédoniens indépendantistes et non indépendantistes, qui se tiendront jusqu’au 3 juin à Paris.
La présidente du groupe communiste, Éliane Assassi a souligné les inégalités économiques et sociales de l’île et a rappelé que si son groupe était attaché au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, « la préparation de ce dernier référendum ne peut se limiter à la simple réponse binaire, d’un oui ou d’un non à l’indépendance ». Elle appelle le gouvernement à mener une large campagne d’information et de concertation sur les enjeux liés au scrutin.
« Quel que soit le choix du peuple calédonien, il n’effacera pas l’héritage colonial de l’île et son corollaire de divisions, ses inégalités économiques, ni ne réglera la très forte indépendance de l’île à l’extraction du nickel et à ses très graves conséquences écologiques », a soutenu le président du groupe écologiste, Guillaume Gontard qui demande au gouvernement d’apporter des garanties sur le devenir politique de l’île quel que soit le scénario choisi démocratiquement.
En clôture du débat, le ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu a d’abord rappelé que si l’Etat est neutre, le gouvernement lui ne l’est pas, à l’image de Jean Castex mais aussi Emmanuel Macron qui ont déjà indiqué leurs préférences de voir rester la Nouvelle-Calédonie comme collectivité française. Néanmoins, « la parole donnée de l’Etat sur le fait que l’accord de Nouméa doit arriver à son terme ne peut pas être retirée ».
« Nous nous tenons prêts à pouvoir organiser le référendum autant à cette fin d’année 2021 qu’à la fin de 2022 »
Le ministre attend beaucoup de la rencontre de la fin du mois « pour essayer de sortir d’un binaire oui/non ». « Je m’étonne que depuis 25 ans, on ne traite et ne débatte que de quelle question il faut poser au référendum, à qui il faut la poser […] Mais à aucun moment, on a travaillé au oui et au non. Donc, on a laissé dire au oui, un certain nombre de choses, et au non d’autres choses ».
Sébastien Lecornu enverra dans les prochains jours aux formations politiques calédoniennes et au Parlement de métropole, un document « sur les effets intangibles du oui et du non ». « Pour le oui, certains effets seront redoutables et spectaculaires qui pourront entraîner un choc de confiance de l’économie calédonienne », a-t-il prévenu. A partir du 25 mai, date des concertations, un nouveau document sera présenté aux partis politiques calédoniens « sur les implications du oui et du non qui feront l’objet de négociations ».
Plusieurs sénateurs, Bruno Retailleau mais aussi Gérard Poadja, ont demandé à l’exécutif d’accélérer le calendrier du référendum pour un scrutin à la fin de l’année 2021. Là encore, Sébastien Lecornu renvoie aux pourparlers du 25 mai. « Nous nous tenons prêts à pouvoir l’organiser autant à cette fin d’année 2021 qu’à la fin de 2022, ça va beaucoup dépendre des échanges politiques de la fin du mois et à notre capacité d’éclairer le oui et le non » a-t-il expliqué.
Enfin, le ministre s’est engagé à mettre la proposition de Pierre Frogier sur la table des négociations. « Je mettrais sur la table toutes les propositions qui ont fait l’objet d’un travail parce que qui manque dans ce dossier, c’est le travail. Il faut rentrer dans cette épreuve du réel ».
Mise à jour mercredi 5 mai
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