Numérique : « Le vrai sujet, c’est le contrôle démocratique » de ces outils, estime Gilles Babinet
Le numérique fait de plus en plus partie intégrante de notre vie quotidienne, en atteste le développement du télétravail. Formation des élus, des citoyens aux outils numériques, mais aussi passeport vaccinal, le coprésident du Conseil national du numérique était entendu ce jeudi par la délégation sénatoriale à la prospective. Il a donné son avis sur le développement du numérique en France.
Par Joseph Stein
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Un peu d’électronique pour faire redémarrer le tourisme européen. Ce mercredi, la Commission européenne a présenté son projet de passeport vaccinal, afin de permettre à ceux qui ont été vaccinés ou qui ont déjà eu le coronavirus de voyager au sein de l’Union européenne. Ce « certificat vert » existerait sous forme numérique dans les téléphones portables (une version papier est aussi prévue). Une proposition qui montre que le numérique continue de jouer un rôle majeur dans la gestion de la crise due à la pandémie.
Gilles Babinet, coprésident du Conseil national du numérique (CNNum), est convaincu que les technologies numériques vont devenir incontournables et servir à la résolution de la crise. Devant les sénateurs de la délégation à la prospective, il a insisté le 18 mars sur les opportunités qu’offre l’identification électronique.
Puisqu’avec le passeport vaccinal, il s’agit de cela : identifier les personnes immunisées contre le covid-19, et ce de manière électronique si le passeport existe sous forme numérique. L’expert indique qu’au-delà des opérations de sécurité permises par l’identification électronique, cette innovation bénéficiera aux citoyens. « Ils pourront ainsi accéder à des services publics, tout comme à énormément de services additionnels », affirme Gilles Babinet, qui cite l’accès aux transports publics ou la gestion des données de santé.
Sans passeport vaccinal, « vous ne pourrez plus voyager »
Interrogé par les sénateurs sur la faisabilité de transformer l’application du gouvernement « TousAntiCovid » pour l’utiliser comme passeport sanitaire, le coprésident du CNNum explique que cela ne sera pas possible. « « TousAntiCovid » a été conçue pour ne pas identifier les utilisateurs. On partirait plutôt sur un autre service » pour le « certificat vert », détaille Gilles Babinet, dans la mesure où il faudrait être capable de prouver qu’une personne est immunisée face au virus, et donc de l’identifier.
Pour qu’une telle application soit conforme à la réglementation européenne en matière de protection des données, les personnes devront consentir au partage des données sur leur vaccination aux autorités compétentes, sans quoi « vous ne pourrez plus voyager », reconnaît celui qui est aussi « champion du numérique » de la France auprès de la Commission européenne, soit un soutien de la transition numérique au niveau européen.
Toutefois, pour mettre en place ces outils numériques, il faut des contre-pouvoirs. « Le vrai sujet, c’est comment avoir un contrôle démocratique là-dessus, comment faire pour que le ministère de l’Intérieur n’y mette pas son nez », soutient Gilles Babinet, qui se réfère au cas de l’Estonie. Dans ce pays considéré comme une pointure européenne de la transition numérique, le système de démarches administratives en ligne est ainsi construit qu’il avertit les citoyens lorsqu’un fonctionnaire viole leurs données. Ils peuvent alors porter plainte. « Environ 150 fonctionnaires passent devant les tribunaux chaque année pour ce fait-là », déclare l’expert du numérique.
« La CNIL est un facteur de retard du développement de la France »
Autre condition pour une bonne adhésion de la population au numérique : elle doit maîtriser les sujets technologiques. D’après le coprésident du CNNum, il faut former les citoyens, mais aussi leurs élus et les agents de l’administration publique à ces outils. Or face à une crise nécessitant d’agir dans l’urgence, comme en ce moment, les citoyens risquent d’être peu informés et on peut aboutir à ce que Gilles Babinet appelle un « débat minimal » : « On a encore une difficulté au sein de l’Etat à aller chercher les citoyens, à créer un débat longtemps en amont avant un projet de loi. C’est particulièrement clivant sur les sujets technologiques. »
Prenant l’exemple de la mise en place de la 5G, l’expert considère que la critique selon laquelle on ne sait pas à quoi cela sert est légitime. Selon lui, « le débat a lieu a posteriori, il y a une défaillance dans le processus de construction du consensus à ce sujet ».
Pour le « champion du numérique », la France est à la traîne sur le plan numérique. Un des problèmes qu’il relève est la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui s’assure du respect des libertés individuelles par les outils informatiques.
Gilles Babinet dénonce l’autorité administrative indépendante sans détour : « Je pense que c’est une administration qui n’est plus sous contrôle et que le contrôle parlementaire est insuffisant. On le voit avec cette affaire du « Health Data Hub » où ils sont sortis complètement de leur cadre réglementaire et je trouve cela scandaleux. Je trouve que la CNIL est un facteur de retard du développement de ce pays, je l’ai dit à plusieurs reprises. Elle est nécessaire, elle est fondamentalement nécessaire, mais pas sous cette forme. Et je pense que le problème de la CNIL, c’est surtout son personnel administratif, qui n’est pas contrôlé et qui prend systématiquement le parti du principe de précaution absolu. »
Le « Health Data Hub », ou plateforme de données de santé, c’est une infrastructure créée par les pouvoirs publics pour partager des données sanitaires de différentes sources à des fins de recherche. Ces données sont hébergées par Microsoft, dont le siège se trouve aux Etats-Unis. La CNIL, craignant que ces informations puissent être transférées outre-Atlantique sur ordre des autorités américaines, ce qui est contraire au droit européen, a alors demandé et obtenu des garanties du ministère de la Santé visant à supprimer ce risque de transfert des données.
Souveraineté européenne en matière de nuages
En outre, l’expert cible l’organisation administrative française comme autre facteur compliquant la numérisation du pays. « La fonction publique en France est devenue tellement complexe, il y a de très grandes difficultés pour innover. L’Etat s’est verticalisé à outrance », regrette le coprésident du CNNum, pour qui « la grande réforme, ce serait d’instituer des logiques plus transversales ». Il invite à une réforme de l’administration se fondant sur le numérique : « La numérisation, c’est une des façons d’aller contre ça, même s’il faut une intention politique pour dépasser ces crispations extrêmement fortes. »
La France a « abandonné ses territoires, a désindustrialisé (on y consacre maintenant 11 % du PIB) et en plus de ça, on a centralisé », analyse Gilles Babinet, « les gens deviennent fous à la fin. Avec la transition numérique, on a une réelle opportunité pour reconstruire cela. » Il estime d’ailleurs que la transition numérique sera plus facile à mettre en œuvre dans les régions et les départements, où il existe d’après lui « de très grandes opportunités de remise en route économique et d’inclusion éducative et sociétale ».
Le « champion du numérique » appelle enfin à aboutir à une forme de souveraineté européenne concernant les données des entreprises du vieux continent. En effet, les nuages informatiques ou « clouds », dans lesquelles certaines de ces firmes stockent leurs données, sont actuellement souvent fournis par les Gafam, qui sont des entreprises américaines. Un projet européen de clouds et d’infrastructures de données est en cours de construction, il s’appelle Gaia-X.
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