Pas de texte de loi sur les travailleurs des plateformes numériques avant la fin de l’année

Pas de texte de loi sur les travailleurs des plateformes numériques avant la fin de l’année

La majorité de droite et du centre au Sénat a rejeté la proposition de loi des communistes relative au statut des travailleurs des plateformes numériques. Également opposé au texte, le gouvernement a annoncé devant les sénateurs que les conclusions de la mission lancée sur le sujet en janvier seraient retardées.
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L’issue du vote ne laissait planer guère de doutes : la proposition de loi relative au statut des travailleurs des plateformes numériques, soutenue par le groupe CRCE (communiste, républicain, citoyen et écologiste), a été rejetée en séance ce 4 juin au Sénat. Ce texte qui souhaitait traiter à part, dans le Code du travail, ces actifs précaires dont les emblématiques coursiers à vélo ou chauffeurs de VTC, pour renforcer leur protection sociale, n’a reçu ni l’assentiment de la majorité sénatoriale de droite et du centre, ni du gouvernement, opposés à tout nouveau statut ou de « salariat autonome ». Or, pour la rapporteure (communiste) du texte, Cathy Apourceau-Poly, « le législateur a réagi de manière timide » jusqu’ici, face à ces évolutions du monde du travail.

Divergents sur les solutions à apporter, communistes, majorité sénatoriale et ministère du Travail se sont toutefois rejoints sur l’identification des problèmes auxquels font face ces travailleurs d’un genre nouveau, qui ont émergé il y a plusieurs années. La question de leur représentation en est une, indispensable pour aborder la question des rémunérations et des conditions de travail.

Un « débat parlementaire » à l’issue de la mission Frouin, lancée en janvier

« Il faut qu’ils aient les moyens de discuter. Et lorsque nous aurons mis en place – suite au débat parlementaire qui devrait avoir lieu après les recommandations de Jean-Yves Frouin  un système de représentation, il y aura un cadre pour fixer les conditions et les prix des prestations », a expliqué en séance la ministre du Travail.

Muriel Pénicaud a fait référence à la mission confiée par le Premier ministre, au mois de janvier, à Jean-Yves Frouin, ancien président de la chambre sociale de la Cour de cassation. À l’origine, cette mission devait uniquement imaginer des pistes pour faire émerger une représentation de ces travailleurs indépendants, pour les besoins d’une ordonnance prévue par la loi d’orientation des mobilités (LOM) de fin 2019. Le champ de la mission a été « élargi » pour prendre en compte la totalité des sujets sur la table : gestion du temps de travail, rémunération, formation, protection sociale ou encore modalités de rupture d’un contrat. « Nous sommes conscients que le cadre législatif actuel ne permet pas de répondre pleinement à l’ensemble de ces défis », a reconnu Muriel Pénicaud.

Il y aura un petit contretemps. La mission Frouin, qui devait s’achever en juin, a été « retardée » à cause du confinement. « Il s’agit de faire des auditions plutôt physiques, si possible », a expliqué la ministre. Muriel Pénicaud a annoncé devant le Sénat que le gouvernement allait « prolonger » la mission « jusqu’en octobre ». Le débat parlementaire, dont elle parlait plus tôt, ne devrait donc pas se tenir avant la fin de l’année, où l’agenda parlementaire est déjà fortement accaparé par le vote du budget.

La majorité sénatoriale veut « dépasser la question du statut »

Le sénateur communiste du Val-de-Marne, Pascal Savoldelli, auteur de la proposition de loi, s’est étonné que les « parlementaires qui travaillent sur ces questions » n’aient pas été reçus. Au cours des débats, la ministre s’est engagée à les « associer », saluant « la matière première » accumulée depuis deux ans au Sénat sur ces sujets.

La dernière initiative en date est un rapport de 14 recommandations (relire notre article) remis par Michel Forissier et Frédérique Puissat (LR) ainsi que Catherine Fournier (Union centriste), trois sénateurs de la commission des Affaires sociales. Leur président, Alain Milon (LR), a usé d’une métaphore de circonstance, pour souligner que le texte des communistes empruntait une voie différente. « Je trouve que votre recherche épidémiologiste est bonne, dans le cadre de ces travaux. Votre analyse des symptômes est bonne également, le diagnostic aussi. Par contre, le traitement me semble un peu discutable. »

Lors des débats, Catherine Fournier a ainsi rappelé qu’il fallait « dépasser la question du statut », et au contraire élargir un certain nombre de droits sociaux, qui font actuellement défaut aux indépendants. Selon Catherine Forissier, un statut à mi-chemin entre le salariat et la micro-entreprise aurait « des effets contraires aux objectifs poursuivis ».

« Si Victor Hugo devait réécrire les Misérables, Cosette livrerait des repas à vélo »

Selon le sénateur Fabien Gay (communiste), l’objectif n’était pas un « troisième statut » mais bien de lutter contre la « paupérisation de l’entreprenariat » par des plateformes qui « nient » leur pouvoir de contrôle sur ces travailleurs indépendants. « Si Victor Hugo devait réécrire les Misérables aujourd’hui, assurément Cosette livrerait des repas à vélo, et les Thénardier seraient l’une de ces grandes multinationales », a comparé le sénateur de Seine-Saint-Denis.

Pascal Savoldelli avait encouragé l’hémicycle à « renforcer » d’urgence le statut de ces « tâcherons du clic, soumis au management algorithmique ». En leur garantissant une protection sociale en cas d’arrêt d’accident ou d’interruption de l’activité, comme ce fut le cas pendant le confinement. La proposition de loi prévoyait aussi une rémunération égale au minimum au Smic horaire ou encore. « Il y a aujourd’hui aucun doute sur le statut de ces travailleurs indépendants fictifs qui sont en proie à des pratiques de salariat déguisé », a-t-il dénoncé.

L’arrêt de la Cour de cassation du 4 mars, au cours duquel les juges ont décidé de requalifier en contrat de travail la relation qui liait un chauffeur de VTC à la société Uber (relire notre article) est revenu à plusieurs reprises dans les interventions. La centriste Catherine Fournier a néanmoins rappelé que le salariat n’était pas une « revendication partagée » parmi les travailleurs des plateformes.

Soutenu par les socialistes dans sa volonté de lutter contre le retour du « tâcheronnage », selon les mots de Monique Lubin, Pascal Savoldelli a surtout réussi à se faire entendre sur l’impératif de rendre ces plateformes et les choix des algorithmes moins « opaques ». « Mon grand-père a travaillé à la tâche. De visu à visu. Il pouvait discuter de la valeur de sa tâche. Les travailleurs des plateformes numériques ne peuvent même pas en discuter. »

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