Noël, meetings, pots : les fermes recommandations de Jean-François Delfraissy
Le président du Conseil scientifique a insisté, au Sénat, sur l’importance des gestes individuels dans la lutte contre la cinquième vague. « Si on ne fait pas ça, on sera obligé d’aller vers des mesures de restrictions plus lourdes », a-t-il prévenu. La vaccination ne pourra pas, à elle seule, arrêter cette vague.

Noël, meetings, pots : les fermes recommandations de Jean-François Delfraissy

Le président du Conseil scientifique a insisté, au Sénat, sur l’importance des gestes individuels dans la lutte contre la cinquième vague. « Si on ne fait pas ça, on sera obligé d’aller vers des mesures de restrictions plus lourdes », a-t-il prévenu. La vaccination ne pourra pas, à elle seule, arrêter cette vague.
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« Est-ce que vous n’en avez pas marre ? » Lorsqu’il entame son audition devant la commission des affaires sociales du Sénat ce 8 décembre, le président du Conseil scientifique tente de détendre l’atmosphère. Pour la quatrième fois de l’année, le professeur Jean-François Delfraissy s’exprime devant des sénateurs. Comme tous les Français, ils s’interrogent sur la trajectoire de la cinquième vague de covid-19, à l’approche des fêtes de fin d’année. Protection vaccinale, gestes barrières, attention sur les enfants, ou encore variant Omicron : l’immunologiste a balayé toutes les questions du moment, avec pédagogie.

Jusqu’où l’hôpital va-t-il pouvoir tenir ?

Jean-François Delfraissy l’a rappelé, c’est la pression sur l’hôpital qui servira de juge de paix. Actuellement, on compte 11 000 hospitalisations pour cause de covid-19, et 2 150 patients en réanimation environ. Le Conseil scientifique se donne pour objectif « raisonnable » de ne pas dépasser la barre des 4 500 lits occupés en réanimation, 5 000 en incluant les soins intensifs. Le chiffre est à comparer avec les 7 500 lits de réanimation et soins intensifs occupés au pic de la première vague de mars-avril 2020. « Mais on avait tout arrêté. Cela paraît totalement impossible d’arriver là. L’organisation du système hospitalier, qu’il soit public ou privé, ne permettra pas de monter aussi haut », a prévenu le scientifique.

Par rapport aux premières vagues, l’hôpital aborde cette cinquième vague « fragilisé », par le départ de soignants et la fatigue de ceux engagés depuis de nombreux mois. L’an dernier, les fêtes de fin d’année avaient suivi un confinement, rappelons-le.

Son appel pour la campagne de la troisième dose

Un élément a toutefois modifié la situation par rapport à l’hiver précédent : le vaccin. « Si on n’avait pas la vaccination avec un variant comme Delta, on serait à des chiffres beaucoup plus élevés », a insisté Jean-François Delfraissy. « Quand on est vacciné, on est bien protégé contre les formes sévères et graves. On est, au fil du temps peu protégé contre l’infection. » La protection contre la transmission ou l’infection passe de 70 à 80 % « juste après deux doses », à 30 %, six à sept mois plus tard.

D’où l’importance de procéder à une injection de rappel. « L’effet est immédiat en termes de boost immunologique », a expliqué le spécialiste. L’efficacité se mesure au bout de sept jours seulement. Actuellement, dix millions de Français ont reçu leur rappel, selon le gouvernement. Jean-François Delfraissy espère qu’ils seront 26 millions d’ici la fin du mois de janvier, pour éventuellement avoir « un impact sur la circulation du virus ». Cette troisième dose sera-t-elle la dernière ? Là-dessus, Jean-François Delfraissy reste prudent et refuse de s’avancer. « Il est possible que nous ayons besoin d’une quatrième dose […] Mais il est possible aussi que le boost donné par la troisième dose soit tellement important qu’il soit durable dans le temps », s’est-il avancé.

