« L’obsolescence programmée est une aberration, une impasse ; elle nous mène droit dans le mur. Il faut réagir dès à présent en formulant des propositions concrètes ». En avril 2013, Jean-Vincent Placé, alors président du groupe écologiste du Sénat, interpellait Benoît Hamon, ministre délégué à l’Économie sociale et solidaire, lors de la séance des questions au gouvernement. Deux ans, plus tard, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte introduit le délit d’obsolescence programmée puni d’une peine de deux ans d'emprisonnement et de 300 000 € d'amende. Toutefois, « le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 5 % du chiffre d'affaires moyen annuel » précise le texte.
C’est sur cette base juridique que l’association Halte à l’obsolescence programmée (HOP) a saisi il y a quelques jours le procureur de la République de Paris d’une plainte visant Apple. Dans la foulée une enquête préliminaire pour « tromperie » et « obsolescence programmée » a été ouverte par la Direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des Fraudes (DGCCRF).
Apple a-t-il tendu le bâton pour se faire battre ?
Le 20 décembre dernier, la firme américaine reconnaît sur le site spécialisé sur l’actualité technologique, « The Verge », que « les batteries ion-lithium deviennent moins capables de répondre à la demande accrue d’énergie lorsqu’elles sont sollicitées dans des conditions froides, un faible niveau de charge ou un vieillissement à travers le temps ». Raison pour laquelle, la marque bride volontairement les performances de ses appareils au fil des mises à jour. Pour compléter ce mini mea culpa, Apple annonce un rabais sur le remplacement des batteries de ses téléphones pendant un an : 29 euros au lieu de 89 euros.
Inciter les marques à produire des « appareils durables et réparables »
Cinq ans après les premiers débats au Sénat sur l’obsolescence programmée, un début d’aboutissement judiciaire voit le jour grâce à l’association HOP co-fondée et présidée par Laëtitia Vasseur, auteure de « Du jetable au durable, en finir avec l’obsolescence programmée » (ed. Alternatives), également ancienne collaboratrice parlementaire au groupe écologiste du Sénat. « La réponse d’Apple est totalement insatisfaisante. Néanmoins, nous avons bon espoir que cette affaire fasse jurisprudence et incite les grandes firmes à plus d’innovation et plus de vigilance dans la production d’appareils durables et réparables » explique-t-elle. Parmi les changements que souhaite voir l’association HOP : l’extension de la durée de garantie des produits à 5 ans, l’application du décret imposant aux professionnels d’informer les consommateurs sur la disponibilité des pièces détachées, ou encore l’affichage de la durée de vie de l’appareil.
La firme américaine a néanmoins quelques arguments dans sa poche pour faire valoir sa bonne foi. Il y a 10 jours, sur Twitter le rédacteur en chef de Numerama qualifiait les arguments de HOP de « fake news ».
La composition chimique des batteries lithium-ion conduirait à une dégradation extrêmement dangereuse comme l’ont révélé, en 2016, plusieurs cas d’explosion de téléphones Galaxy S7, du constructeur coréen Samsung. Une raison valable pour limiter sciemment la performance des iPhones sans en informer les consommateurs ?
Plus de 3000 personnes ont contacté l'association
En raison de la règle de non-rétroactivité de la loi pénale, la plainte de l’association HOP ne concerne que les modèles de téléphone sortis après 2015 : SE, IPhone 6, 6+, 7, 8…. « Nous avons été agréablement surpris par la rapidité de la DGCCRF qui ouvert une enquête dans les huit jours. Nous avons mis en ligne un questionnaire destiné aux clients qui ont vu leur iPhone ralentir suite à la mise à jour de l’IOS. À ce jour, plus de 3000 personnes y ont répondu » explique Émile Meunier, avocat de l’association et lui aussi ancien collaborateur parlementaire du groupe écologiste de l’Assemblée nationale.
Apple n’est pas seul dans le viseur de la justice française. Suite à une deuxième plainte de HOP, le fabricant d’imprimante Epson fait également l’objet d’une enquête de la part de la DCCRF.