Matignon Olivier Faure et Johanna Rolland

Nupes : que veut dire le « moratoire » décidé par le PS ?

Le Parti socialiste a voté pour un « moratoire sur sa participation aux travaux de la Nupes », suite au refus de Jean-Luc Mélenchon de qualifier le Hamas de terroriste. Si la participation à l’intergroupe de l’Assemblée est « gelée », « on n’a pas voulu jeter le bébé de la Nupes avec l’eau du bain de Mélenchon », explique Laurent Baumel, l’un des responsables du PS. Autrement dit, c’est défendre l’union de la gauche, mais sans la « méthode » de Jean-Luc Mélenchon et de ses proches.
François Vignal

Temps de lecture :

8 min

Publié le

Mis à jour le

Il y a des pauses qui veulent dire fin. A moins que le « moratoire » sur « la participation aux travaux de la Nupes », décidé mardi soir par le Parti socialiste, soit le prélude à un nouveau départ. C’est au bout de la nuit que le conseil national du PS a adopté un texte où le parti prend ses distances sur l’union conclue entre LFI, PS, PCF et EELV, lors des législatives de 2022. C’est le refus de Jean-Luc Mélenchon et de ses amis de qualifier le Hamas de terroriste qui a été le détonateur de cette implosion de la Nupes, déjà mal en point depuis quelques mois.

« Le moratoire ne constitue pas un acte suffisamment fort », regrette Patrick Kanner

Une prise de distance qui n’est pas assez claire, pour les opposants au premier secrétaire, Olivier Faure. « Le moratoire voté hier ne constitue pas un acte suffisamment fort pour dire que ça suffit. Il faut recréer une autre union de gauche. Cette Nupes est une impasse politique », a affirmé ce matin, dans la matinale de Public Sénat, Patrick Kanner, président du groupe PS du Sénat. « Malgré l’ultime tentative de sauvetage par l’actuelle direction du PS de la Nupes, via un bouche-à-bouche désespéré avec cette formule alambiquée de moratoire. La Nupes était dépassée. Elle n’existe plus », a tranché le sénateur PS du Val-d’Oise, Rachid Temal.

Que dit le texte adopté par une majorité du conseil national du PS ? Que « le cadre actuel du rassemblement de la gauche a montré ses limites en matière de fonctionnement démocratique et de méthode de travail collectif. Il convient de construire un nouveau cadre de travail ». « Il n’y a pas de gauches irréconciliables », soutient le texte, qui cherche une certaine mesure. « Il s’agit ainsi de prolonger l’espérance née avec la Nupes en 2022 », mais avec « un nouveau cadre de coopération politique ». Avec à la clef deux chantiers. « Le premier doit porter sur un travail de fond pour trancher nos principaux désaccords ». Le second porte « sur le fonctionnement de la Nupes et de sa coordination politique collective de façon à ce qu’aucun parti ne puisse imposer unilatéralement aux autres sa stratégie ». C’est pourquoi, « dans l’attente de la construction de ce nouveau cadre commun de l’union de la gauche et des écologistes, le Parti socialiste décide d’un moratoire sur sa participation aux travaux de la Nupes ».

« On gèle la participation actuelle à l’intergroupe de l’Assemblée nationale »

Explications de texte avec des membres de la direction. Concrètement, « le moratoire, c’est l’idée qu’on gèle la participation actuelle à l’intergroupe de l’Assemblée nationale, qui est vraiment le seul endroit où la Nupes fonctionne de manière régulière », explique Corinne Narassiguin, secrétaire nationale à la coordination du PS, devenue sénatrice depuis septembre. « On constate qu’on est allé au bout de ce qu’on pouvait faire dans la forme actuelle de la Nupes », ajoute la responsable du Parti socialiste. Mais pour compliquer la lecture des choses, les Insoumis, les écologistes et les communistes se sont pourtant vus hier, lors de la réunion de l’intergroupe…

Pour les socialistes, l’équilibre recherché est de clairement prendre ses distances avec Jean-Luc Mélenchon, que tous les partenaires accusent d’être à l’origine des tensions, sans insulter le principe d’union. « Le moratoire, c’est moins fort que la suspension. Ça permet de mieux articuler l’idée qu’on ne remet pas en cause la volonté unitaire, mais qu’on souhaite des évolutions majeures dans le fonctionnement, pour repartir sur d’autres bases », explique Laurent Baumel, conseiller du premier secrétaire, qui ajoute :

 On a voulu éviter que la presse titre "le PS sort de la Nupes", car ce n’est pas ce qu’on veut. 

Laurent Baumel, conseiller du premier secrétaire du PS.

 

« Il est possible de prendre ses distances très fortes avec Jean-Luc Mélenchon sans pour autant casser l’idée du rassemblement de toute la gauche »

Alors que veut le PS ? « On dit qu’il est possible de prendre ses distances très fortes avec Jean-Luc Mélenchon sans pour autant casser l’idée du rassemblement de toute la gauche. On n’a pas voulu jeter le bébé de la Nupes avec l’eau du bain de Mélenchon », ajoute Laurent Baumel. La France Insoumise traverse elle-même des tensions, et les frondeurs de la ligne Mélenchon, tels François Ruffin ou Clémentine Autain, sont autant d’interlocuteurs avec qui continuer à discuter.

Le responsable du PS reconnaît que le texte « peut être perçu comme pas clair, par tous ceux qui préféreraient une position beaucoup plus tranchée. Mais pour nous, une position plus tranchée aurait signifié de tourner le dos au rassemblement de la gauche ». Mais Laurent Baumel espère qu’on retiendra dans « les chaumières » une seule idée : « Le message, c’est que les chefs de parti, Olivier Faure, Marine Tondelier, reconnaissent que la méthode Mélenchon pose un problème pour la suite ».

