« Les femmes sont prêtes à s’engager mais il ne faut pas se moquer d’elles », prévient Nadine Kersaudy, vice-présidente de l’AMF en charge de la parité. Une table ronde sur la parité dans les exécutifs locaux était organisée au Sénat, jeudi 9 décembre, dans le cadre des travaux sur les citoyens et la démocratie locale.
Présidente de la délégation aux collectivités territoriales, Françoise Gatel (UC) a ouvert le débat par un constat : « La proportion des femmes dans les conseils municipaux progresse ». Depuis 2014, on compte environ 1 millier de communes supplémentaires dirigées par une femme. Cette progression résulte de « la loi sur la parité ». Une loi qui est cependant « inégalement appliquée ou inégalement imposée aux communes ».
Exécutifs locaux : l’évolution de la parité en stagnation
Cette avancée comporte des limites. « Il ne faut pas se voiler la face, la progression se fait vraiment à petits pas », nuance la coprésidente de l’association Elles aussi. Après une progression significative due à la nouvelle législation, on assiste à une stagnation.
Aujourd’hui, les femmes représentent seulement 20 % des maires et 42 % des effectifs des conseils municipaux. On observe « une relégation des femmes dans les postes d’adjoints : 70 % des premiers adjoints sont des hommes », pointe le sénateur PS, Éric Kerrouche. Ce dernier a d’ailleurs déposé une proposition de loi pour renforcer la parité en politique. Parmi ses propositions : étendre le scrutin de liste avec alternance de noms d’hommes et de femmes, à toutes les communes sans distinction de taille.
Intercommunalités : seulement 11 % de femmes présidentes
Françoise Gatel pointe également la raréfaction des femmes dès lors qu’on observe les intercommunalités. Les organisations qui échappent aux règles de parité restent sans surprise très masculines. Il en va donc ainsi pour les conseils communautaires où l’on compte seulement 11 % de présidentes. Françoise Gatel porte également l’attention sur les syndicats de collectes des ordures ménagères, d’électricité ou des eaux où « la présence féminine est particulièrement faible ».
L’écart se creuse encore lorsqu’on se concentre sur les communes rurales. « 9,5 % des communes de moins de 1 000 habitants ont atteint la parité dans les conseils municipaux, je ne parle même pas des exécutifs », renseigne la coprésidente de Elles aussi. La présidente de la délégation aux Droits des femmes, Annick Billon (UC), a dirigé un rapport sur la ruralité et les femmes. « La ruralité est un amplificateur d’inégalités » en conclut-elle.
De nombreuses élues de territoires ruraux ont été appelées à témoigner dans le cadre de ces travaux. 91 % d’entre elles disent avoir été confrontées à des difficultés dans leur parcours d’élue. 45 % estiment que ces difficultés sont liées au fait d’être une femme.
Vice-présidente de l’AMF en charge de la parité, Nadine Kersaudy a été la première femme élue maire dans son département. Elle était aussi la plus jeune. « Mon premier mandat s’est très mal passé, raconte-t-elle. Pour avoir subi des violences un peu sexistes, il a fallu s’affirmer. » Elle évoque les railleries, les difficultés avec une opposition qui démissionne d’un bloc et les insultes sexistes glissées dans les urnes.
« Le pouvoir est encore quelque chose d’assez masculin voire un peu sexiste, c’est une réalité »
L’absence de parité dans les exécutifs locaux est souvent expliquée par l’autocensure des femmes. Un élément qui ne saurait tout expliquer et qui, surtout, dédouane et bloque toute remise en question.
« Il y a la question d’auto censure mais pas que. Le pouvoir est encore quelque chose d’assez masculin voire un peu sexiste, c’est une réalité. Le sujet c’est aussi la cooptation masculine », soulève Cécile Gallien, maire de Vorey, référente du groupe pour la promotion des femmes dans les exécutifs locaux à l’AMF.
« La répartition des tâches domestiques conditionne beaucoup de choses »
Les modes de vie représentent un autre frein à la parité dans les exécutifs locaux. « La répartition des tâches domestiques conditionne beaucoup de choses », explique Renée Lepinay. Une inégalité qui s’ajoute à celles liées à la mobilité ou à la précarité. « Il y a une nécessité d’avancer sur le statut de l’élu, notamment sur la garde d’enfants », indique Annick Billon (UC).
Un certain nombre de recommandations ont été mis sur la table, au premier rang desquels la suppression du seuil d’habitants pour la parité. Aujourd’hui, les listes de candidats, avec alternance de femmes et d’hommes, ne sont pas obligatoires dans les communes de moins de 1 000 habitants (72 % des communes de France). La présidente de la délégation aux Droits des femmes a annoncé le dépôt d’une proposition de résolution en ce sens, ce jeudi. Les propositions de résolution ne sont pas contraignantes.