Omicron, et après ? L’optimisme prudent des scientifiques auditionnés au Sénat
La mission d’information sénatoriale sur les restrictions sanitaires a auditionné l’infectiologue Éric Caumes, l’épidémiologiste Vittoria Colizza ou encore le virologue Bruno Lina. Ils donnent des raisons d’espérer sur le devenir de la pandémie de covid-19, sans toutefois exclure des scénarios moins réjouissants.
Que va-t-il se passer dans les prochains mois, maintenant que la vague du variant Omicron poursuit son déclin en France ? Selon les dernières données communiquées par Santé publique France, la moyenne des nouveaux cas de covid-19 détectés par jour, lissée sur sept jours, vient de passer sous la barre des 200 000 pour la première fois depuis un mois. A l’heure où la pression reste très forte sur l’hôpital et où le gouvernement devrait alléger certaines contraintes, les questions sur l’évolution de la pandémie se posent. La mission d’information du Sénat sur les effets des restrictions sanitaires a auditionné plusieurs scientifiques ce 10 février pour faire le point sur l’éventuel tournant, souhaité tant par la population que leurs élus. « Faut-il maintenant espérer une sortie de crise ? Ou simplement une accalmie ? » résume le docteur Bernard Jomier, le sénateur (groupe socialiste, écologiste et républicain) qui préside la mission.
A cette interrogation, un certain optimisme sur les perspectives à moyen ou long terme se ressent dans les réponses, teinté d’une touche de prudence. Le virologue Bruno Lina, chef de service à l’Institut des agents infectieux du CHU de Lyon, considère que la vaccination a permis d’atteindre un « niveau d’immunisation collective » beaucoup plus rapidement qu’en comptant sur les infections. Et cette pression immunitaire aurait eu un impact sur l’évolution du virus.
Le scénario d’un virus en voie de se banaliser ?
Ce membre du Conseil scientifique imagine alors le Sars-Cov-2 devenir « un virus banal, qui serait capable de donner au fil du temps des infections de moins en moins importantes, du fait de l’immunité qui aurait été installée ». Et notamment l’immunité cellulaire, « durable » insiste-t-il, contrairement à l’immunité humorale, qui agit au travers de la production d’anticorps. Le professeur appelle toutefois à garder à l’esprit deux possibilités. Il mentionne la capacité du Sars-Cov-2 à se « recombiner » avec d’autres coronavirus humains en circulation, ou encore l’éventualité d’une « rétro-zoonose », c’est-à-dire une nouvelle mutation du virus après son passage chez l’animal. « Il faut être extrêmement vigilant », avertit-il.
Dans cet exercice « difficile » de prévisions, l’épidémiologiste Vittoria Colizza n’est sûre que d’une chose. La suite du covid-19 ressemblera moins à un sprint d’athlétisme sur 100 mètres sur une piste « très bien éclairée » qu’à une « course de trail, avec plusieurs obstacles », les résurgences épidémiques. L’apparition de nouveaux variants dans le monde, étant donné la force incidence dans plusieurs régions, est « tout à fait possible », tranche-t-elle. Possible, mais « pas le plus probable », selon le virologue Bruno Lina.
Vittoria Colizza évoque notamment l’apparition d'un variant d’Omicron, BA.2, « en croissance en France ». S’appuyant sur une étude danoise, elle souligne que ce variant est capable d’accélérer la propagation, sans que l’on sache bien s’il s’agit du résultat d’une plus grande transmissibilité ou de nouvelles réinfections. Autre scénario évoqué par cette directrice de recherche d’épidémiologie et de santé publique à l’Institut Pierre Louis : le virus qui deviendrait endémique, comme la grippe et ses vagues hivernales. Dans ce cas, « ça change complètement notre capacité de réponse », souligne-t-elle. Cet état endémique va aussi « dépendre de la capacité de l’immunité à rester au cours du temps », selon elle.
