Il y aura donc un procès d’Alexandre Benalla, dans l’affaire dite des passeports diplomatiques et de service. C’est le premier renvoi devant le tribunal correctionnel de l’ancien chargé de mission à l’Elysée, qui a émergé sur la scène publique avec le scandale des violences commises lors d’une manifestation le 1er mai 2018 à Paris.
Selon une information de l’AFP, les juges d’instruction chargés du volet ont décidé de renvoyer l’ancien collaborateur de l’Elysée devant le tribunal correctionnel pour « usage public et sans droit de documents justifiant d’une qualité professionnelle », en ce qui concerne l’utilisation de deux passeports diplomatiques, et pour « faux et usage de faux », concernant cette fois son passeport de service.
Alexandre Benalla n’est pas dans le viseur de la justice uniquement dans l’affaire des passeports, il est également visé par cinq autres enquêtes judiciaires. Mais le chapitre des passeports avait constitué, il y a plus de deux ans, l’un des points d’orgue des travaux de la commission d’enquête du Sénat, qui avait passé au peigne fin l’envergure des responsabilités de l’ancien chargé de mission à la présidence de la République. Le cycle d’auditions sénatoriales avait permis de mettre en lumière des contradictions et des dysfonctionnements dans l’attribution, l’utilisation mais aussi concernant la restitution de ses passeports après sa mise à pied puis son licenciement.
Des passeports utilisés après le départ de l’Elysée d’Alexandre Benalla
Lorsqu’il a été entendu pour la première fois sous serment le 19 septembre 2018 par la commission d’enquête du Sénat, Alexandre Benalla a affirmé que ses passeports étaient restés dans le bureau qu’il occupait à l’Elysée, au moment de son départ. Or trois mois plus tard, Mediapart et Le Monde ont révélé qu’il avait utilisé de ses deux passeports diplomatiques pour entrer dans plusieurs pays africains.
Affaire Benalla : « Benalla a utilisé une vingtaine de fois les passeports diplomatiques » affirme Patrick Strzoda
Toujours face aux sénateurs, dans le cadre d’une audition sous serment, les propos de Patrick Strzoda, directeur de cabinet du président de la République, avaient fait l’effet d’une bombe le 16 janvier 2019. Il a affirmé qu’Alexandre Benalla avait utilisé une vingtaine de fois ses passeports diplomatiques, entre le 1er août et le 31 décembre, à une période où l’intéressé n’exerçait plus ses fonctions. Le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian avait également confirmé ces utilisations, détectées au Tchad, en Israël, au Maroc et aux Bahamas. A cette époque, Alexandre Benalla entamait sa reconversion professionnelle en tant que consultant international en sécurité.
Auditionné une nouvelle fois devant la commission d’enquête sénatoriale le 21 janvier 2019, Alexandre Benalla a assuré aux sénateurs ne pas avoir menti. « Ces passeports m’ont été remis à nouveau, alors que j’avais été contacté par un salarié de l’Élysée, début octobre 2018 […] On m’a fait savoir que ces passeports n’étaient pas désactivés. Sinon, je n’aurais pas voyagé avec ces passeports », avait-il expliqué.
Passeports : « Je ne vous ai pas menti le 19 septembre » assure Benalla
Quand le directeur de cabinet d’Emmanuel Macron soupçonnait une « falsification »
Pire, Patrick Strzoda avait également accusé Alexandre Benalla d’avoir obtenu un passeport en usurpant un en-tête du chef de cabinet, François-Xavier Lauch. « Pour obtenir ce passeport, M. Benalla a adressé au ministère de l’Intérieur une note dactylographiée à en-tête du chef de cabinet, une note non signée de façon manuscrite », avait-il souligné. L’information avait été signalée au procureur, au titre l’article 40 du code de procédure pénale.
« Alexandre Benalla qui avait dans un premier temps été laissé sous le statut de témoin assisté dans ce dossier a toujours contesté les faits et leur qualification pénale », a déclaré à l’AFP son avocate, Maître Jacqueline Laffont.
Sur le volet de la restitution des passeports, les déclarations discordantes d’Alexandre Benalla à quatre mois d’intervalle avaient notamment poussé le Sénat à transmettre ces éléments à la justice. Dans leur rapport, les sénateurs estimaient « qu ['il] a délibérément cherché à tromper la commission lors de sa première audition et qu’il a, lors de la seconde audition, tenté de reconstituer les faits afin d’effacer son premier mensonge »