Nupes : les sénateurs de gauche appellent à poursuivre l’union au-delà de l’opposition à la réforme des retraites

Nupes : les sénateurs de gauche appellent à poursuivre l’union au-delà de l’opposition à la réforme des retraites

Malgré un large rejet de la réforme des retraites par les Français, la gauche peine à capitaliser son combat dans les sondages d’opinion. Au Sénat, où les groupes, socialiste, communiste et écologiste ont travaillé main dans la main contre la réforme, l’heure est venue de passer à une nouvelle phase de la Nupes en formant une union sans parti hégémonique pour définir un programme commun. 
Simon Barbarit

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Passer d’une « union contre » à une « union pour », c’est le défi qui attend la gauche dans la perspective de la présidentielle de 2027. La bataille contre la réforme des retraites se dirigera progressivement vers son terme avec la décision du Conseil constitutionnel vendredi 14 avril. En attendant, la Nupes est renvoyée aux affaires courantes avec le spectre de la division. Largement reconduit à la tête du PCF, ce week-end, Fabien Roussel a une nouvelle fois pris ses distances avec la Nupes, qualifiant l’intergroupe de « dépassée ». Appelant à la construction d’un « nouveau front populaire », le leader communiste a tendu la main au centre gauche de Bernard Cazeneuve. « Construire un nouveau Front populaire, c’est construire un programme […] dans le respect de chacun, sans hégémonie de qui que ce soit ».

« Franchement, le cas Quatennens, ça vous montre à quel point cette formation est à part »

Directement visée, la figure tutélaire de la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon a répondu sur Twitter, « C’était pas la peine de se fâcher. Après avoir adopté la révolution citoyenne il y a deux congrès, le PCF adopte la stratégie du Front populaire proposé par les Insoumis il y a trois ans. Et c’est bien la NUPES qui le préfigure », a-t-il estimé.

La réintégration ce lundi d’Adrien Quatennens au groupe LFI de l’Assemblée a braqué un peu plus ses partenaires, déjà échaudés par les invectives répétées des parlementaires Insoumis à l’encontre de l’exécutif lors de l’examen de la réforme. Dans un communiqué, le Parti socialiste insiste sur le fait que le député du Nord ne peut plus faire partie des instances de la Nupes. « Franchement, le cas Quatennens, ça vous montre à quel point cette formation est à part. Jean-Luc Mélenchon persiste dans son idée de vouloir en faire son successeur. Ça vous dit l’influence qu’il conserve sur le groupe de députés LFI », constate un élu socialiste.

« Il va falloir qu‘on aille au-delà de ce sur quoi on est contre »

Au Sénat, où la Nupes n’existe pas, les trois groupes de gauche, socialistes, communistes et écologistes tirent un bilan positif de leur entente lors de l’examen de la réforme des retraites. « Le seul point positif de la réforme, c’est que les trois groupes de gauche n’ont jamais autant travaillé ensemble. Nous avions des contacts réguliers, une tactique et une stratégie commune. Nous n’excluons pas de le refaire pour d’autres textes. Comme la loi immigration si elle revient à l’ordre du jour », explique le patron du groupe PS, Patrick Kanner.

« Oui, on se voyait souvent. On travaillait nos amendements ensemble. On travaillait un peu à la manière de l’unité syndicale. Mais dans la perspective de 2027 et le risque de voir le RN arriver au pouvoir, il va falloir qu‘on aille au-delà de ce sur quoi on est contre et définir un vrai projet de société. La meilleure façon de passer à la phase 2 de la Nupes, c’est de bosser notre projet », estime la sénatrice écologiste, Raymonde Poncet-Monge.

