FRA: Meeting Nupes contre reforme retraites

Nupes, un an après : « Macron dissout dans la journée si la Nupes éclate » 

Un an après la conclusion de l’alliance électorale entre les quatre principaux partis de gauche, les négociations semblent au point mort. Des logiques partisanes rendent difficile la convergence des intérêts entre les différentes forces de gauche, sur le fond, comme au niveau électoral. En même temps, la Nupes paraît être un acquis solide au niveau parlementaire. Bilan de cette première année.
Louis Mollier-Sabet

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On a connu des anniversaires plus joyeux. Mardi 2 mai au soir, les responsables des quatre forces politiques qui composent la Nupes se sont retrouvés pour préparer « l’acte II » de la Nupes. Et, d’après les échos qui ont fleuri dans la presse ce mercredi – dans Le Parisien ou Le Monde – ils étaient loin de souffler les bougies. Un an après la conclusion de l’accord programmatique et électoral entre les quatre principaux partis de gauche en vue des élections législatives, la « Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale », passée dans le langage commun sous son acronyme « Nupes », l’heure du premier bilan a sonné.

« Si l’on considère que la Nupes est d’abord une alliance électorale, c’est une vraie réussite »

« Tout dépend le but que l’on donne à cette alliance », estime le politologue et professeur en droit public, Benjamin Morel. « Si le but était d’unifier les gauches au sein d’un même logiciel et d’une même formation politique, comme le disent un peu Manuel Bompard ou Sandrine Rousseau ces dernières semaines, avec une adhésion directe à la Nupes, comme jadis à l’UDF pour unifier les chapelles centristes, le bilan apparaît compliqué », analyse-t-il. « En revanche, si l’on considère que la Nupes est d’abord une alliance électorale qui a pour but de maintenir une présence de la gauche dans un espace politique plus vaporeux, c’est une vraie réussite. Si la Nupes éclate, Macron dissout dans la journée : vu le mode de scrutin des législatives, l’union a permis à la gauche de résister alors qu’elle fait moins de voix qu’en 2017 et qu’elle réalise en fait des scores assez faibles », poursuit Benjamin Morel

L’accord électoral a en effet permis d’éponger la démobilisation de l’électorat de gauche entre l’élection présidentielle et les élections législatives, et de garder une présence forte à l’Assemblée dans un contexte défavorable. Mais au-delà de ce fait politique et parlementaire, de nombreuses questions restent ouvertes, et rendent parfois le chemin vers l’union de la gauche sinueux. « Tant qu’on n’aura pas réglé la façon dont la Nupes va évoluer et se préparer à l’élection présidentielle – candidature unique ? Programme sur lequel on s’engage ? – il y a aura des bisbilles, des altercations, des polémiques permanentes. C’est très lié à l’urgence et la façon dans laquelle cet accord a été négocié, sous contrainte. Maintenant que la contrainte se desserre et qu’il y a une autre menace, celle que le RN arrive au pouvoir, on ne peut plus raisonner dans les mêmes termes et sur les mêmes bases », analyse Frédéric Sawicki, professeur de science politique à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne.

« Dans tous les Congrès qui ont eu lieu depuis le mois de novembre, les militants ont plutôt soutenu une ligne d’autonomie par rapport à LFI »

Mais plus fondamentalement, Frédéric Sawicki identifie des causes structurelles de dysfonctionnement de la Nupes : « Le fait qu’au départ il s’agisse d’un accord très largement piloté par LFI et Jean-Luc Mélenchon, très largement au profit de LFI et au détriment des autres composantes. Je pense notamment à la répartition des candidatures aux législatives : LFI se taille la part du lion car grâce au score de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle, ce qui ne reflète pas vraiment les rapports de forces. » D’après lui, ce « déséquilibre » originel explique les « logiques identitaires », d’affirmation vis-à-vis de LFI, dans lesquelles se sont engouffrés les trois autres partis de gauche lors de leurs Congrès de l’hiver 2022-2023. « Dans tous les Congrès qui ont eu lieu depuis le mois de novembre, les militants ont plutôt soutenu une ligne d’autonomie par rapport à LFI, même si, par ailleurs, cela s’exprime de façon plus ou moins brutale », rappelle le chercheur.

Il poursuit : « Donc pris séparément, les différents partenaires de la Nupes ne vont pas forcément être en situation d’accepter la Nupes telle qu’elle existe, d’où tous les débats autour de l’acte II et la question de comment aborder les élections européennes. » Parce que c’est bien ça le cœur du problème pour les différents états-majors politiques qui se sont réunis ce mardi soir : l’organisation militante de l’alliance, et surtout, les prochaines échéances électorales, et, à court terme, les élections européennes de 2024. Manon Aubry, qui menait la liste LFI lors des élections européennes de 2019 et qui copréside le groupe « The Left » au Parlement européen, pousse avec LFI pour l’union et propose une « méthode de négociation » pour conclure un accord programmatique et construire une liste commune.

« Les Européennes posent la question de comment on rééquilibre les rapports de force au sein de la Nupes »

Mais dans le contexte du « déséquilibre » pointé par Frédéric Sawicki, la négociation semble complexe sans revenir sur certains équilibres, puisque lors des dernières européennes par exemple, LFI avait réalisé 6 sièges, 5 pour le PS, 12 pour EELV, alors que le PCF n’avait pas réussi à en décrocher. Des équilibres politiques très différents des dernières présidentielles ou législatives, dans une élection de liste à la proportionnelle qui mobilise un électeur sur deux, et donc pas le même électorat que lors des rendez-vous politiques quinquennaux. Sur ce point, LFI, par la voix de Manon Aubry, s’est montré, dans l’émission Backseat, par exemple, relativement ouverte sur une redéfinition des équilibres politiques, sans plus de précisions.

« Les Européennes posent la question de comment on rééquilibre les rapports de force au sein de la Nupes. Si EELV fait 3 fois le score de LFI ça va être difficile d’expliquer que c’est Jean-Luc Mélenchon qui doit y aller en 2027. Or, on le sait, c’est l’électorat d’EELV qui se mobilise le plus à ces élections, où il n’y a pas d’enjeux de vote utile puisque c’est à la proportionnelle », explique Benjamin Morel. En dehors de LFI, qui a plutôt intérêt à conserver le statu quo, les logiques qui pousseraient les partis de gauche à partir en ordre dispersé sont donc fortes, avec les risques d’une campagne qui pourrait laisser des traces. « Ça va être un moment de vérité, parce que ces campagnes ne favorisent pas la camaraderie », euphémise Benjamin Morel. En tout état de cause, pour le moment, aucun accord n’a été trouvé. La secrétaire nationale d’EELV, Marine Tondelier, notamment, répète inlassablement que les écologistes souhaitent porter leur liste en 2024, et à l’heure actuelle, le dossier des élections européennes semble donc être au point mort.

Alors même que se profile derrière lui un problème encore plus épineux : l’élection présidentielle de 2027. « Le problème numéro 1 de la gauche à la présidentielle, c’est la division : on l’a vu en 2002 déjà. Aujourd’hui toute candidature multiple diminue les chances de passer le premier tour car le socle électoral de la gauche c’est 25 %. Il va falloir trouver rapidement un mécanisme de désignation », analyse Frédéric Sawicki. Là-dessus, les positions sont encore plus troubles, en vue d’une échéance encore plus lointaine. Le député PS Jérôme Guedj est l’un des rares parlementaires à soutenir ouvertement le principe d’une primaire, après des négociations programmatiques, comme il l’a précisé sur notre antenne mardi. Un débat qui s’annonce encore plus ardu que les négociations autour des Européennes.

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