NUPES : entre Mélenchon et Macron, des sénateurs socialistes veulent croire à une troisième voie
Alors que le Conseil national du PS a validé l’accord entre les socialistes et LFI, certains sénateurs socialistes veulent croire que le PS peut encore porter une offre politique sans s’allier, ni à Jean-Luc Mélenchon, ni à Emmanuel Macron.

NUPES : entre Mélenchon et Macron, des sénateurs socialistes veulent croire à une troisième voie

Alors que le Conseil national du PS a validé l’accord entre les socialistes et LFI, certains sénateurs socialistes veulent croire que le PS peut encore porter une offre politique sans s’allier, ni à Jean-Luc Mélenchon, ni à Emmanuel Macron.
Louis Mollier-Sabet

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Tous les socialistes ne partagent pas le même avis sur l’accord qui vient d’être validé par le Conseil national du parti, loin s’en faut. En revanche tous sont d’accord sur une chose : il y aura un avant et un après. D’un côté, la direction actuelle d’Olivier Faure et les négociateurs de l’accord veulent y voir un retour à l’esprit du programme commun des années 1970, qui avait permis la victoire de 1981 et de « changer la vie. » « À force de dire que nous sommes un parti de gouvernement, nous avons pu oublier nos propres racines. Mais Mitterrand, c’était la radicalité, et pourtant nous l’avons fait », s’est ainsi exclamé Olivier Faure au Conseil national ce jeudi soir. De l’autre, Bernard Cazeneuve et son successeur à la mairie de Cherbourg, le sénateur Jean-Michel Houllegatte, quittent le parti socialiste, actant une rupture dans la ligne politique du PS, qui a notamment accepté dans l’accord d’abroger des lois du quinquennat de François Hollande, comme la loi Travail.

« Le socialisme à la française existe »

Sans aller jusqu’à quitter le parti, certains responsables socialistes n’en démordent pas : cet accord est une erreur, et il va falloir que le PS redresse la barre. Si certains se rêvent en héritier de Mitterrand, les socialistes « frondeurs 2.0 » opposés à cet accord se rêvent en « troisième voie », si l’on s’autorise à filer la métaphore de Guerre froide. « On n’a pas besoin de Jean-Luc Mélenchon pour prouver qu’on est de gauche », lâche par exemple la sénatrice des Bouches-du-Rhône, Marie-Arlette Carlotti. « C’est désagréable de nous dire ‘ou vous êtes avec Mélenchon, ou vous êtes avec Macron’, aucun de nous [qui ne soutenons pas l’accord] n’a envie de rejoindre Emmanuel Macron. La social-démocratie est une piste, le socialisme à la française existe, parce que nous ne sommes pas exactement comme les Allemands ou les Portugais. On doit aussi faire rêver, construire un projet, et ce n’est pas en nous mettant à la remorque de Jean-Luc Mélenchon que nous y arriverons. »

De même, Rachid Temal estime « le PS aurait dû avoir sa propre stratégie » et faire une proposition « au Pôle écologiste, aux Radicaux, au PCF », pour au moins « entrer dans la négociation » et regrette que « certains se soient directement tournés vers Jean-Luc Mélenchon. » D’après le sénateur du Val d’Oise, « les adeptes du socialisme doivent rester [dans le parti] pour que l’on construise quelque chose ensemble au sein de la famille socialiste au sens large et philosophique du terme. » Cela devra-t-il se régler dans un congrès, comme le Parti socialiste en a le secret ? « De congrès en congrès, c’est la dégringolade totale », réfute Rachid Temal. « Le cycle d’Epinay est mort, il faut accepter de changer d’outil, comme la SFIO a pu changer. Mais si on commence par le nom et le chef, on aura tort. Je veux m’atteler à travailler sur le socialisme de demain. » Jean-Pierre Sueur, sénateur socialiste du Loiret, semble, lui aussi, vouloir réfléchir à une alternative au sein du Parti socialiste : « Pour le moment, je ne tire pas comme conséquence de quitter le Parti socialiste, je veux y rester pour contribuer à sa reconstruction, sa rénovation et son renouvellement, qui sont nécessaires. »

« Panique existentielle et courte-vue » de la direction du PS

Avant de rentrer dans ce travail de long cours, une question concrète va se poser : les cadres du PS qui refusent l’accord avec LFI vont-ils souvenir des candidatures dissidentes ? La situation de Lamia El-Aaraje est un peu particulière, et le Conseil national du parti a demandé la réévaluation de son cas à l’unanimité hier, mais déjà, des candidatures socialistes dissidentes fleurissent. C’est par exemple le cas de Xavier Perrin, qui était investi dans la circonscription de Saint-Nazaire, et qui se maintient malgré l’accord avec LFI. Il sera d’ailleurs soutenu par le sénateur PS de Loire-Atlantique, Yannick Vaugrenard, qui « regrette » la décision du Conseil national et le comportement « de panique existentielle et de courte-vue » de la direction du PS.

Les prochains jours permettront d’y voir plus clair sur d’éventuelles candidatures socialistes qui se maintiendraient malgré l’accord signé avec les autres partis de gauche, et pourraient fragiliser la position du PS au sein de cette coalition. En outre, la question de l’exclusion des candidats dissidents et de leurs soutiens, pourrait se poser. « On verra bien si l’on m’exclut », répond Patrick Kanner, le président du groupe socialiste au Sénat quand il explique qu’il soutiendra la candidature de Lamia El-Aaraje à Paris. Chiche ?

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