Tout va bien. C’est le message de la ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, qui a réalisé, ce jeudi au Sénat, une sorte de bilan d’étape de Parcoursup, le nouveau système d’admission pour le supérieur. La ministre était auditionnée par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication de la Haute assemblée (voir le sujet de Jordan Klein).
Dégradations : la facture s’élève à « plus de 5 millions d’euros »
L’occasion de donner quelques chiffres. Sur les 812.000 candidats inscrits sur la plateforme, au 27 juin, « près de 644.000 candidats avaient reçu au moins une proposition d’admission. 169.000, malgré tout, sont encore en attente » a précisé la sénatrice Catherine Morin-Desailly, présidente UDI de la commission, deux jours après l’ouverture d’une phase d’admission complémentaire. La ministre a pour sa part jeté quelques fleurs au Sénat – ça n’arrive pas tous les jours entre l’exécutif et la Chambre haute – qui a aidé la ministre à faire adopter définitivement, et surtout rapidement, le projet de loi en février, afin d’assurer un cadre légal à Parcoursup. « Nous avons écrit ensemble une loi de progrès social » s’est félicitée Frédérique Vidal. Regardez la ministre, pour plus de détail sur les chiffres :
Vidal : "Près de 6,3 millions de voeux ont été formulés sur Parcoursup"
« Comme tous les nouveaux systèmes, Parcoursup a suscité des interrogations » a euphémisé la ministre, après le mouvement d’opposition qui a traversé les facs, mobilisant une partie des étudiants mais aussi beaucoup d’enseignants-chercheurs. Elle est revenue sur les blocages et les dégradations, dont la facture s’élève à « plus de 5 millions d’euros » estime la ministre, chiffre déjà évoqué il y a dix jours.
« Ce ne sont que des filtres posés sur l’algorithme Parcoursup »
Anticipant les questions des sénateurs, Frédérique Vidal s’est montrée rassurante sur le sujet polémique des algorithmes locaux. Si l’algorithme national de Parcoursup a été rendu public, comme le veut la loi, ce n’est pas le cas des modes de sélections locaux. Beaucoup craignent des critères discriminants et sources d’inégalité. Mais la politique est aussi une guerre des mots – et donc de communication. C’est pourquoi la ministre évite l’emploi du terme « algorithmes locaux ».
« On peut toujours jouer avec les mots. Effectivement, les fichiers Excel reposent sur des algorithmes. Mais il n’y a pas d’algorithmes locaux au sens où on a pu l’imaginer. Il y a un outil d’aide à la décision à la disposition des établissements, qui est totalement facultatif, sur lequel, effectivement il y a un travail qui est à faire » a-t-elle cependant reconnu. « Il y aura probablement des choses à améliorer. Mais ce ne sont que des filtres posés sur l’algorithme Parcoursup. Je pense que c’est tout à fait transparent ». Un comité éthique et scientifique rendra un « avis » et « un rapport, après la fin de la procédure ». De quoi peaufiner le système pour la rentrée 2019.
« Je vous redemande solennellement la publication des algorithmes locaux pour toutes les universités »
Des explications qui ne convainquent pas vraiment le sénateur PCF des Hauts-de-Seine, Pierre Ouzoulias, fer de lance au Sénat de l’opposition au texte. Ce chargé de recherche au CNRS demande depuis des semaines la publication des algorithmes locaux. Il s’étonne d’entendre de la part de la ministre que ces algorithmes locaux n’existent pas. Illustration : « L’université de Pau m’a communiqué ses algorithmes. Vous les avez aussi. C’est une grille simple qui chiffre par compétence les points que rapportent un certain nombre d’éléments factuels qui sont dans les dossiers. En janvier, je vous avais fait remarquer qu’il n’était pas normal que les attendus mentionnent le Bafa. Dans les algorithmes de Pau, ça rapporte 15 points ». Regardez :
Pierre Ouzoulias (PCF) : « Je vous redemande solennellement la publication des algorithmes locaux pour toutes les universités »
Le communiste ne « voi(t) pas pourquoi on ne pourrait pas avoir les algorithmes des autres universités ». Pierre Ouzoulias ajoute : « Il est essentiel que nous sachions comment les universités codent les dossiers qui leur arrivent. Je vous redemande solennellement la publication pour toutes ces universités ». Le sénateur ne cache pas sa crainte :
« Qu’il y ait la possibilité pour les universités de se passer de tout contrôle national et d’organiser la sélection et le recrutement en fonction de leurs propres critères. Je tiens encore à un enseignement supérieur où l’Etat peut vérifier les choses » et non « un système où les universités rentrent en concurrence. On sait très bien qui va gagner et qui va perdre ».
Les universités sont « libres de rendre public » ou pas les algorithmes
Pour la ministre, il s’agit plutôt de trouver « un juste équilibre ». « Il faut qu’on veille à ce qu’il y ait une forme d’harmonie qui se mette en place, sans aller à l’uniformité ». Quant à la publication des algorithmes locaux, « j’imagine que vous les demandez pour tous les établissements et pas que pour les universités ? » demande Frédérique Vidal. Elle remarque que « ça fait quand même des années que les formations sélectives classent, en utilisant des algorithmes, sans que strictement personne ne s’intéresse à la façon dont ces classements étaient faits… »
La ministre continue, glissant au passage un autre terme pour nommer les algorithmes locaux dans un jargon très administratif : « Comment se fait la pondération des données paramétrables ? Evidemment, c’est quelque chose de très important. Il n’empêche, on est à un moment sur des commissions qui sont totalement libres de rendre public ces données ou de ne pas avoir envie de briser le secret des délibérations. C’est très variable d’un établissement à l’autre. Je n’ai absolument pas la grille que vous évoquez pour l’université de Pau. Aucune université ne se sent dans l’obligation de me faire remonter ce genre de chose. Les universités sont autonomes. (…) et responsable de leur offre de formation, du contenu de cette offre (…) et de la façon dont elle accueille les étudiants ». Au moins c’est clair. Maintenant, rendez-vous à la rentrée. La commission a déjà prévu de revoir Frédérique Vidal.