Le passe vaccinal s’apprête à remplacer le passe sanitaire. Concrètement, lundi 24 janvier, on ne pourra plus aller au restaurant ou au café en présentant un test (antigénique ou PCR) négatif. La dernière étape a été franchie par cette décision du Conseil constitutionnel, saisi par une soixantaine de députés emmenée par la France Insoumise, et par le groupe socialiste du Sénat.
Le texte prévoit la possibilité pour les professionnels des établissements recevant du public (ERP) de « vérifier » la « concordance » d’identité entre le passe vaccinal et « un document officiel comportant une photographie », s’ils avaient des « raisons sérieuses » de douter de la véracité du passe vaccinal. La mesure contestée par la plupart des groupes politiques du Sénat qui l’avait supprimé en première et en deuxième lecture, malgré une réécriture assouplie de la commission des lois du Sénat. A l’origine le projet de loi prévoyait que cette vérification ne puisse se faire qu’avec des documents officiels d’identité, soit uniquement la carte d’identité, le passeport et le permis de conduire.
Lire notre article: Passe vaccinal : les modifications apportées par le Sénat en commission
Jean-Pierre Sueur : « Procéder à des contrôles d’identité va créer une confusion des genres »
Cette vérification d’identité était particulièrement critiquée par les sénateurs socialistes. Les Sages ont validé le dispositif au nom de l’objectif de « protection de la santé » face à l’épidémie de covid-19. « Le refus de la personne de produire » un document officiel comportant sa photo « ne peut avoir pour autre conséquence que l’impossibilité pour elle d’accéder à ce lieu, appuie le Conseil. « Je prends acte de la décision du Conseil constitutionnel qui s’applique à tout le monde, mais je persiste à penser que demander aux restaurateurs et cafetiers de procéder à des contrôles d’identité va créer une confusion des genres, cette tache étant dévolue à la police et à la gendarmerie », commente le sénateur PS, Jean-Pierre Sueur.
« Portée inopérante », pour Philippe Bas
Le rapporteur du texte, Philippe Bas (LR) note quant à lui qu’après l’échec de la commission mixte paritaire « l’Assemblée nationale a repris malicieusement la rédaction que j’ai fait adopter en commission. Et je peux attester que le texte ne crée pas d’obligation pour les professionnels des ERP. C’est à leur libre interprétation. Ils ne le feront peut-être jamais. Cette disposition ainsi vidée de son venin, a pu passer le cap du Conseil constitutionnel par sa portée inopérante », estime-t-il.
Lire notre article: Passe vaccinal : après le psychodrame en CMP, des rapprochements « de bon augure » entre députés et sénateurs
A noter également que les Sages émettent « une réserve d’interprétation » : la vérification ne pourra se fonder que « sur des critères excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit entre les personnes ».
« Les indicateurs sanitaires » pris en compte par le Conseil
Sur le fond de la décision, Philippe Bas se félicite de voir le Conseil constitutionnel valider la plupart des dispositions du projet de loi au nom du principe constitutionnel de santé publique. « Le principe d’égalité ne vaut que pour des personnes qui sont dans la même situation. Or, les personnes vaccinées et non vaccinées ne le sont pas. Cette décision conforte rétrospectivement le vote du Sénat, car elle justifie le recours au passe vaccinal en fonction des indicateurs sanitaires (taux de vaccination, taux de positivité des tests de dépistage, taux d’incidence taux de saturation des lits de réanimation NDLR). Cela veut dire que si la situation sanitaire s’améliore et que le gouvernement maintient le passe vaccinal. Un citoyen pourra s’appuyer sur cette décision pour saisir le Conseil d’Etat afin d’en demander sa suspension », explique-t-il.
Dans sa version du texte, Le Sénat avait en effet mis en place un système de péremption du passe, en le limitant selon le niveau de l’épidémie.
Une commission d’enquête du Sénat, lancé cette semaine à l’initiative du groupe LR, aura d’ailleurs la charge d’examiner « l’adéquation du passe vaccinal à l’évolution de l’épidémie de covid-19 ».
Lire notre article: Passe vaccinal : le Sénat lance officiellement une commission d’enquête
Meeting politique : « Le Conseil a rappelé au Parlement la primauté des principes démocratiques »
Enfin, Le Conseil constitutionnel a censuré la possibilité pour les organisateurs de meetings politiques de demander un passe sanitaire aux participants. Les organisateurs pourront cependant prendre « toutes mesures de précaution sanitaire utiles, telles que la limitation du nombre de participants, la distribution de masques ou l’aération des salles ». Cette disposition était contestée par les députés et sénateurs auteurs de la saisine. « Le Conseil a rappelé au Parlement que la primauté des principes démocratiques. Le Parlement n’a pas suffisamment détaillé les conditions de recours au passe sanitaire », explique le rapporteur.