Chez les socialistes, les divisions entre le courant d’Olivier Faure favorable à la Nupes et celui Refondations, le courant de Nicolas Mayer Rossignol, qui dénonce l’hégémonie de LFI au sein de la confédération de partis, ont été réactivées lors d’une législative partielle en Ariège. Le sénateur Rachid Temal, soutien de la candidate anti-Nupes, Hélène Geoffroy au dernier Congrès PS, invite à tourner la page de l’intergroupe. « La Nupes est un accord défensif qui ne valait que pour les législatives. Comme l’a montré l’intersyndicale, on peut très bien travailler sans figure tutélaire et sans parti dominant. La Nupes est marquée Mélenchon qu’on le veuille ou non. L’histoire de la gauche ce n’est pas ça. Les Français préfèrent l’efficacité à la radicalité. En Ariège, Martine Froger a montré qu’elle rassemblait plus largement que la candidate LFI », juge-t-il avant d’ajouter : « Il n’y a pas besoin de créer un machin mais de nous mettre autour de la table très régulièrement pour préparer un programme de gouvernement ».

Et quand il s’agit de savoir qui mettre autour de la table, les positions divergent. « Il faut que Roussel arrête de mettre des coups de canif dans la Nupes en braquant Mélenchon et en faisant un appel du pied à Cazeneuve. C’est un mauvais calcul politicien. Il n’élargit pas, il rétrécit. Parce que pour nous, ce qu’on retient du quinquennat Hollande sur l’écologie, c’est que le compte n’y est pas », tance Raymonde Poncet-Monge.

« LFI doit rester à sa place et ne pas dicter leur conduite aux communistes »

Cathy Apourceau-Poly, sénatrice communiste et soutien de Fabien Roussel, rassure. « L’important, ce sont les idées par les personnes. On porte quand même un projet anticapitaliste, donc l’idée ce n’est pas de s’allier avec n’importe qui. Mais LFI doit rester à sa place et ne pas dicter leur conduite aux communistes qui viennent d’élire à 83 % Fabien Roussel à sa tête. Aujourd’hui, on a atteint les limites de la Nupes. La stratégie de la radicalité de Jean-Luc Mélenchon s’est heurtée un plafond de verre. L’heure est au rassemblement sans hégémonie ».

Pour Patrick Kanner, le péché originel de la Nupes réside dans sa genèse. « C’est un accord électoral réalisé dans un climat de grande pression alors que les socialistes, communistes et écologistes étaient dos du mur. Un accord électoral qui avait vocation à se transformer en accord de gouvernement si Jean-Luc Mélenchon était devenu Premier ministre. Ça n’a rien à voir avec le programme commun de la gauche qui a été élaboré sur plusieurs années dans la dynamique d’une construction commune ».

« Faire des Etats généraux de la gauche pour présenter un programme commun en 2027 »

« Dans un spectre politique divisé en trois blocs, la tendance est plutôt plus de Nupes que moins de Nupes. La Nupes s’est d’ailleurs constituée sur un programme et 600 propositions que ceux qui s’y reconnaissent sont les bienvenues », considère, pour sa part, le président du groupe écologiste du Sénat, Guillaume Gontard. Le sénateur de l’Isère en profite pour prêcher pour sa paroisse. « Pour moi, ce qui peut faire le lien entre tous les partis, la question centrale, c’est l’écologie. On doit avoir cette vision de l’évolution de la société, construire un programme avec la conscience que les ressources, comme l’eau, ne sont pas extensibles, en finir avec cette course à la croissance », plaide-t-il.

« Je pense qu’on est plus ou moins d’accord qu’il faut un acte 2 à la Nupes », constate le sénateur socialiste, Yan Chantrel, soutien d’Olivier Faure au dernier Congrès. « Il faut quand même mettre en avant ce que la Nupes a apporté à l’Assemblée nationale, une unité entre partis qui n’existait pas auparavant. La Nupes s’est créée de manière très accélérée, il faut maintenant l’approfondir avec des propositions communes, faire en quelque sorte des Etats généraux de la gauche pour présenter un programme commun en 2027 car nos électeurs sont très attachés à ce que la gauche soit unie. La montée de l’extrême droite nous oblige. Nous avons une responsabilité collective. A nous d’être à la hauteur ».

 

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