Le président du Conseil scientifique en a profité pour faire passer une série de messages. Les Français « n’ont pas à avoir de craintes vis-à-vis de Moderna ». « C’est très bien aussi », a-t-il insisté, rappelant que ce vaccin n’était toutefois plus indiqué pour les moins de 30 ans. « Si on n’utilise que Pfizer, on n’aura pas suffisamment de doses ». Un autre appel est lancé en direction du personnel hospitalier et médico-social. « Le Conseil scientifique recommande très fortement qu’on se donne les moyens que nos soignants puissent être vaccinés rapidement avec la 3e dose ». Selon lui, ils sont 30 % à ce jour à disposer de la troisième dose.

Jean-François Delfraissy demande des « efforts individuels »

Jean-François Delfraissy invite à la plus grande prudence pour les prochains jours et semaines. « Est-ce que la vaccination va suffire pour limiter la cinquième vague ? La réponse est non », a-t-il mis en garde. « On a besoin de l’ensemble de la boîte à outils. Il n’y a pas de solution miracle. » En parallèle de l’accélération de la campagne vaccinale, le président du Conseil scientifique appelle les Français à restreindre leurs interactions sociales, bref à ce que chacun « d’entre nous » fasse des « efforts individuels ». « Il faut qu’à titre personnel on limite notre agenda, les dîners, les pots de réception, de service. »

Le médecin veut donner l’exemple et confie avoir lui-même décliné une invitation de ses amis du Cantal. « Ils me considèrent un peu comme un hygiéniste en disant Jean-François on ne te reconnaît pas. Mais ce n’est pas ça : on a une période difficile à passer. Si on ne fait pas ça, on sera obligé vers des mesures de restriction plus lourdes ». Sur ce sujet, le professeur Delfraissy a d’ailleurs bien intégré la fatigue de la population fasse aux mesures très restrictives. « On doit revenir à des mesures acceptables, acceptées, chacune individuelle. »

« On va de nouveau souffrir », a mis en garde Jean-François Delfraissy. Il n’exclut pas des « situations particulièrement difficiles » dans certaines régions. Dans ces conditions, le médecin recommande de limiter le nombre de convives lors des repas de fête. Il a également désapprouvé la tenue de grands rassemblements politiques, sans respect des gestes barrières, absence du port du masque en tête. « La démocratie doit évidemment exister mais il y a un moment donné où il faut appeler un chat, un chat. Ce n’est pas raisonnable. »

Variant Omicron : « Aucun signe suggérant que ce variant est plus grave »

Le professeur s’est aussi attardé sur les développements autour du variant Omicron, détecté pour la première fois en Afrique australe début novembre. « Il n’y a aucun signe suggérant que ce variant est plus grave que les autres variants », a-t-il indiqué, précisant toutefois que de nombreuses « incertitudes » entourant encore Omicron. « Il semblerait peut-être même qu’il entraîne une forme clinique un peu différente, avec moins d’atteintes respiratoires. » Et d’ajouter : « Il a, semble-t-il, une autre particularité : il touche plus les enfants. »

Le président du Conseil scientifique précise enfin qu’il y « aura une diminution de l’efficacité des vaccins actuellement disponibles ». À la mi-journée, BioNTech a annoncé que le vaccin développé avec Pfizer restait « toujours efficace » après « trois doses » contre Omicron. Par ailleurs, les laboratoires espèrent finaliser un vaccin spécifique contre ce nouveau variant d’ici mars. Or, ce vaccin pourrait être opérationnel « fin juin, voire début juillet », anticipe Jean-François Delfraissy. En clair : jouer la montre pour bénéficier de ce nouveau vaccin plutôt que de se faire vacciner une troisième fois serait « une très mauvaise idée ».

Vaccination des enfants : pas de passe sanitaire

Jean-François Delfraissy s’est enfin exprimé sur une autre question, qui sera tranchée prochainement par la Haute autorité de santé : l’extension de la vaccination aux 5-11 ans. « Le Conseil scientifique, si l’indication de vaccination chez l’enfant est retenue, souhaite qu’elle ne soit pas obligatoire et qu’elle ne fasse pas l’objet d’un passe sanitaire enfant », a-t-il insisté. Le médecin a par ailleurs réitéré son appel à procéder à des dépistages systématiques dans les écoles.

Le Comité consultatif national d’éthique, dont la présidence est également assurée par Jean-François Delfraissy, doit rendre dans huit jours un avis sur la vaccination chez l’enfant.

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