L’ombre du variant Omicron plane alors que les services de réanimation s’engorgent. Depuis fin novembre, le nombre de patients atteint du Covid-19 est reparti à la hausse : il approche aujourd’hui les 3 000 patients, selon les chiffres publiés dimanche par Santé publique France.
Dans ce contexte, la communication du gouvernement est regardée à la loupe et rien n’est pardonné. Vendredi, le Premier ministre a annoncé la transformation du passe sanitaire en passe vaccinal. En d’autres termes, pour les lieux soumis au passe, un test négatif ne suffira plus : il faudra avoir été vacciné (ou avoir guéri du Covid) et avoir reçu une dose de rappel.
« Le passe vaccinal est une forme déguisée d’obligation vaccinale, mais c’est plus efficace qu’une obligation vaccinale », a assumé le ministre de la Santé, samedi. Le lendemain, le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, le contredit : « Le passe vaccinal est moins contraignant que l’obligation vaccinale. […] Appelons un chat, un chat. Le passe vaccinal, c’est un passe vaccinal. Mais, c’est déjà une forme de contrainte ».
« L’action gouvernementale ne saurait être « déguisée » »
Au Sénat, les propos du ministre de la Santé passent mal. Le sénateur LR, Philippe Bas, s’en offusque : « L’action gouvernementale ne saurait être « déguisée » : elle exige au contraire la transparence et la vérité. Si le gouvernement veut créer une obligation vaccinale, qu’il l’assume et le dise sans détour et non de manière contournée ».
Le sénateur de la Manche s’inquiète également de l’idée d’un passe sanitaire étendu à l’ensemble des entreprises. Une perspective qui suscite de fortes réticences chez les partenaires sociaux. Des consultations sont organisées ce lundi avec la ministre du Travail, Élisabeth Borne, qui assure que « rien n’est acté ».
« C’est un peu se moquer des gens », réagit quant à lui le sénateur LR, René-Paul Savary. Médecin de formation, pourtant « assez favorable » au passe vaccinal, il regarde la politique du gouvernement, las, et presse : « Il faut prendre des mesures courageuses ».
« On a eu droit à une candidature déguisée avec l’interview d’Emmanuel Marcon et nous voilà maintenant avec une obligation vaccinale déguisée ».
Contrairement aux vagues précédentes, « on ne peut pas arrêter un pays parce que les hôpitaux sont surchargés, on ne peut pas refaire le "quoi qu’il en coûte" », souligne René-Paul Savary. L’élu de la Marne juge les mesures gouvernementales contraintes par la proximité de l’élection présidentielle et moque la communication de l’exécutif : « On a eu droit à une candidature déguisée avec l’interview d’Emmanuel Macron et nous voilà maintenant avec une obligation vaccinale déguisée ».
Au-delà du bon mot, le sénateur de la Marne insiste sur l’urgence de la situation et la nécessité de prendre des mesures, y compris dans les écoles. Pour les quelque six millions de personnes non vaccinées, René-Paul Savary estime qu’il faut passer à la vitesse supérieure : « Il faut se poser la question d’une obligation vaccinale. Ce n’est pas possible que, pour quelques personnes rebelles, on condamne une société. »
« L’hôpital va le payer cher », prévient Bernard Jomier
L’obligation vaccinale est la mesure promue par le Parti socialiste depuis des mois. « Que le Premier ministre annonce le passe vaccinal, ça va dans le bon sens, mais on est dans une hésitation que je ne comprends pas », commente le sénateur PS, Bernard Jomier. Lui aussi médecin de formation, il voit les réticences du gouvernement d’aller plus loin comme résultant de « raisons purement tactiques ». Comprendre : politiciennes.
Face au nouveau variant Omicron, Bernard Jomier regrette ainsi « une demi-gestion » et alerte : « L’hôpital va le payer cher, on est déjà en train de déprogrammer des soins ». A ce titre, la commission d’enquête sénatoriale sur la situation de l’hôpital et le système de santé en France auditionnait, jeudi dernier, des médecins urgentistes. « Nous sommes tous en train d’y laisser notre peau, ont-ils alerté. Il y a une vraie inquiétude pour les fêtes de fin d’année parce qu’on a un tiers des services qui sont en énorme difficulté » (Lire ici).
Protocole sanitaire à l’école : « C’est l’histoire du type qui voit qu’il a de la fièvre et qui casse le thermomètre ».
La gestion de la crise sanitaire dans les écoles représente également un point d’achoppement. « Ce qui a été fait au mois de novembre est dramatique », dénonce le sénateur socialiste. « On a délibérément laissé circuler le virus à un niveau élevé, c’est une faute lourde. » Bernard Jomier fait ici référence à la décision du ministre de l’Education d’alléger le protocole sanitaire alors que les cas de contaminations augmentaient. « C’est l’histoire du type qui voit qu’il a de la fièvre et qui casse le thermomètre », lance Bernard Jomier.
Toujours sur les écoles, la semaine dernière, une note de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques recommandait de généraliser les capteurs de CO₂ en intérieur (lire ici). Une demande formulée de longue date, notamment par le président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau. Sur les écoles primaires, Bernard Jomier, rappelle une autre préconisation longtemps ignorée, celle visant à généraliser les tests itératifs. Le sénateur prévient : le Sénat sera vigilant au protocole sanitaire mis en place à la rentrée scolaire.