Passe vaccinal : les sénateurs suppriment la vérification d’identité par les restaurateurs et les cafetiers

Passe vaccinal : les sénateurs suppriment la vérification d’identité par les restaurateurs et les cafetiers

Une très large majorité de sénateurs, allant des communistes aux Républicains, en passant par les centristes, a retiré une nouveauté prévue par le projet de loi instaurant un passe vaccinal. Ils ont supprimé la possibilité pour les professionnels des établissements recevant du public de demander une pièce d’identité pour vérifier qu’un passe vaccinal est bien authentique.
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C’est la principale modification du projet de loi sur le passe vaccinal en fin de séance au Sénat, dans la nuit du 11 au 12 janvier. Les sénateurs se sont opposés aux contrôles d’identité par le personnel des activités et établissements soumis au passe vaccinal, tel que le prévoyait le texte jusqu’ici. Dix amendements identiques, issus de la plupart des groupes du Sénat, ont été présentés pour retirer les dispositions à l’article 1 qui concernent la vérification de l’identité des personnes présentant un passe vaccinal, en cas de doute sur son authenticité. Ils ont été massivement adoptés. 303 sénateurs ont voté pour, 37 contre. Seules la totalité des membres des groupes Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (majorité présidentielle) et Indépendants - République et Territoires (droite proche de la République en marche) n’ont pas voulu suivre la tendance nette qui s’est dessinée dans l’hémicycle. Comme eux, le gouvernement s’est aussi montré défavorable à cette modification.

La perspective de voir des salariés de l’hôtellerie-restauration, du monde de la culture ou des transports, bref de tous les lieux pouvant requérir un passe vaccinal, a visiblement inquiété de nombreux sénateurs. Ils ont redouté de possibles abus voire la formation d’un dangereux précédent. « Ces dispositions viennent renforcer un sentiment de défiance à l’égard des Français », s’est exclamée la sénatrice LR Marta de Cidrac. « La rédaction est suffisamment floue pour induire des abus », a renchéri le sénateur centriste Michel Canevet. Dans ce « moment important » de l’examen du texte, le communiste Fabien Gay a mis en garde contre un risque d’engrenage. « Si nous mettons le doigt là-dedans, nous aurons les plus grandes difficultés pour revenir en arrière. » Le socialiste Jean-Pierre Sueur y a vu un « problème constitutionnel », l’écologiste Guy Benarroche « l’instauration d’un nouveau modèle de société qui est contraire aux valeurs de beaucoup d’entre nous. » Pour Esther Benbassa (non-inscrite), « ce transfert des compétences de la police vers la société civile n’est pas acceptable ».

« Il est quand même douteux qu’on fasse de ces établissements et de leurs personnels des auxiliaires de la police », déclare Philippe Bas

Lors de l’examen en commission des lois, la veille, les sénateurs avaient maintenu les dispositions relatives au contrôle, afin de décourager la fraude et surtout de lever les doutes en cas de besoin. Au moins 182 000 faux passes sanitaires ont été identifiés fin décembre, selon le gouvernement. La commission a toutefois introduit la possibilité de présenter un permis de conduire, des cartes de transport, des cartes vitales ou cartes professionnelles, au lieu d’une carte d’identité ou d’un passeport. Elle avait aussi expressément interdit pour un gérant d’établissement de recueillir les informations du document en question, en vue de poursuites. Finalement, le rapporteur Philippe Bas (LR), qui avait déjà fait part de ses craintes en décembre, a fait évoluer sa position et s’en est remis à la sagesse de ses collègues. « J’entends bien que les inconvénients paraissent l’emporter sur les avantages », a-t-il réagi en séance. « Il est quand même douteux qu’on fasse de ces établissements et de leurs personnels des auxiliaires de la police. »

Parmi les autres amendements adoptés au cours de la soirée, les sénateurs ont adopté un amendement du groupe communiste visant à exclure le recours au passe vaccinal pour les déplacements réalisés en vue d’une convocation dans une juridiction ou d’un entretien avec un avocat.

Le texte sorti de la commission prévoyait de permettre aux non-vaccinés de prendre les transports de longue distance en cas de motif impérieux « d’ordre familial ou de santé », ou « professionnel ». L’hémicycle a voté en faveur d’un amendement de Sylviane Noël, visant à assouplir les modalités de ces voyages en cas de situation impérieuse. « Dans le cas où la personne ferait face à une urgence impérieuse, il apparaît délicat de lui demander l’obtention d’un résultat d’un examen de dépistage virologique alors même que sa priorité n’est pas à l’opération d’un tel test. Il est donc proposé de permettre à la personne de fournir un test de 72 heures », a-t-elle expliqué.

L’examen du projet de loi, et notamment de son article 1er introduisant le passe vaccinal, doit se poursuivre ce mercredi, en fin d’après-midi, à l’issue des questions d’actualité au gouvernement. Le Sénat doit encore débattre de plus d’une centaine d’amendements.

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