« En 2010, le gouvernement n’affichait qu’un objectif : rétablir les comptes. On ne nous parlait pas de justice », raconte Jean-Claude Mailly. L’ancien secrétaire général de Force Ouvrière (FO) estime que le gouvernement a commis une erreur en présentant la réforme des retraites comme une réforme de justice, « surtout quand elle est injuste. » « On a dépensé combien pendant la crise sanitaire ? Et maintenant on veut mettre le pays à feu et à sang pour 12 milliards sur les retraites ? » poursuit Jean-Claude Mailly.
« Plus vous reportez l’âge, plus vous générez de nouvelles inégalités »
D’après l’ancien responsable de FO, « plus vous reportez l’âge, plus vous générez de nouvelles inégalités », en l’occurrence chez les femmes puisque le report de l’âge légal de départ va annuler le bénéfice des trimestres par enfant dont les femmes bénéficient, pour celles qui ont commencé à travailler tôt. « Quand vous êtes au pouvoir, que vous savez que toutes les organisations syndicales sont contre l’histoire de l’âge, vous regardez les choses différemment. Vous ne dites pas ‘je vais passer en force parce que je suis courageux.’ », estime-t-il.
« Le Président de la République veut faire ça pour montrer qu’il est courageux et qu’il peut affronter une réforme difficile, à la fois vis-à-vis des marchés financiers et de l’Allemagne. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de problème financier, mais on aurait pu discuter des modalités, et il n’y avait pas urgence à six mois près », analyse Jean-Claude Mailly.
« Il n’y a plus de contact entre les confédérations et le gouvernement. Je n’ai jamais connu ça »
Par ailleurs, l’ancien secrétaire général de FO reproche au gouvernement « d’avoir coupé les ponts » avec les syndicats une fois la concertation terminée. Une situation inédite d’après lui : « Il n’y a plus de contact entre les confédérations et le gouvernement. Je n’ai jamais connu ça. En 2010, il y avait toujours des contacts, y compris quand il y avait des manifestations. Ce n’est pas sain de couper les ponts, c’est une vision technocratique des choses, où l’on estime qu’il y a une séquence où l’on discute avec les syndicats, après on arrête, et on passe dans une séquence politique au Parlement. »
Jean-Claude Mailly y voit « une erreur de méthode » : « Il y a deux manières de faire de la concertation. Soit vous tenez compte de ce que l’on vous dit et vous mettez tout sur la table, soit vous consultez. C’est-à-dire que vous écoutez ce qu’on vous dit, mais vous faites ce que vous voulez. La concertation a eu lieu avec les syndicats, mais la négociation a eu lieu avec les Républicains. »