C’est l’histoire du verre à moitié plein ou à moitié vide. Avec 50,9 % des voix contre 49,1 % pour Nicolas Mayer-Rossignol, Olivier Faure est un premier secrétaire du PS dont la longévité se rapproche de celles de ses illustres prédécesseurs, François Hollande, Lionel Jospin ou encore François Mitterrand. Elu pour la quatrième fois depuis 2018, même de justesse, le député a été épargné par un nouveau pugilat sur la place publique comme lors du dernier congrès de Marseille, lorsque les deux hommes s’étaient disputés la victoire sur fond de soupçons de fraudes. « Cette fois, il n’y a pas de psychodrame, les choses ont été posées de manière claire, de manière partagée », s’est félicitée dans la matinale de Public Sénat, la maire de Nantes, soutien du premier secrétaire sortant, Johanna Rolland.
« Une bataille de chiffonniers aurait fait mauvais effet »
« Les municipales sont quand même dans peu de temps. Le PS joue gros dans cette élection car c’est là, où sont ses dernières vraies forces, dans les villes moyennes et grandes villes. Une bataille de chiffonniers aurait fait mauvais effet. Il y a eu une responsabilité collective de ce point de vue là », observe Alain Bergougnioux, historien spécialiste du PS.
Voilà pour le côté pile, pour le côté face, Pierre-Nicolas Baudot politiste, spécialiste du PS, rappelle tout d’abord que le parti « ressort très divisé » de cette élection interne qui n’a vu se déplacer pour voter au premier tour que 24.701 adhérents sur 39 815, en baisse par rapport à il y a deux ans. « Avec un score aussi serré, on a du mal à savoir comment le parti va fonctionner, Olivier Faure n’est plus majoritaire dans les instances du parti. En tout cas, il ne l’est plus sans Boris Vallaud. Il va y avoir un gros travail à faire sur le plan collectif. Ce que va montrer le congrès de Nancy (13 au 15 juin), c’est la faiblesse du parti », note-t-il.
Le troisième homme du scrutin, le président du groupe socialiste à l’Assemblée (17,41 % des voix au premier tour) qui a apporté son soutien à titre personnel a prévenu qu’il ne s’agissait ni « d’un chèque en blanc ni d’une ardoise magique » et a indiqué avoir obtenu « des engagements fermes » du premier secrétaire pour remettre le parti au travail, instaurer une gouvernance élargie et reprendre plusieurs de ses propositions, comme la création d’un institut de formation.
Le PS souffre aussi de la comparaison avec la très large victoire de Bruno Retailleau à la tête des Républicains qui a vu revenir au bercail des dizaines de milliers d’adhérents. « Les Républicains n’ont pas forcément beaucoup plus travaillé sur les idées mais ils s’en sortent bien, grâce à leur capacité d’organisation. Le problème pour le premier secrétaire, c’est que le camp de Nicolas Mayer-Rossignol n’aura pas intérêt à travailler à la réussite du projet qui profitera à Olivier Faure. C’est le problème du fonctionnement clanique », note Pierre-Nicolas Baudot.
« S’il n’y a pas eu de drame lors de cette élection, rien n’est réglé pour autant. Le travail programmatique a été à peine esquissé dans les motions et pas plus la stratégie pour les élections. Il y a un manque d’idées et d’incarnation », souligne Alain Bergougnioux.
« Le PS souffre d’une logique de présidentialisation »
Pierre-Nicolas Baudot complète : « Il n’avait pas de grandes différences idéologiques ou même stratégiques entre les trois candidats. Tous ont acté la fin de l’alliance avec LFI, par exemple. Il s’agissait surtout d’une question d’incarnation. Le PS souffre d’une logique de présidentialisation alors qu’il y a peu de chances qu’il revienne au premier plan à la présidentielle. C’est tout le paradoxe ».
Du point de vue des partisans de l’union de la gauche, l’élection d’Olivier Faure a été logiquement plutôt bien accueillie. Comme Boris Vallaud, il prône une candidature commune de la gauche non-mélenchoniste pour 2027, allant du leader de Place publique Raphaël Glucksmann à l’ex-député LFI François Ruffin. La patronne des Ecologistes Marine Tondelier, grande partisane de l’union de la gauche, n’a pas manqué de féliciter Olivier Faure pour sa victoire.
Nicolas Mayer-Rossignol défendait pour sa part une candidature issue d’ « un grand Parti socialiste » (GPS) réunissant les socialistes et ceux qui gravitent autour, comme Raphaël Glucksmann ou Bernard Cazeneuve.
Le Parti socialiste n’a pourtant cessé de réduire sa base électorale depuis la première élection d’Emmanuel Macron et s’est fait ravir sa place de leader à gauche par LFI. Si le PS compte un nombre presque équivalent de députés que LFI et dispose du premier groupe d’opposition au Sénat, 6 millions d’électeurs ont séparé la candidature d (‘Anne Hidalgo (1,75 %) à celle de Jean-Luc Mélenchon en 2022 (21,95 %). « Après 2017, il y a eu le choix, des socialistes de faire l’inventaire, un peu rapide à mon avis, du quinquennat de François Hollande. Quand vous dites que ce que vous n’avez pas bien fait au pouvoir. C’est plus difficile de convaincre des électeurs après », remarque Alain Bergougnioux.
« Le PS est devenu un parti de professionnels »
« Beaucoup de militants sont partis pendant le mandat de François Hollande. Pas uniquement à cause de sa politique. Il y a aussi des logiques structurelles plus profondes. Depuis les années 2010, le PS est devenu un parti de professionnels, qui n’arrive plus à diffuser ses idées dans la société, qui n’arrive plus à faire ce travail de conviction idéologique. Le risque pour lui, c’est un destin à la Parti communiste dans lequel il végéterait dans ses bastions locaux sans avoir de rôle de premier plan au niveau national », relève Pierre-Nicolas Baudot.
Dans ces conditions, la perspective d’un retour du PS à une place hégémonique à gauche semble plus que lointaine. Même si des sources de réconfort peuvent être à chercher dans l’Histoire. Trois ans avant son arrivée au pouvoir, le PS était minoritaire à gauche face au PCF. « C’est la stratégie qui précède la ligne politique. Quand Mitterrand veut faire l’union de la gauche, il tient un discours très anticapitaliste. Mitterrand a quand même fait l’union avec des communistes staliniens. Le programme du PS dans les années 80 était quand même un peu plus radical que celui de LFI aujourd’hui », compare le politiste.
Une analyse qui n’avait pas échappé à François Hollande lorsque lors de la campagne présidentielle de 2012, il avait scandé : « Mon véritable adversaire, c’est le monde de la finance ».