Parrainages : « Un système qui n’est pas mauvais mais qui est daté », pour le constitutionnaliste, Benjamin Morel

Parrainages : « Un système qui n’est pas mauvais mais qui est daté », pour le constitutionnaliste, Benjamin Morel

Faute de parrainage d’élus suffisants à 10 jours de la date butoir, Marine Le Pen, Éric Zemmour et Jean-Luc Mélenchon tirent la sonnette d’alarme. La question d’une réforme de l’élection présidentielle est une nouvelle fois au cœur de la campagne. L’idée d’un panachage de parrainages entre élus et citoyens serait plus adaptée pour le constitutionnaliste, Benjamin Morel.
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C’est l’arlésienne des campagnes présidentielles : le défaut de parrainages de certains candidats. « A chaque élection il y a la dramaturgie des parrainages. Ne vous inquiétez pas les candidates et les candidats importants auront leur parrainage », veut croire Yannick Jadot. Avec 490 parrainages comptabilisés par le Conseil constitutionnel, le candidat écologiste est proche du fameux sésame pour pouvoir être officiellement candidat. Mais ce n’est pas le cas de trois de ses concurrents qui sonnent l’alerte à 10 jours de la date limite. Éric Zemmour (291 parrainages), Marine Le Pen (366) et Jean-Luc Mélenchon (370) sont encore loin du compte.

Un système « indigne de la démocratie », pour Marine Le Pen

Pour mémoire, les candidats à l’élection présidentielle ont jusqu’au 4 mars pour rassembler 500 parrainages d’élus répartis sur au moins 30 départements. 42.000 élus sont habilités à donner leur signature à un seul candidat.

La candidate du Front national a lancé un appel aux maires et dénonce « un scandale », « indigne de la démocratie ». « Il y a vraiment le feu à la maison, mais il n’y a pas de psychodrame », a confirmé sur Public Sénat, Thierry Mariani, le porte-parole de Marine Le Pen.

Éric Zemmour a estimé lui aussi dimanche « très possible » qu’il ne les obtienne pas, ajoutant : « c’est très dur, on passe des heures à téléphoner […] pour essayer de les convaincre ».

Jean-Luc Mélenchon a même reçu le parrainage du président (LR) de l’Association des maires de France, David Lisnard « par souci civique » et « pour que les démagogues ne jouent pas les victimes ».

Auditionné au Sénat en janvier dernier, le maire LR de Cannes dénonçait « une théâtralisation de certains candidats, une victimisation. Ça fait partie d’une stratégie électorale » tout en reconnaissant « un vrai souci » sur le système des parrainages.

En 2021, le groupe socialiste du Sénat a tenté sans succès une réforme majeure

En la matière, les propositions ont fleuri ces dernières années pour réformer la règle des 500 parrainages en date de 1976. Palais du Luxembourg en février 2021, le groupe socialiste, par la voix du sénateur Éric Kerrouche, a défendu un amendement pour réformer le système des parrainages. Et ce à l’occasion de l’examen d’un projet de loi organique sur l’élection présidentielle. La proposition ? Réduire les parrainages d’élus à 250, et introduire des signatures de citoyens, 150 000. Un chiffre ni négligeable, ni limitatif, selon les rédacteurs de l’amendement. « Aujourd’hui, il y a une inéquation entre le mode de parrainage actuel et le régime dans lequel on se trouve », expliquait alors le sénateur des Landes.

« Les maires, même sans étiquette, subissent des pressions de différentes sortes »

Ce panachage entre parrainage d’élus et citoyens est souhaité par le constitutionnaliste, Benjamin Morel. « Nous sommes face à un système qui n’est pas mauvais mais qui est daté. A l’époque, il était cohérent d’opérer ce filtre des candidats, car vous ne pouviez pas faire campagne sans un gros appareil derrière vous. L’émergence de la candidature de Jean-Marie Le Pen dans les années 80 montré la dichotomie entre le champ politique national où le candidat du FN était puissant, et le champ politique local où il avait du mal à trouver ses signatures ».

Benjamin Morel note également que « le stock de signatures s’est appauvri ». « Les maires, même sans étiquette, subissent des pressions de différentes sortes. Que ce soit de la part des partis politiques, en interne au sein des conseils municipaux où un parrainage peut faire perdre la majorité, la pression des citoyens mais aussi celles des intercommunalités, des départements et des régions par la voie de subventions ».

Commissions Jospin et Balladur

La proposition du groupe socialiste du Sénat rappelle les propositions de la commission Jospin, demandée par François Hollande en 2012. Il souhaitait que l’ancien Premier ministre lui rende un rapport sur les outils à mettre en place pour améliorer la vie politique en France. Une des mesures phare : la suppression totale des parrainages d’élus, remplacés par 150 000 signatures de citoyens vérifiées par les préfets. Le tout pour faire émerger des « candidats du peuple ».

Cinq ans plus tôt, c’était Nicolas Sarkozy qui faisait une demande similaire à Édouard Balladur, pour plancher sur la réforme des institutions. Le rapport avait également débouché sur la fin des 500 parrainages, remplacés cette fois par un collège de 100 000 élus, avec à l’intérieur des délégués de conseils municipaux « sélectionnés à proportion de la population qu’ils représentent. » Aucune des réformes proposées par ces deux rapports, Balladur puis Jospin, n’entrera finalement dans la loi.

« Réformer le projet de loi organique sur l’élection présidentielle, prendrait deux heures à l’Assemblée nationale et deux heures au Sénat. Il faudrait que les candidats s’engagent sur cette réforme dès la première année de mandat pour ne pas nous retrouver à en débattre trois mois avant l’élection », insiste Benjamin Morel.

Fin de l’anonymat « partiel » des maires

L’anonymat des élus parrains a été supprimé en 2016 par le gouvernement Valls. Auparavant le Conseil constitutionnel publiait quand même 500 parrainages, ce qui entraînait une rupture d’égalité entre les candidats. Les maires et autres élus qui parrainaient un candidat qui ne recevait que 520 ou 530 signatures, étaient surexposés.

En attendant le 4 mars, les élus représentant plus de 10 % des intentions de vote vont pouvoir compter sur la réserve de parrainages lancée par le président du Modem, François Bayrou. Le collectif « Notre Démocratie » réunit aujourd’hui « plusieurs dizaines » de parrainages d’élus.

Ces élus, environ 80, « se déclarent » disponibles pour parrainer ceux qui sont « menacés d’être empêchés » de participer au scrutin, détaille le collectif sur internet. François Bayrou tiendra une conférence de presse mardi sur le sujet.

Le Conseil constitutionnel, publiera mardi et jeudi de nouvelles listes de parrainages actualisées

>> Lire notre article: Infographie : au Sénat qui parraine qui, pour l’élection présidentielle 2022 ?

 

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