« Les vagues sont devenues de moins en moins hautes », les enseignements d’un coronavirus de 1890
Comme ses deux autres confrères, l’infectiologue Éric Caumes ne dispose pas non plus de « boule de cristal ». Mais ce professeur de l’Hôtel-Dieu (Paris) s’appuie sur un précédent : l’épidémie du coronavirus OC43, plus connu sous son surnom de « grippe russe » qui a débuté à l’hiver 1889-1890, avec une première vague particulièrement violente : « 500 morts par jour à Paris ». « C’est un très bon modèle historique […] Les vagues sont devenues de plus en plus espacées, de moins en hautes, une immunité collective s’est faite », raconte-t-il. Cette grippe avait duré « trois à cinq ans ». Et d’ajouter : « En général, quand un virus mute, ce qu’il gagne en transmissibilité, il le perd en pathogénicité », c’est-à-dire sa capacité à causer une maladie. « C’est un peu ce qu’on est en train d’observer avec Omicron. » L’actuel coronavirus pourrait suivre le même chemin et « s’atténuer de plus en plus » et rejoindre les autres coronavirus, déjà endémiques. Malgré l’expérience du passé, le scientifique ne veut toutefois pas être entièrement affirmatif. « La vérité, c’est qu’on n’en sait strictement rien. »
Tournant réel ou non, l’un des rapporteurs de la mission sénatoriale, Roger Karoutchi (LR) estime qu’entre le niveau élevé des hospitalisations et l’abandon possible du passe vaccinal à partir de la fin mars comme l’évoquait le porte-parole du gouvernement (ou encore le président du conseil d’orientation de la stratégie vaccinale), la confusion domine. « J’ai voté le passe vaccinal. J’en suis à me dire que je n’aurais pas dû le voter. J’aurais dû m’abstenir car je n’y comprends plus rien. » Constatant une baisse de nette de fréquentation dans les centres de vaccination de son département, le vice-président demande si le développement des vaccins efficaces contre l’ensemble des variants est possible.
« Tous les vaccins peuvent être pris en défaut »
Son espérance est vite douchée. « Imaginer qu’aujourd’hui on puisse avoir un vaccin qui protégera contre tous les variants du futur est un leurre », prévient le virologue Bruno Lina, ajoutant que le risque zéro est inatteignable. « Tous les vaccins peuvent être pris en défaut. Ce n’est pas une armure impénétrable ». Le scientifique ajoute que le vaccin du laboratoire américain Novavax, basé sur une technologie classique, a des performances de protection « moins bonnes » que les quatre premiers vaccins autorisés en France fonctionnant avec la technologie de l’ARN messager.
Quant à l’hypothèse d’un virus s’installant dans une phase endémique, Vittoria Colizza s’exprime sur le futur de la stratégie vaccinale avec quelques pincettes. « Si les chiffres et les critères le permettent, on pourra se focaliser sur les personnes les plus à risque », imagine-t-elle. « A quel moment on pourra faire, dans quelles conditions ? Cela va dépendre du virus en circulation. »
Interrogé par le rapporteur (centriste) Jean-Michel Arnaud sur le rôle des médicaments et traitements anti-covid-19 dans les prochains mois, le professeur Bruno Lina se montre prudent. « Un médicament n’est pas un substitut d’un vaccin ». Éric Caumes partage également certaines réserves. « Si on ne démarre pas un traitement dans les 24 ou 48 premières heures, vous ne pouvez pas être efficace. C’est vrai pour la plupart des maladies virales ». L’infectiologue relève un autre problème sur le Paxlovid, la pilule anti-covid développée par Pfizer, sur laquelle la Haute autorité de santé a accordé en janvier un accès précoce pour les adultes susceptibles de développer une forme grave de la maladie. « Mes collègues américains me disent qu’il y a un problème de disponibilité. »
C’est donc bien l’absence de certitudes qui entoure le trio de scientifiques. Sur le décalage entre l’optimisme gouvernemental et la haute circulation du virus, Vittoria Colizza estime que « ce qu’il nous manque », ce sont les « objectifs ». « On ne peut que souscrire », réagit Bernard Jomier, qui déplore le « manque de délibérations » sur des objectifs. Avant de rappeler l’un des principes directeurs de sa mission parlementaire : « On veut fonder nos délibérations sur la connaissance scientifique. »
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