Louise* fait partie des 12 % de soignants non vaccinés. Cette aide-soignante exerçant à l’hôpital de Salon-de-Provence se dit déterminée à « aller jusqu’au bout » refusant de se faire vacciner « sous la contrainte ». Sans une première dose de vaccin contre le covid au 15 septembre, son contrat de travail sera suspendu et elle ne recevra plus de salaire. « C’est une mesure punitive et injuste. Comment peut-on forcer les professionnels de santé à s’injecter un produit sans leur consentement juste pour pouvoir continuer à travailler ? »
Louise raconte avoir vu des collègues remonter en pleurs après s’être fait vacciner « parce qu’ils n’ont pas eu le choix ». Comme elle, ceux qui refusent la vaccination s’inquiètent de leur futur personnel et professionnel : « On va devoir trouver autre chose, se reconvertir. C’est infâme et ça laisse un goût amer ! »
Mireille*, infirmière affirme, elle, avoir « cédé » de peur de mettre en danger sa famille. « Vaccinée contre son gré », c’est ainsi qu’elle se définit. « Avec deux enfants et les factures à payer, je ne pouvais pas me permettre de perdre mon travail ».
« Cela doit rester un choix libre »
Sandrine, aide-soignante elle aussi, n’est pas contre la vaccination, mais cela doit rester « un choix libre ». Elle a reçu sa première dose et ne compte pas faire la deuxième, trop angoissée, pas convaincue par la balance bénéfice risque, le manque de recul quant aux effets du vaccin. « J’ai attrapé le covid après avoir reçu ma première dose et ça interroge beaucoup ! Pourquoi tout ce chantage du gouvernement, sans aucune pédagogie et accompagnement, alors que la vaccination n’éradique pas le covid et que depuis plus d’un an il n’y a aucune volonté de développer les traitements contre ce virus ».
Dans l’hôpital où Sandrine exerce, une trentaine de soignants sur les 1000 qui exercent, ont décidé de dire non à la vaccination. « Nous risquons des amendes et des sanctions pénales, mais certains envisagent de faire preuve de désobéissance » et d’aller travailler sans certificat de vaccination pour dénoncer « une mauvaise loi ». Bon nombre de soignants, méfiants à l’égard de l’ARN messager, réclament un report en décembre « pour attendre que d’autres vaccins sortent ».
« Nous avons travaillé sans relâche depuis le début de cette crise », s’insurge Sandrine. « À ce moment, nous n’avions pas d’équipement pour nous protéger. Pas de masques, pas de gants, pas de blouses, rien ! Nous étions parfois malades du covid et la direction nous demandait de venir travailler quand même. Nous étions exposés, mais à ce moment-là, ce n’était pas un problème, et aujourd’hui, le gouvernement veut nous obliger à nous faire vacciner contre notre volonté. C’est inacceptable ! »
« La loi s’appliquera »
Le ministre de la Santé s’est voulu ferme sur le sujet. Moins d’une semaine avant l’obligation vaccinale pour les soignants prévue le 15 septembre, Olivier Véran a prévenu : « Il n’y aura pas d’arrêts maladie de complaisance ». Et d’assurer qu’il travaillait avec l’Assurance Maladie pour « effectuer les contrôles nécessaires ». Des contrôles qui pourront avoir lieu, « auprès du prescripteur ». Celles et ceux n’ayant reçu qu’une seule dose de vaccin le 15 septembre pourront poursuivre leur activité professionnelle, mais sous conditions (test de dépistage à effectuer toutes les 72h). Ils ont ensuite jusqu’au 15 octobre 2021 pour présenter leur schéma vaccinal complet. Des sanctions s’appliqueront pour le personnel n’ayant reçu aucune dose de vaccin à la mi-septembre.
Pour le ministre, il faut avant tout protéger les personnes fragiles qui séjournent dans les établissements de soins. « Je ne veux plus qu’il y ait des clusters au sein des établissements […] Je serai d’une fermeté totale. La loi s’appliquera » a rappelé le ministre. L’objectif affiché du gouvernement est de détecter les récalcitrants à la vaccination.
La majorité des soignants n’est pas contre la vaccination
Reste que la majorité des soignants n’est pas contre une obligation vaccinale. Selon un récent sondage Ipsos comment par le gouvernement, les deux tiers des agents de la fonction publique hospitalière (FPH) sont favorables au vaccin contre le covid pour tous les personnels de santé. Mais la vaccination « divise les équipes » regrette Gilles Manchon, secrétaire régional PACAC FO Santé. « Le sujet provoque beaucoup de crispations et l’échéance du 15 septembre ne va que les amplifier. Il y a déjà des salariés qui refusent de manger ensemble à la cantine », explique-t-il. « La fracture entre les vaccinés et les autres qui se joue à l’hôpital, elle est la même que dans l’opinion publique ».
Quid des effectifs ?
L’autre inquiétude de Gilles Manchon : il n’imagine pas les effectifs, déjà sous tension, privés de personnels non vaccinés à la date butoir. « Comment les hôpitaux vont-ils fonctionner si le personnel non vacciné ne vient pas travailler ? ». A Digne-les-Bains, 40 % du personnel ne sont pas encore vaccinés. La direction a déjà répondu que des services et des lits seront fermés.
« On va se retrouver avec un déficit important d’agents, car non vaccinés. Je m’interroge vraiment sur la manière dont on va assurer notre mission de service public dans les mois à venir ».
La CGT qui redoute les suspensions de poste « alors que le secteur manque déjà de personnel », appelle à manifester le 14 septembre prochain, veille de l’application de la mesure gouvernementale. « On n’a pas le luxe de se passer de nos collègues non vaccinés », affirme Suzana, infirmière à Evry.
*certains prénoms ont été modifiés