Pour le sénateur Rémi Cardon, l’un des porte-paroles du PS, « c’est un moment de coup de frein à main » auquel on assiste. Est-ce quand même la fin de la Nupes ou pas ? Réponse du sénateur de la Somme :

 Je pense qu’il faut une saison 2 de la Nupes, avec peut-être pas tous les acteurs de la saison 1. Il y a peut-être des choses à revoir dans le scénario, sur le fond et la forme.  

Rémi Cardon, sénateur et porte-parole du PS.

« Dans l’idéal, il faudrait que la communication politique ne soit pas unilatérale, quand elle porte sur des sujets sensibles »

La question de la méthode est essentielle pour les socialistes, « notamment sur la façon de faire médiatiquement », souligne le porte-parole. « Dans l’idéal, il faudrait que la communication politique ne soit pas unilatérale, quand elle porte sur des sujets sensibles, qui vont entraîner et impacter l’image globale de la gauche. Qu’il y ait un minimum de concertations et de régulations collectives, sur ce qui va être dit par les uns et les autres. On ne peut pas entrer dans un débat où d’emblée, on est obligé de se distinguer », détaille Laurent Baumel.

Pour la suite, Corinne Narassiguin imagine une union de la gauche « qui doit être plus ouverte que ça. Il faut prendre langue avec tous les partenaires de la Nupes et regarder au-delà qui veut discuter. Car l’union de la gauche doit être en capacité de s’élargir », avec « des mouvements citoyens, des syndicalistes, des associations, des intellectuels. C’est l’idée de l’agora », explique la sénatrice PS de Seine-Saint-Denis. Rémi Cardon évoque aussi l’idée « d’avoir une union de la gauche structurée, par département, avec des coordinations locales ».

La discussion est-elle encore possible avec LFI ?

Reste à voir s’il sera encore possible, après tout ça, de discuter avec la direction de LFI. Ce n’est pas gagné… « Olivier Faure rompt la Nupes pour fait personnel à mon sujet à propos d’Israël/Palestine », lui a reproché hier Jean-Luc Mélenchon.

« Nos propositions s’adressent à eux. Mais je doute que Jean-Luc Mélenchon et sa garde rapprochée accepte une discussion sur le mode de fonctionnement de la Nupes maintenant », admet Laurent Baumel, qui pense que le travail qu’appelle de ses vœux le PS « va plus probablement regrouper un autre périmètre politique, donc configurer une autre Nupes ». Si les Insoumis veulent discuter, « c’est à eux de le dire maintenant, et à Jean-Luc Mélenchon en particulier et quelques-uns autour de lui », ajoute Corinne Narassiguin, qui assure que tous les ponts ne sont pas coupés. « Il y a toujours des échanges entre la direction du parti, avec Pierre Jouvet, et Manuel Bompard côté LFI par exemple. Ce n’est pas comme si on avait arrêté de se parler ».

Un changement de nom ? « On verra. Si une autre configuration peut émerger, peut-être faudra la renommer »

Selon l’évolution des choses, la question d’un changement de nom se posera peut-être. « On verra. Si une autre configuration peut émerger, peut-être faudra la renommer. Mais ce n’est pas l’urgence », soutient Laurent Baumel.

Ce moratoire, on en connaît le début, mais pas la fin. « Ce n’est pas un moratoire de 15 jours, et on avisera. Non. Il faut prendre le temps de faire les choses correctement pour sortir de l’émotion et apporter un travail de fond, sur le long terme, en ayant dans le viseur la candidature commune en 2027 », espère encore Rémi Cardon. Reste un léger détail : si Jean-Luc Mélenchon décide de se lancer de nouveau à la présidentielle, face à un candidat du reste de la gauche unie – et encore, il faudra voir ce que feront les communistes – c’est probablement la défaite assurée pour la gauche. « Si l’autre Nupes se met en place, pas trop tard, mais pas trop tôt non plus, car les gens ne sont pas prêts, ça pèsera politiquement dans le débat », croit Laurent Baumel. Suffisamment pour que Jean-Luc Mélenchon accepte de s’effacer ? On a du mal à l’imaginer aujourd’hui.

Dans la même thématique

Nupes : que veut dire le « moratoire » décidé par le PS ?
2min

Politique

Félicitations de Guillaume Kasbarian à Elon Musk : « Un challenge méprisant et provocateur » à l’endroit des fonctionnaires, dénonce un sénateur socialiste

Au détour d’une question sur l’Education nationale, le sénateur socialiste de Seine-Saint-Denis, Adel Ziane a brocardé le ministre de la fonction publique Guillaume Kasbarian qui a félicité sur le réseau social X, Elon Musk après sa nomination par Donald Trump à la tête d’un ministère de l’« efficacité gouvernementale » pour « démanteler la bureaucratie gouvernementale ».

Le

FRA – ASSEMBLEE – QUESTIONS AU GOUVERNEMENT
3min

Politique

Procès du RN : pourquoi l’avenir politique de Marine Le Pen pourrait être menacé d’une peine d’inéligibilité

À l’heure des réquisitions dans cette affaire de détournement de fonds publics, Marine Le Pen risque jusqu’à dix ans de prison et un million d’euros d’amende. Elle pourrait aussi se voir priver de candidature à la prochaine présidentielle, en raison de la loi Sapin II votée sous François Hollande, et mal prise en compte par la défense, qui impose des peines obligatoires d’inéligibilité pendant cinq ans en cas de condamnation.

Le